Des vitrines totalement explosées, des magasins pillés, des franchisés et des salariés impuissants face au déferlement de violences urbaines suite à la mort du jeune Nahel le 27 juin dernier, tué par un policier en service.
Entre dégâts matériels et coûts psychologiques, la note va être salée pour des milliers de commerçants se retrouvant avec des magasins partiellement ou totalement détruits. Peuvent-ils compter sur la force d’une enseigne pour se relever ?
Des milliers de commerces visés par les violences urbaines
Après les gilets jaunes, les débordements lors de manifestations s’opposant au projet de loi portant sur les réformes des retraites, les commerçants sont de nouveau pris pour cible par des pilleurs. La mort du jeune Nahel ayant déclenché de nombreuses émeutes dans les centres-villes (grandes et petites) mais pas que.
Combien de magasins touchés ? Impossible à chiffrer pour l’instant mais les dégâts dans les boutiques d’optique, de prêt-à-porter (basket, vêtement de sport…), de restauration, de téléphonie, d’informatique, etc… sont importants. Le Medef les a chiffrés à un milliard d’euros. Le réseau d’opticiens Atol dénombre 15 points de vente détruits. « En tant que chefs d’entreprise, nous sommes habitués à relever des défis économiques, à la concurrence, à la course à l’innovation, à des problématiques de transformation digitale, etc. Mais là, on est face à des casseurs qui abîment le travail d’une vie pour certains de nos associés. Ça déclenche une colère et de l’exaspération difficiles à contenir. Tout le monde se demande ce que l’on a fait pour en arriver là », nous expliquait Éric Plat, PDG d’Atol, le 3 juillet dernier.
Yohann Berthe, fondateur du réseau d’auto-écoles Drive Innov déplore la casse de l’une de ses 5 succursales (il possède également 2 franchises), celle de Lyon 2. « Une de nos vitrines a cédé et les assaillants sont repartis avec nos vélos électriques, des tablettes, un ordinateur portable et la caisse », illustre le dirigeant de l’enseigne, encore sous le coup.
Les centres-villes ne sont pas les seuls à avoir été touchés. Les centres commerciaux paient également un lourd tribut à ce déferlement de violence. « Dans ces centres, les dirigeants de points de vente pensaient être protégés par les vigiles. À Créteil dans le Val-de-Marne, nous avons eu le temps de fermer nos deux points de vente à temps. Mais les salariés ont eu une peur existentielle. Disons-le clairement, ils ont eu peur de mourir face à des gens prêts à tout », raconte Éric Plat.
Des commerçants franchisés souvent en plein errance administrative
Passée la sidération, vient désormais le temps de l’inventaire des dégâts et du recours aux assurances pour être indemnisés le plus rapidement afin de pouvoir relancer l’activité au plus vite. Le Ministre de l’économie, Bruno Le Maire a de suite appelé les assureurs à davantage de réactivité car il en va de la survie de milliers de commerçants indépendants.
En effet, franchisés ou pas, ces dirigeants sont propriétaires de leur petite entreprise. « Si les dégâts dans le point de vente sont superficiels, les commerçants n’auront pas besoin d’autorisation administrative pour rouvrir. S’ils sont plus importants, il faudra sans doute de nouveaux permis de construire. Et d’expérience, on sait que cela peut être long de les obtenir », constate Emmanuel Le Roch, délégué général de Procos.
Par la voix de sa déléguée générale Véronique Discours-Buhot, la Fédération française de la franchise demande à l’État de s’engager fermement sur un traitement accéléré de ces demandes de permis de construire. La FFF appelle également de ses vœux le report des mensualités de remboursement des PGE mis en place lors de la crise du covid dont les commerçants concernés seraient encore redevables. « Nous demandons aussi une meilleure prise en charge du chômage partiel pour les salariés concernés. Il n’est pas normal de faire payer l’instabilité sociale à nos magasins », plaide Véronique Discours-Buhot.
Dans un contexte de fort turn-over dans les commerces et donc de recrutements compliqués, si en plus, les salariés ont peur de venir travailler et que l’indemnisation de leur chômage partiel n’est pas à la hauteur, les chefs d’entreprises craignent d’avoir du mal à faire redémarrer leur activité.
Une solidarité des franchiseurs envers les commerçants touchés
« On estime que 50 % des commerces ne seraient pas assurés contre les pertes d’exploitation », souligne Véronique Discours-Buhot, déléguée générale de la FFF. De plus, la totalité des stocks ne sont souvent pas couverts par un contrat d’assurance. Se pose également le problème du montant des franchises pratiqués par les assureurs. Mis bout à bout, la note risque donc d’être salée. Certains commerçants pourraient ne jamais se relever de ce nouvel épisode de violences urbaines.
Heureusement certains franchiseurs prennent le problème à bras le corps. Chez Atol, le service architecture est déjà sur le pied de guerre pour avancer sur les projets de rénovation des points de vente détruits. L’informatique est aussi en ordre de bataille. Idem pour les achats. « Nous allons fournir des stocks aux magasins capables de rouvrir rapidement sans pour l’instant, nous soucier du paiement. Nous allons aussi sans doute faire un appel à contribution au sein de réseau pour aider les associés dont les prises en charge par les assurances ne seraient pas suffisantes », illustre Éric Plat, PDG d’Atol. « Il n’est pas dans l’intérêt des franchiseurs d’appuyer sur la tête de leurs franchisés. Dans la plupart des cas, une certaine forme de solidarité se met en place. Cela peut passer par le report des redevances dues ou encore la récupération de stocks auprès d’autres franchisés », constate Emmanuel Le Roch (Procos).
Une solidarité du tissu économique local envers les commerçants touchés
Les enseignes ne sont pas les seules à se mobiliser en faveur des commerçants touchés par ces violentes dégradations. Localement, les bonnes volontés se multiplient. Suite à la publication de ses posts sur LinkedIn relatant le vandalisme de son auto-école à Lyon 2, Yohann Berthe a par exemple reçu un appel d’un hôtelier de son quartier.
« Il souhaitait mettre à notre disposition un endroit pour que l’on puisse travailler. On m’a aussi proposé de me mettre en relation avec des artisans sérieux pour réaliser nos travaux de remise en état de notre agence. Enfin, suite à nos publications sur les réseaux sociaux, dans un élan de solidarité, une entreprise nous a contactés pour nous demander de deviser une formation à l’écoconduite pour ses salariés », conclut ce franchiseur.