La bonne équation pour la reprise d’un point de vente en franchise

La bonne équation pour la reprise d’un point de vente en franchise

Départ à la retraite, maladie, difficultés financières… Nombre de franchisés sont amenés chaque année à quitter un réseau. Mais la vente d’une entreprise ne s’improvise pas et doit être anticipée à minima 6 à 9 mois à l’avance, voire davantage. Si le franchisé qui vend est acteur de sa cession, le franchiseur aura néanmoins le dernier mot sur le candidat à la reprise. 


La reprise d’un point de vente : une équation à trois

« Les trois acteurs que sont le franchiseur, le franchisé et le repreneur ont des intérêts divergents et contradictoires qui peuvent rendre délicate la cession d’un point de vente dans le cadre d’un contrat de franchise », avertit Christophe Grison, avocat du cabinet Fidal avocats et membre du collège des experts de la FFF. D’abord, un franchisé, qui veut le meilleur prix et aura tendance à surévaluer son fonds de commerce, face à un repreneur, qui aspire à un prix compétitif, autrement dit au prix le plus bas ; et enfin un franchiseur, qui cherche le meilleur candidat pour reprendre le point de vente.

En tant que commerçant indépendant, propriétaire de son fonds de commerce associé à une marque avec un contrat de franchise, le franchisé cédant a toute latitude pour déterminer le prix de vente de son point de vente et pour négocier avec le repreneur. « Nous ne pouvons faire que des recommandations au vendeur et lui donner des indications de marché sur le prix de vente » indique David Rohel, développeur du réseau Cavavin France.

Pour Elodie Coutand, directrice générale Ixina France qui a dû gérer la cession de six magasins en 2022, outre le fait de trouver le repreneur, la principale difficulté lors d’une cession est de fixer un prix de vente cohérent. « Nous devons rester neutre et n’intervenons pas dans le prix de cession. Néanmoins l’acheteur n’est pas toujours armé et nous lui conseillons de s’appuyer sur un conseil extérieur et éventuellement de prévoir des audits pour cadrer le fonds qu’il rachète ». La rentabilité du point de vente restant la question cruciale. « Le cédant doit présenter ses derniers bilans et confirmer ses chiffres par des informations légales certifiées comptablement, indique Frédéric Pastur, directeur général Columbus Café – Copper Branch. Nous apportons notre expérience sur le projet financier ». Soit sur le chiffre d’affaires du point de vente en question, ses charges, les contrats de travail et salaires de l’équipe et le prix de vente. Charge au franchiseur de faire entendre au cédant « un cadre de prix acceptable et viable dans la reprise » et d’alerter le repreneur si le prix de vente est « trop élevé et peut lui poser des difficultés pour rembourser son crédit et payer ses charges selon les ratios que nous avons établis » précise-t-il.

Le droit d’agrément, une prérogative du franchiseur

L’une des prérogatives du franchiseur dans le cadre d’une cession d’une entreprise franchisée est la possibilité de faire jouer son droit d’agrément. Le contrat de franchise rappelle que le franchisé cédant devra obtenir l’agrément du franchiseur quant au repreneur qu’il aura trouvé, afin qu’il puisse devenir à son tour franchisé. « Nous devons valider l’intuitu personae du repreneur et la cohérence de son business plan par rapport à notre modèle économique, ajoute Elodie Coutand. Nous devons nous montrer prudents pour que le nouveau partenaire ait un business pérenne ». Le repreneur doit être en phase avec les attentes du franchiseur. Néanmoins, « si l’agrément est discrétionnaire pour le franchiseur, le refus ne doit pas être abusif » prévient Christophe Grison.

Autre clause souvent inscrite au contrat, le droit de priorité, qui permet au franchiseur de se substituer à un tiers repreneur et de préempter un point de vente dans les mêmes conditions et prix que ceux proposés par ce tiers » explique Christophe Grison, qui ajoute que le franchiseur dispose d’un certain délai pour se positionner pour éventuellement préempter le point de vente. Si le sourcing des candidats ne revient pas aux franchiseurs –en théorie, il revient au franchisé sortant de trouver le repreneur de son fonds de commerce–, dans la pratique, nombre d’enseignes accompagnent leurs franchisés dans leurs recherches.

Néanmoins, Elodie Coutand prévient que le franchisé devra au préalable avoir valorisé son fonds de commerce ou sa société. Le franchiseur n’a en principe pas d’« obligation contractuelle d’assister le franchisé cédant pour trouver un repreneur, celui-ci étant un commerçant indépendant » précise Christophe Grison. Pour aider les franchisés cédants, le réseau Cavavin publie des annonces sur différents sites internet tels que Cession PME ou le Bon Coin. « Nous avons même testé en décembre dernier sur Facebook une campagne géolocalisée qui nous a amené quelques curieux mais surtout de bons profils » raconte David Rohel. Columbus Café communique lui aussi sur les réseaux sociaux – notamment Linkedin –, dans la presse spécialisée et par le biais du réseau des CCI. Le franchiseur joue alors le rôle d’intermédiaire et de mise en relation.

Rôle d’autant plus crucial que les réseaux n’ont pas intérêt à perdre un point de vente qui fonctionne, l’objectif étant de sauvegarder à la fois l’enseigne et l’emplacement. Cavavin va même jusqu’à accompagner le franchisé sortant pour préparer le sourcing et qualifier des profils. Le réseau, qui compte 180 points de vente sur le territoire et enregistre en moyenne six départs à la retraite chaque année au vu de son antériorité, va rechercher dans son vivier de candidats potentiels, soit 1 700 profils sur les deux dernières années. « Nous allons voir s’il y un matching en termes de localisation. Etant sur du commerce de proximité, c’est notre principale problématique » explique David Rohel. 

Veille et communication

Autre difficulté rencontrée par les réseaux, être informé des éventuelles velléités des franchisés de revendre leur affaire. Car dans la plupart des cas les futurs cédants souhaitent que leur décision de céder leur point de vente reste confidentielle pour ne pas perturber leur commerce ou inquiéter leurs collaborateurs ou leurs clients. « Il n’y a souvent aucun affichage, aucune communication qui est faite » indique David Rohel.

Pour être informé, les réseaux surveillent les âges de leurs franchisés et rappellent qu’il est essentiel d’échanger avec eux pour connaître leurs projets, notamment par le biais des animateurs terrain qui sillonnent les magasins. En fin de contrat, le réseau leur adresse notamment un courrier pour en savoir plus sur la suite de leur projet. « Si nous identifions une demande, nous adressons un mail au franchisé avec une fiche descriptive à remplir indiquant les informations techniques et financières de son point de vente –montant du loyer, surface du magasin, prix de vente souhaité– pour pouvoir ensuite travailler sur nos bases de données en interne » explique David Rohel. Les réseaux suivent également l’activité des points de vente. « Si celle-ci commence à se dégrader, cela peut être un indicateur d’un projet de reprise » fait valoir Frédéric Pastur.

De son côté, Ixina « accompagne ces mouvements à venir, notamment pour identifier de potentiels repreneurs au sein des autres franchisés du réseau ou pour inciter les franchisés existants à identifier des repreneurs potentiels dans leurs propres équipes ou des autres franchisés du réseau. C’est le cas de figure idéal pour un franchiseur car ils connaissent le métier, le magasin, l’enseigne et ses valeurs. Ils ont été formés et sont montés en compétences » juge Elodie Coutand. Malgré toutes ces démarches, le franchiseur n’intervient in fine que dans la validation du candidat et par la suite dans son accompagnement à la tête du point de vente, comme il le ferait pour un franchisé en création d’un nouveau point de vente. Christophe Grison précise que le franchiseur a néanmoins un devoir d’informer le repreneur en question, à travers « la remise d’un DIP des éventuels investissements spécifiques à l’enseigne qui seraient liés à la nécessité de remettre en conformité le point de vente et ce avant que le repreneur ne signe son contrat de franchise ». Charge ensuite au franchiseur d’assurer la formation du repreneur.

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