[Se relever d’un échec] Depuis 1998, Claire Lanneau est à la tête des agences de garde d’enfants à domicile Babychou, implantées sur tout le territoire. Lancé sous forme d’association, le réseau a bénéficié du statut d’entreprise en 2005 et a accueilli dès l’année suivante sa première franchise. Quelques années plus tard, alors que la marque est encore en pleine éclosion, elle se retrouve confrontée à un blocus de la part de franchisés rétifs au changement. La dirigeante de Babychou revient sur cette période difficile et explique en quoi cette crise s’est révélée porteuse de leçons.
Claire Lanneau : Lorsque j’ai fondé Babychou en 1998, j’étais jeune trentenaire, déjà maman de deux enfants (désormais, Claire Lanneau en a quatre, ndlr), et je rencontrais des problèmes de garde. J’ai pensé le réseau pour tous les parents, y compris ceux qui ont des emplois du temps qui évoluent constamment, afin de leur donner accès à un mode de garde dans la journée, pour la sortie d’école ou une garde “d’agrément” le soir. Tout repose sur une base de données ; d’un côté il y a les clients, de l’autres les intervenants, et il faut faire en sorte que tout “matche”. Rapidement le réseau s’est développé grâce au système de franchise, et nous avons commencé à avoir plus d’une vingtaine de franchisés dans l’hexagone.
Des outils technologiques optimisés
Claire Lanneau : Chacun d’entre eux avait un logiciel qui lui permettait une exploitation quotidienne en local qui n’était donc pas partagée aux autres et qui était très limitée en termes de fonctionnalités. Pour optimiser le système, en 2010 nous avons mené un projet en interne. Notre objectif était d’identifier un logiciel qui réponde à tous nos besoins et permette de partager les données de chaque agence à l’ensemble du réseau. Pour cela, nous avons fait les choses par étapes. Nous avons mis en place une cellule de veille puis une commission IT, à laquelle participaient plusieurs de nos franchisés. Ensuite, nous avons présenté le projet au groupe, établi un planning de déploiement, etc. Au fond de moi, j’avais la conviction qu’il fallait faire évoluer le réseau pour le consolider et le faire grandir. Mais rien ne s’est passé comme prévu.
à lire aussi
– Équilibre entrepreneurial : comment concilier sa vie pro et sa vie perso
– Numérique et Intelligence Artificielle : la boîte à outils du franchiseur
– Ouvrir une micro-crèche : budget, démarches et rentabilité
Un mini-putsch lourd en conséquence
Claire Lanneau : Très vite, nous nous sommes rendus compte que des franchisés ne voulaient pas de ce nouveau logiciel. Ils étaient réfractaires au changement, à la transparence que cela impliquait, mais aussi tout simplement aux nouvelles habitudes que cela allait forcément entraîner. Parmi les quelques franchisés concernés, certains étaient parmi les plus anciens du réseau et représentaient une grande partie de notre CA. Certains ont décidé de mettre fin à leur contrat de franchise et ont quitté Babychou. D’autres se sont alliés et sont allés jusqu’à la procédure juridique. Nous avons assisté à un mini-putsch en quelque sorte. Cela a duré à peu près deux ans et cela a été une période de grande tension, très compliquée. Nous étions une jeune entreprise et c’était notre première crise – cela reste la principale, d’ailleurs. Outre le fait que je me suis sentie incomprise et trahie, il y avait la peur que cela contamine le groupe. L’enjeu a donc été d’isoler ces personnes-là et de toujours informer les autres. Je sentais d’ailleurs que le reste des franchisés comprenait les motivations de ce changement et me soutenait. Mais j’ai eu des nuits compliquées !
Du choc à la résilience
Claire Lanneau : Dans ce genre de situation, la résilience et la capacité de rebond sont fondamentales. Quand l’ensemble des franchisés concernés ont quitté Babychou, j’ai décidé d’investir pour ouvrir des succursales dans les zones qui avaient été délaissées. Cela nous a permis de limiter la casse en conservant notre notoriété et l’essentiel de nos clients.
Finalement, cet épisode m’a davantage fait comprendre combien, surtout en tant que franchise, il est essentiel d’avoir des process uniformisés. Outre l’humain, c’est ce qui fait la force d’un réseau qui peut s’appuyer sur un socle de savoir-faire et d’outils communs. Je n’en avais pas encore conscience à l’époque, mais finalement tout repose sur la problématique de conduite du changement. Depuis toutes ces années, notre réseau continue à se heurter à des transformations, à des habitudes qui évoluent et c’est même ce qui rend les choses intéressantes. Mais désormais, à travers des commissions, des comités stratégiques, nous avons appris à accompagner tout le réseau dans chaque phase de changement.
Notre résumé en 5 points clés par L’Express Connect IA
(Vérifié par notre rédaction)
Voici un résumé en cinq points clés de l’article sur le sujet : Réagir face à un “mini-putsch” de ses franchisés : témoignage de Claire Lanneau, fondatrice de Babychou Services.
Une croissance rapide par la franchise : Lancé en 1998 puis transformé en entreprise en 2005, Babychou Services s’est rapidement développé grâce à la franchise.
Un projet de modernisation déclenche une crise : En 2010, la volonté de mutualiser les données via un nouveau logiciel commun a suscité un rejet de plusieurs franchisés, notamment les plus anciens, membres du CA.
Un “mini-putsch” aux conséquences lourdes : Certains franchisés ont quitté le réseau ou engagé des procédures judiciaires. Cette rébellion interne a provoqué deux années de tensions intenses, menaçant la cohésion du groupe.
Une résilience stratégique : Pour pallier les départs, Claire Lanneau a investi dans des succursales pour maintenir la présence de la marque et la satisfaction client, démontrant une capacité de rebond efficace.
Une leçon de gouvernance et de conduite du changement : Cette crise a révélé l’importance des outils partagés, de processus uniformisés et d’un accompagnement structuré du changement via comités et commissions internes.