Pour se lancer en franchise mais aussi comme franchiseur, certains font le choix de s’associer. Une solution qui fonctionne à condition de prendre un certain nombre de précautions. Avis d’experts et témoignages.
Rechercher un associé pour viser la complémentarité
« Il n’y a pas de sciences exactes en matière d’association. C’est une histoire de vision, de besoins et une aventure humaine », prévient d’emblée Cécile Michel, avocate au sein du cabinet Linkea. On distingue en général deux types d’associations. « Un montage dans lequel tous les associés sont dans l’opérationnel. Autrement dit les mains dans le cambouis. Ou une association entre un ou plusieurs opérationnels avec des investisseurs. Ces derniers seront moins présents dans le quotidien mais auront voix au chapitre dans la prise de décision », précise-t-elle.
Quel que soit le profil des associés, ils doivent être prêts à travailler ensemble. « L’erreur la plus courante dans une association est de privilégier les affinités à la complémentarité. Un bon associé n’est pas forcément une personne que l’on apprécie mais plutôt quelqu’un qui partage nos valeurs et avec qui on est complémentaire. Par exemple, un créatif et un associé plus dans l’administratif. Les forces de l’un vont annuler les faiblesses de l’autre. Et inversement », explique Candice Losada, avocat associée au sein du cabinet Endrix.
Avant de s’associer avec Ludovic Hervault, Guy Clément, franchisés Inwin à Vannes (réseau d’agences spécialisées en stratégie digitale) a pris le temps de le connaitre. « J’étais son client. En travaillant ensemble, on s’était déjà reniflés pendant quelques années. Je voyais comment on interagissait ensemble et comment il se positionnait », se souvient Guy Clément. Il y a cinq ans, les deux hommes décident donc de s’associer en veillant à être complémentaires dans leurs missions. À Guy Clément, l’opérationnel terrain, à Ludovic Hervault, la partie marketing.
Rechercher un partenaire / investisseur en dégageant une majorité
Qui dit association dit évidemment répartition du capital. Un sujet épineux ! « Il est, selon moi, impératif d’avoir un actionnaire majoritaire qui aura le « lead » sur les décisions. À 50-50, les décisions devront être prises à l’unanimité, ce qui peut rapidement paralyser la société si les actionnaires n’arrivent pas à se mettre d’accord », soutient Candice Losada, avocat associée au sein du cabinet Endrix. Guy Clément et Ludovic Hervault n’ont pas fait le choix d’un actionnaire majoritaire pour ouvrir leur franchise Inwin. Chacun détient 50 % des parts de la société. « Cela nous oblige à trouver un consensus. Notre intérêt commun est le développement de l’entreprise », résume Guy Clément.
En juillet 2024, les deux hommes souhaitent faire pivoter l’entreprise. « De vendeurs de solutions digitales, nous souhaitions devenir expert en stratégie digitale. Pour reprendre la tête de réseau, nous nous sommes associés à 50-50 au départ. Puis, nous avions besoin de compétences techniques, nous avons donc fait rentrer un troisième actionnaire, plus orienté “tech”, un franchisé du réseau, lui aussi », détaille-t-il. Les deux associés historiques détiennent 40 % chacun du capital, et le dernier arrivé (Olivier Duport) 20 %. « Notre pacte d’associés précise les points de gouvernance. Certaines décisions du quotidien peuvent se prendre sans l’aval du troisième actionnaire. Sauf s’il s’agit de sujets tech évidemment. Nous avons également gravé dans le marbre un à deux conseils stratégiques annuels pour élaborer tous les trois la stratégie à venir de l’entreprise », illustre-t-il.
S’associer en balisant les conditions de sortie
« Il n’y a pas d’association réussie sans cadre juridique clair et précis », prévient Candice Losada (cabinet Endrix). « Les statuts de la société sont obligatoires et prévoient les règles de fonctionnement entre actionnaires. Ils sont publics. Un pacte d’actionnaires est plus discret », rajoute Cécile Michel, avocate au sein de Linkea. En général, dans un pacte d’associés, les avocats bordent la gouvernance. Qui va représenter la société ? Quelles sont les organes de gouvernance ? Qui peut décider d’embaucher qui ? Si le salaire du candidat dépasse tel montant, quels sont les associés qui doivent prendre part à la décision finale ?
« Le pacte d’associés peut également encadrer les modalités de liquidité des titres. Il peut ainsi prévoir un droit de préemption au bénéfice des autres associés en cas de cession envisagée par l’un d’eux. En présence d’un acquéreur stratégique, il peut également être stipulé que les associés minoritaires s’engagent à céder leurs titres sur l’impulsion du majoritaire, afin de permettre une cession globale du capital qui sera nécessairement mieux valorisée », illustre Candice Losada. Et puis bien sûr, un pacte d’associés encadre les accidents de la vie (décès, incapacité, fautes graves…).
« Contrairement à ce que l’on croit souvent, par exemple un dirigeant associé auteur de fautes graves comme un détournement de fonds, s’il peut être révoqué de ses fonctions, ne sera pas pour autant contraint de céder ses titres, sauf si le pacte d’associés le prévoit expressément. Sans clause spécifique d’exclusion ou d’obligation de cession avec décote, il reste associé, et les autres actionnaires se retrouvent durablement liés à lui. Le pacte n’a pas vocation à tout régler de façon anticipée à la virgule près, les relations humaines et les contextes d’affaires évoluent nécessairement au fil des années. De plus, tant que l’entente règne entre les associés, il est toujours possible d’aménager librement les modalités de sortie ou de fonctionnement, en s’écartant ponctuellement du cadre prévu. Toutefois lorsque les choses tournent mal, le pacte devient la seule référence solide : il fixe les règles du jeu quand la confiance n’est plus là. C’est précisément pour ces situations que l’on écrit un pacte », conclut-elle.
Notre résumé en 5 points clés par L’Express Connect IA
(Vérifié par notre rédaction)
Voici un résumé en cinq points clés de l’article sur le sujet : S’associer en franchise : une option stratégique à encadrer avec rigueur
1. Viser la complémentarité, pas l’affinité :
Une association réussie repose sur des profils complémentaires plutôt que sur des affinités personnelles. Associer un créatif à un profil plus gestionnaire, par exemple, permet de mutualiser les forces et compenser les faiblesses de chacun.
2. Choisir un modèle d’association adapté :
L’organisation de l’association peut se faire de plusieurs manières : tous les associés sont opérationnels ou bien certains sont investisseurs. Chaque modèle implique un niveau d’implication différent, mais dans tous les cas, la vision commune et les valeurs partagées sont clés.
3. Prévoir un actionnaire majoritaire ou un mode de gouvernance clair :
Un capital réparti à 50-50 peut créer des blocages. Avoir un associé majoritaire ou un pacte d’associés bien rédigé permet d’éviter l’impasse en cas de désaccords. En l’absence de majorité, instaurer un consensus solide est indispensable.
4. Rédiger un pacte d’associés structurant :
Le pacte d’associés permet de cadrer la gouvernance (prise de décision, embauches, salaires, etc.) et les conditions de sortie. Il protège les associés en cas d’imprévus (fautes graves, décès, désaccords) en fixant les règles à respecter quand la confiance s’érode.
5. Anticiper les sorties et les conflits :
L’association doit prévoir les cas de retrait d’un associé ou de revente des parts. Des clauses comme le droit de préemption ou l’exclusion en cas de faute grave garantissent la stabilité de l’entreprise, même en cas de crise.