Franchise reprise par un groupement coopératif : comment opérer la transition ?

21 mars 2024
Categories : Des pièces de puzzle pour illustrer les coopératives qui rachètent des franchises.
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Ces derniers mois ont été ponctués de rachats de réseaux de franchise par des groupements coopératifs. Comment ces deux modèles peuvent-ils cohabiter ou pas au quotidien ? Le point de vue d’experts.


JouéClub qui reprend La Grande Récré, Intersport qui rachète Go Sport, CD10 qui acquiert La Cervoiserie… les groupements coopératifs passent à l’offensive. Leur objectif ? Étendre leurs parts de marché en renforçant leur maillage territorial grâce à des points de vente déjà installés. Concrètement, quelles sont les options possibles pour les franchisés rachetés.

« Quand une société coopérative rachète un réseau de franchise avec des contrats en cours, elle doit poursuivre leur exécution jusqu’à leurs termes. Sauf si, d’un commun accord entre les deux parties, elle décide de résilier le contrat et de basculer les franchisés en coopérateurs. C’est possible mais très peu le cas », observe Olga Zakharova-Renaud, avocat associé au sein du cabinet BMGB et membre du collège des experts de la Fédération française de la franchise.

La coopérative décide de continuer d’opérer le réseau de franchise racheté

L’enjeu de cette option est de faire cohabiter deux façons de travailler diamétralement opposées. « Une coopérative est une organisation horizontale dans laquelle tous les distributeurs sont à la fois associés à la tête de réseau et clients de celle-ci pour leurs achats, le développement de leur point de vente, etc. La franchise est pour sa part un modèle un peu plus vertical. La tête de réseau, le franchiseur donc, est une société commerciale autonome propriétaire du concept, du savoir-faire et souvent de la marque. Elle transmet le tout aux franchisés via un contrat de franchise. Ces derniers paient des droits d’entrée et des redevances pour exploiter le concept. Le franchiseur est là pour réaliser du profit pour lui-même et pas pour les franchisés. Une coopérative réinvestit ces profits dans le fonctionnement et les services de ladite coopérative. En fin d’année, le surplus est redistribué aux membres du réseau de la coopérative », analyse Maitre Olga Zakharova-Renaud.

Donc deux salles, deux ambiances. Ces modèles peuvent-ils cohabiter ? « Oui mais de façon marginale. Tout est une question d’équilibre. Il n’y a pas de ratio idéal entre le nombre de coopérateurs et de franchisés mais pour que cela fonctionne, mieux vaut que le modèle de franchise soit minoritaire au sein du groupement coopératif ou associé », explique Olivier Urrutia, délégué général de la Fédération du commerce associé. « Pour que cela marche, il faut que les deux parties s’y retrouvent. Par exemple, qu’il y ait mutualisation d’une partie des achats, ou encore des plateformes logistiques. Les adhérents des coopératives auront toujours plus de pouvoir que les franchisés car ils sont dans une logique de co-investissement. Mais si la coopérative négocie des volumes d’achat plus importants, elle obtiendra des prix plus attractifs ce qui va bénéficier aux membres du réseau, voire aux franchisés », illustre Sylvain Bartolomeu, dirigeant associé au sein du cabinet Franchise Management.

« Une coopérative peut « rendre service » à des non coopérateurs, en l’occurrence des franchisés de son giron dans la limite de 20 % de son volume d’achats. Pour éviter ce plafonnement, la coopérative peut créer une filiale qui rachète le réseau de franchise », précise Olga Zakharova-Renaud, avocat associé du cabinet BMGB. Voilà pour le cadre légal, mais en réalité les franchisés n’auront jamais exactement les mêmes droits que les adhérents associés d’une coopérative. « Ils ne seront pas sollicité pour participer aux orientations stratégiques de leur enseigne. Contrairement à une coopérative dans laquelle chaque adhérent vaut pour une voix. Un fonctionnement démocratique », ajoute-t-elle.

La coopérative ne renouvelle pas les contrats de franchise

Dans cette option, les franchisés retrouvent leur liberté mais sans enseigne. 

Les franchisés décident de ne pas rempiler

Ils recouvrent donc leur liberté d’entreprise mais sont désormais sans enseigne. Si leur clause de non-concurrence leur permet, ils peuvent rejoindre un autre réseau. Devenir indépendant ou céder leur affaire.

La coopérative décide de faire basculer les franchisés dans la coopérative

Tout d’abord, notons que les franchisés peuvent refuser ce basculement vers cette autre forme de commerce. « Dans une coopérative, les adhérents investissent ensemble. Ce qui n’est pas nécessairement naturel pour les franchisés », soutient Sylvain Bartolomeu. « Devenir coopérateur, c’est une autre philosophie. « L’adhérent achète des parts sociales, et doit être capable d’apporter des idées. C’est un projet plus indépendant et autonome qu’en franchise. Dans la franchise, il y a une part d’exécution très importante. Dans les coopératives et le commerce associé, il y a, en plus une part conséquente de réflexion, d’implication et de prise de décision », soutient Olivier Urrutia de la FCA.

De plus, les coopérateurs sont très regardants sur les nouveaux adhérents. « Contrairement à la franchise, c’est une association à durée indéterminée. Le facteur humain est déterminant. Quand ils examinent une candidature, ils regardent la personnalités et la capacité commerciale de la personne plus que son point de vente », souligne Maître Olga Zakharova-Renaud. Donc, en filigrane, on comprend que tous les franchisés ne sont sans doute pas « câblés » pour devenir membre d’un réseau coopératif et associé.

Dans le camp des adhérents, l’arrivée de nouveaux coopérateurs ne fait pas toujours que des heureux. « Si un coopérateur possède un point de vente dans une zone et que l’arrivée d’un nouvel adhérent sous la même marque que lui, s’installe à proximité, cela bouleverse son économie. Idem pour le nouvel adhérent, anciennement franchisé, qui n’a plus d’exclusivité sur sa zone », conclut Fanny Roy, avocat associé du cabinet Piot, Roy & Machado.


(vérifié par notre rédaction)

Voici un résumé en cinq points clés de l’article sur le sujet “Franchise reprise par un groupement coopératif : comment opérer la transition ?”:

Coexistence de modèles : Lorsqu’un groupement coopératif rachète un réseau de franchise, il peut choisir de maintenir le réseau en l’état, permettant ainsi à deux modèles de commerce diamétralement opposés de cohabiter. Cette coexistence nécessite un équilibre délicat, où le modèle de franchise pourrait idéalement devenir minoritaire au sein du groupement pour faciliter l’intégration.

Options de transition : Les franchisés face à un rachat par un groupement coopératif ont plusieurs options à la fin de leurs contrats : continuer sous l’égide de la coopérative avec les mêmes conditions, recouvrer leur liberté d’entreprise sans enseigne, ou basculer vers le modèle coopératif, ce dernier impliquant un changement significatif dans leur mode d’opération.

Mutualisation des ressources : Une des grandes promesses de la transition vers un modèle coopératif est la mutualisation des achats et des services, permettant des économies d’échelle et des prix d’achat plus attractifs pour tous les membres du réseau, y compris les franchisés qui restent dans le giron de la coopérative.

Cadre légal et limites : Sur le plan légal, une coopérative peut intégrer des franchisés à hauteur de 20% de son volume d’achats sans modifier sa structure. Pour aller au-delà, la création d’une filiale dédiée au réseau de franchise est nécessaire, bien que cela ne confère pas aux franchisés les mêmes droits de décision que les membres du réseau coopératif.

Implications humaines et stratégiques : Le passage d’un modèle de franchise à un modèle coopératif nécessite une adaptation tant sur le plan des affaires que sur le plan humain. Les franchisés doivent être prêts à adopter une nouvelle philosophie d’affaires, marquée par une plus grande implication dans la prise de décisions et dans la vie du réseau. Cette transition peut également soulever des questions de concurrence et d’exclusivité territoriale entre anciens et nouveaux membres du réseau coopératif.

Écrit par Sylvie Laidet

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