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Relation entre franchiseur et franchisé : les bons comptes font les bons partenaires

Des ombres illustrant la relation franchiseur franchisé

Qu’elle soit effectuée de façon automatique ou manuelle, la déclaration de chiffres d’affaires d’un franchisé est parfois réalisée avec une intention frauduleuse.


Tour d’horizon de solutions préventives à cette situation, mixant humain et technologie.

Face à une déclaration de chiffre d’affaires erronée, deux cas peuvent se présenter : l’erreur non intentionnelle, parfois due à une phobie administrative, ou la dissimulation à l’Administration, tout autant qu’à son franchiseur, avec une intention frauduleuse.

« Certains secteurs d’activité en franchise sont plus exposés au travail dissimulé comme la restauration, ou encore le commerce en moyenne et grande distribution. Le chef d’entreprise peut émettre des feuilles de paie, mais ne déclare l’employé ni à l’Administration, ni dans son chiffre d’affaires. Il choisit alors de prendre un risque qui est dans certaines situations « calculé », presque « provisionné » dans sa comptabilité, alors que l’enseigne s’expose à voir sa notoriété entachée, vis-à-vis des clients de la marque, mais aussi des autres franchisés », explique Juliette Chapelle, avocate associée à Le Kbinet.

D’autres phénomènes sont aussi observés. Exemple : dans les enseignes de salles de jeux, la revente de machines obtenues à coût réduit, grâce à la mutualisation des moyens au sein d’un réseau, à des prix plus élevés.

« L’argent gagné n’est alors pas déclaré. Autre cas d’infraction : l’escroquerie, plus exactement des paiements en liquide de clients non répertoriés. Un système de compensation peut avoir été mis en place pour ajuster le chiffre enregistré par la caisse à la fin de la journée.

L’imagination humaine étant sans limites, la fraude peut être plus fine. Des compétences informatiques sont alors mises en œuvre pour déjouer les logiciels de caisse et faire correspondre les chiffres transmis au flux de clientèle prévu », précise Juliette Chapelle.

Les réseaux d’indépendants disposent en effet de deux moyens pour calculer les redevances de leurs membres : remontée automatique des chiffres d’affaires à partir de connecteurs avec les caisses, ou, à défaut, mise en place d’un déclaratif mensuel.

« Le contrat de franchise impose systématiquement au franchisé de fournir ses comptes annuels, produits par un expert-comptable qui en assure la qualité, et donc l’authenticité. Une provision est réalisée en cours d’exercice pour calculer la redevance mensuelle. L’ajustement est réalisé à la réception de la liasse fiscale.

Le franchiseur demande au franchisé de justifier tout écart constaté entre les résultats de sa liasse fiscale et sa déclaration manuelle. », souligne Laurent Dubernais, dirigeant de Synergee.

Pour un niveau de certitudes fort sur le chiffre d’affaires réellement réalisé par un point de vente, la caisse du franchisé peut être directement connectée à la structure centrale du franchiseur.

« Pas une seule facture n’est alors émise sans passer par l’outil intégré de l’enseigne.

Traiter des datas collectées dans un maximum de points de vente d’un réseau offre des bénéfices pour leurs chefs d’entreprise indépendants : leur définir des indicateurs de performance comparés à leurs pairs, pouvoir projeter leur activité à partir de données issues du terrain en temps réel avant même de recevoir leur bilan, disposer d’une nomenclature des produits commune avec une mise à jour automatique des tarifs… », complète Laurent Dubernais, dont l’entreprise industrialise les processus de gestion et de pilotage des réseaux d’indépendants.

Exemple : une pharmacie, qui possède par essence un faible nombre de mètres de linéaires, peut ainsi connaître les produits à faible rotation dans son réseau, et les remplacer par d’autres plus attractifs. C’est d’autant plus important que la rentabilité de ce type de commerces s’opère sur la vente de produits d’automédication et non remboursés.

Malgré le durcissement de la réglementation, le risque de fraude demeure. Même avec le meilleur contrat de franchise, comprenant des clauses de transmission d’informations au réseau et un plan comptable commun.

« Tout franchiseur doit former une petite équipe, composée de quelques collaborateurs à temps plein, à la détection de signaux faibles d’une possible fraude, une culture que l’on ne possède pas trop en France. Cette équipe analysera les résultats remontés par les logiciels de caisse, ainsi que les chiffres d’affaires déclarés mensuellement par les franchisés, et vérifiera leur cohérence », insiste Juliette Chapelle, qui accompagne les enseignes, entre autres, dans l’organisation de cette prévention.

Cette fraude est d’ailleurs souvent progressive : d’abord un petit montant, puis une fréquence plus importante, et enfin une institutionnalisation du procédé.

« Il n’est pas rare de constater que c’est un salarié qui se sert directement dans la caisse, de manière progressive, jusqu’à parfois atteindre une centaine d’euros par jour. La recherche de preuves numériques, ainsi qu’une surveillance vidéo légale, sont alors mises en place pour confondre le coupable », ajoute Juliette Chapelle.

Pour faire exécuter des décisions de justice, il faut en effet ouvrir une enquête par le dépôt d’une plainte, et réunir des preuves.

« Le flair ne suffisant pas, nous travaillons ainsi avec le service informatique de l’enseigne, pour trouver les failles du logiciel utilisé, ou mettons en lien le franchiseur avec des spécialistes du digital, notamment pour leur proposer un logiciel plus robuste.

Il est aussi recommandé d’avoir le moins d’intermédiaires possibles entre la caisse et le franchiseur pour disposer des chiffres bruts, meilleurs pour une analyse plus précise », relève Juliette Chapelle, avocate proactive sur la cartographie des risques, les outils à mettre en œuvre pour se protéger ou encore l’apport de preuves légales aux enquêtes.

En matière de prévention, il faut toujours mixer humain et technologie, en adaptant sa solution au budget de l’enseigne. Les animateurs du réseau sont ainsi mis à contribution pour signaler les incohérences observées lors de leurs visites en point de vente.

Repérer un système de double caisse (1) demeure difficile, car il nécessiterait des contrôles internes auprès des caisses des franchisés.

« La meilleure des préventions reste la proposition de solution de caisse enregistreuse par le franchiseur, qui intègre des systèmes de protection robustes et rend difficile l’intégration de logiciel externe.

La formation et la sensibilisation des franchisés sur le cercle vertueux de la franchise et du respect des règles sont primordiales, avec une mise en exergue des risques encourus par les franchisés (2). Une politique de fermeté et une sensibilisation à des valeurs communes sur ce sujet permettent de s’assurer qu’il n’existe pas de distorsion de concurrence et que tous les franchisés sont traités à égalité, sans perte de confiance avec le franchiseur », indique Juliette Chapelle.

Le vrai changement sur les déclarations de chiffre d’affaires de franchisés s’est déroulé avec le Covid.

« D’une part, le développement du click & collect, avec des magasins contraints à la fermeture, nécessite de connaître l’état exact du stock et le prix unitaire du magasin. Cela s’est avéré un argument fort pour adopter un ERP commun pour les coopératives.

D’autre part, un montant minimum de rétribution sur les règlements par carte bancaire n’est plus systématiquement imposé par les banques, ce qui a favorisé ce mode de paiement pour des règlements modiques, parfois à partir d’un euro. Au départ, c’était pour limiter les contacts et les risques de transmission du virus. Du coup, aujourd’hui, on utilise nettement moins d’argent liquide pour ses achats courants.

Enfin, le ticket dématérialisé avec QR code, obligatoire selon conditions depuis l’été dernier, est maintenant sauvegardé chez un tiers de confiance et envoyé en temps réel à l’Etat, ce qui limite le risque d’une double comptabilité », conclut Laurent Dubernais.

(1) Logiciel installé sur une caisse, qui permet d’effacer des ventes, de modifier des données, comme le nombre de ventes…

(2) Les infractions, en cas de dissimulation de chiffre d’affaires, sont sévèrement punies : jusqu’à 5 à 7 ans d’emprisonnement, et un million d’euro, voire une interdiction de gérer une entreprise ou la suppression du droit à l’octroi de crédit d’impôt durant quelques années.


(vérifié par notre rédaction)

Voici un résumé en cinq points clés de l’article sur les relations entre franchiseur et franchisé : les bons comptes font les bons partenaires.

Déclaration de chiffres d’affaires :
Les franchisés doivent déclarer leur chiffre d’affaires précisément, mais certains peuvent commettre des erreurs involontaires ou intentionnelles. La fraude peut inclure la dissimulation de revenus ou le travail non déclaré, particulièrement dans des secteurs comme la restauration et le commerce de détail.

Imagination humaine et fraude :
Les méthodes de fraude sont variées, allant de la vente non déclarée d’articles à prix réduit à la manipulation des systèmes de caisse. Les réseaux indépendants utilisent des remontées automatiques de chiffres d’affaires via des logiciels de caisse ou des déclaratifs manuels mensuels.

Importance de la transparence des données :
Connecter directement les caisses des franchisés à la structure centrale du franchiseur assure une meilleure transparence des chiffres d’affaires. Cela permet de définir des indicateurs de performance, de projeter des activités et d’optimiser l’inventaire des produits à faible rotation.

Mesures de prévention et détection :
Former une équipe dédiée à la détection de fraudes et utiliser des technologies de surveillance et des audits réguliers peut aider à identifier des anomalies. La prévention inclut également des formations pour sensibiliser les franchisés à l’importance de la transparence.

Changements induits par la pandémie :
La COVID-19 a accéléré l’adoption de systèmes de gestion intégrés (ERP), le paiement électronique et les tickets dématérialisés, limitant les manipulations frauduleuses. Les transactions par carte bancaire, y compris pour de petits montants, et l’envoi en temps réel des données aux autorités réduisent les risques de double comptabilité.

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