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Reprise franchise (4/5) : management, finance et juridique

Dans le cadre d’un rachat d’un réseau de franchise, quatre dimensions sont à analyser, par des professionnels experts : le management du réseau, pour que le nouveau dirigeant incarne le réseau et donne l’envie de le suivre, l’expertise-comptable, le repreneur devant expliquer à travers son business plan ce qu’il va conserver et changer par rapport à la situation existante, le financement de l’opération, dans le cadre d’un process strict, et naturellement la partie juridique, qui ne doit pas négliger les risques de départ de franchisés.

En pratique, l’opération de reprise commence par un audit du réseau, souvent confidentiel vis-à-vis des franchisés pour ne pas perturber le réseau tant que la décision de cession n’est pas actée.

« D’abord, l’analyse sur pièces du document d’informations précontractuel – qui contient énormément d’informations : nombre de fermetures, valeur ajoutée du concept… – et du contrat de franchise. Puis les risques de contentieux en cours, de propagation d’un mécontentement, avec des possibilités de nullité de contrat et de pénalités. Ce risque juridique est chiffré dans la garantie actif/passif, ce qui peut parfois monter à plusieurs millions d’euros.

Nous nous intéressons ensuite au premier métier du franchiseur, celui de son secteur d’activité, pour déterminer si le réseau est constitué de points de vente solides financièrement et homogènes. On peut également acheter un outil industriel et un réseau.

Puis nous étudions le second métier du franchiseur, celui lié au développement, à la transmission de son savoir-faire et à l’accompagnement des points de vente.

L’état d’esprit du réseau est fondamental : parmi les franchisés, combien d’ambassadeurs, de suiveurs et de récalcitrants ? Il est impératif d’observer le taux de renouvellement, la durée restante des contrats en cours ou un départ de multiples anciens franchisés, et d’identifier le poids de l’intuitu personae avec le dirigeant pour l’ensemble du réseau », insiste Olivier Mignot, associé chez Franchise Management

Une question alors doit se poser : les franchisés accepteront-ils un repreneur dans la continuité ou en rupture avec le précédent franchiseur ?

« C’est toujours un sujet anxiogène pour eux : à qui le réseau sera revendu et quelle sera la valeur ajoutée du repreneur ? Il reste primordial que le nouveau dirigeant incarne le réseau, donne l’envie de le suivre, et apporte de l’élan et de la confiance en le concept. Le risque demeure toujours que des franchisés partent créer un réseau concurrent.

Les réseaux de franchise sont aujourd’hui tellement incarnés par leur dirigeant, qu’on est parfois proche d’une certaine dépendance. Or, il faut prévoir le pire : comment l’entreprise en franchise survivra-t-elle si le dirigeant disparaît subitement et tragiquement ? Si on ne travaille pas ce scénario, on ne l’écrit jamais, on n’est plus maître du destin de son réseau. Il faut donc choisir un moindre mal, et anticiper la transmission de son réseau.

D’une manière générale, au-delà de l’analyse technique, la dimension humaine d’une reprise d’entreprise en franchise est à ne jamais négliger. Un réseau, c’est 70 % de psychologie, la notion de « vivre ensemble », une culture d’entreprise à entretenir. L’esprit de famille peut s’avérer plus important que la volonté de développement. L’ancien dirigeant doit en particulier coopter le repreneur », souligne Olivier Mignot.

En matière d’expertise-comptable, il faut aussi bien analyser le passé, que le potentiel avenir offert. « L’audit d’acquisition du réseau cédé commence par le contrat de franchise – cession prévue, application dans chaque relation avec un franchisé… -, avec l’établissement d’une cartographie très précise fondée sur le temps restant avant son renouvellement.

Il porte également sur le siège et les succursales, pour déterminer la santé financière d’un franchiseur. Un des critères est par exemple le niveau de dettes sur le recouvrement des redevances. S’il n’y a pas de problématiques de paiement des franchisés, cela peut laisser imaginer un taux de satisfaction élevé de leur part pour les services rendus par le franchiseur, avec une rentabilité probablement au rendez-vous. L’audit au niveau social est, par ailleurs, à ne pas minimiser.

Enfin, le réseau est également étudié lors de cet audit, sur son passé, son présent et surtout son avenir : marché porteur, concept différenciant, organisation favorisant l’innovation…

Énormément de dialogue et de transparence sont alors nécessaires entre cédant et repreneur. Chaque choix doit être expliqué et explicable. Par exemple, si le montage juridique de l’immobilier a été constitué par rapport à la situation personnelle du dirigeant actuel, il peut ne pas correspondre à la future organisation du réseau. », relève Stéphanie Cinato di Fusco, directrice nationale du marché franchise & commerce organisé du groupe In Extenso.

Le dossier « Business plan » du repreneur n’est pas qu’une succession de chiffres. « Il doit contenir deux éléments majeurs. D’une part, d’où vient le repreneur, le pourquoi et l’avenir du projet. D’autre part, la cible : pourquoi cette activité a été choisie et pourquoi cette enseigne a suscité de l’intérêt. Le repreneur doit aussi expliquer ce qu’il va conserver et changer par rapport à la situation existante, voire démontrer comment le potentiel sera financièrement développé.

Nous travaillons conjointement avec l’apporteur de solutions de financements professionnels, pour mettre en situation le porteur de projet afin de l’aider à donner le bon argumentaire. La sollicitation d’un emprunt bancaire se prépare comme un examen, un grand oral : il faut répéter, ne pas être déstabilisé, et savoir rebondir quelle que soit la question posée », ajoute Stéphanie Cinato di Fusco.

Côté investissement, on commence par optimiser le plan de financement, comme c’est le cas pour Benoît Fougerais, co-fondateur et directeur général de Pretpro.fr, dans les opérations de reprise.

« Tout d’abord, en regardant les possibilités d’argent « pas cher », comme le love money, et les aides privées et publiques, comme issues de BPI France, pour renforcer l’apport personnel, comme dans un dossier de financement de rachat d’un point de vente franchisé.

Puis l’argent « qui coûte », en considérant l’incorporel que la banque traditionnelle ne finance pas, et en utilisant le leasing pour l’outil de production ou le financement participatif pour la refonte du système informatique, par exemple. L’envoi du dossier à un ensemble de solutions hors banques permet d’obtenir des préaccords. Les banques traditionnelles se positionneront sur ce qu’il reste à financer.

De notre côté, on prépare le franchiseur repreneur à pitcher son dossier auprès de la banque à partir d’un travail en vidéo.

On envoie alors une demande de financement à plusieurs banques, même si, dans la reprise d’entreprise en franchise. On privilégie toujours les banques partenaires du franchiseur « cédant » ».

Pour Benoît Fougerais, toutes les banques choisies doivent alors être invitées ensemble pour une séance d’échanges avec le franchiseur repreneur.

« Cette séance a lieu à son siège, avec ses conseils et éventuellement l’expert-comptable en charge du dossier. Les partenaires le matin, et les autres l’après-midi, le midi servant à débriefer le premier rendez-vous. Il est rare qu’une banque soit seule dans un projet de reprise d’un réseau de franchise, le partage du risque s’opérant à travers un pool bancaire se coordonnant pour financer le besoin. Chacune dispose de 15 jours pour répondre à l’appel d’offres, avec une seule offre remise.

Nous remettons alors un tableau comparatif au franchiseur, dans le détail, certains éléments comme le taux de commission de carte bancaire pouvant peser lourdement selon le nombre de succursales. Nous n’établissons pas le compte prévisionnel, réalisé par l’expert-comptable, ni ne négocions le montant de la vente. Nous pouvons compléter notre offre avec un fonds d’investissement, géré par des conseils spécialisés.

Nos experts, principalement des anciens banquiers, fluidifient l’opération avec toutes les solutions de financement, sans jamais prendre de commission bancaire avec ces interlocuteurs », précise Benoît Fougerais.

Concernant la partie juridique, il ne faut pas négliger les risques de départ de franchisés.

« Par principe, la cession des titres composant le capital de la société franchiseur n’est pas soumise à l’accord des franchisés, sauf si le contrat de franchise prévoit une clause contraire, ce qui est logique : les franchisés rejoignent une marque et veulent accéder à un savoir-faire.

Dans les faits, certains franchisés décident à la suite d’une telle opération de résilier leur contrat de franchise, sur leur impression personnelle, ou parce qu’ils constatent ou disent constater une dégradation des services du franchiseur ou des manquements contractuels.

Au moment de la cession, certaines sorties de franchisés peuvent aussi être négociées, même s’ils ne possèdent aucun droit acquis pour dénoncer leur contrat si un changement capitalistique s’opère au niveau de la société du franchiseur », reconnaît Sandrine Richard, avocate associée dans le cabinet Simon Associés (côté franchiseurs).

« Sous réserve des objectifs de l’opération, le cessionnaire doit avoir une idée claire des obligations qui pèsent sur lui et, même si un air de changement plane toujours après la cession d’un réseau, il lui faudra savoir réaliser des évolutions en douceur, de façon progressive, avec des idées d’innovations positives. Dans certains cas, il peut conforter certaines initiatives du cédant qui n’ont pas abouti, voire pérenniser un modèle qui aurait pu disparaître », ajoute Sandrine Richard.

Ce risque de départ de franchisés demeure bien une question centrale dans les opérations de cession de réseau de franchise. « Dans un rachat de réseau de franchise, le contrat reste le même, avec une exécution identique côté franchiseur comme franchisés. S’il est changé par le repreneur, cela peut générer des départs, d’autant plus si le cessionnaire s’inscrit dans une logique de rentabilité à court terme. L’effet sera bien moindre s’il vise le moyen, voire le long terme, et si le réseau fonctionne plutôt bien, s’il conserve les équipes en place. Le départ du franchisé n’est possible qu’en cas de mauvaise exécution du contrat de franchise », conclut Monique Ben Soussen, fondatrice du cabinet BSM Avocats (côté franchisés).

À lire aussi : << Reprendre un réseau de franchise (3/5) : les préalables à connaître, au démarrage de l’opération

>> Reprendre un réseau de franchise (5/5) : les clés de réussite, à commencer par la communication sur l’opération

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