En franchise, le principe d’homogénéité est une règle en ce qui concerne l’application du concept et des process. Mais qu’en est-il en matière de prix ? Le franchisé est-il libre de fixer ses tarifs selon son bon vouloir ou est-il soumis à des obligations légales ou contractuelles ?
Même enseigne, même produit mais des prix de vente différents entre la boutique d’un franchisé parisien et celle d’un autre, plus à l’Ouest. Incohérent dans le cadre d’une organisation en franchise où tout ou presque doit être uniforme et homogène ? « Il est courant pour un franchiseur de souhaiter que les clients bénéficient de prix identiques dans tous les établissements du réseau. Cependant, si l’idée est compréhensible sur le plan commercial, un franchiseur ne peut pas imposer un prix de vente unique à tous les établissements de son réseau » prévient Gaëlle Toussaint-David, avocate chez PwC qui aime à rappeler l’exemple des enseignes de restauration rapide. « Dans l’imaginaire collectif, tout le monde pense que le prix d’un burger est le même dans tous les restaurants d’une chaîne. Il suffit de faire le test pour voir que ce n’est pas le cas » souligne la spécialiste.
Aux yeux de la loi, un franchisé est libre dans la fixation des prix
Deux textes distincts, issus du Code du commerce, encadrent les pratiques tarifaires des entreprises commerçantes. Les franchisés, indépendants sur le plan administratif, commercial et fiscal, n’y échappent pas :
- L’article L 442-6 stipule ainsi qu’il est interdit à « toute personne d’imposer, directement ou indirectement, un caractère minimal au prix de revente d’un produit, d’un bien, (…) d’une prestation de service ». Autrement dit, un franchiseur ne peut pas obliger les franchisés à pratiquer des prix fixes ou minimum. Libre à ces derniers de fixer le prix de revente des produits ou services qu’ils proposent. Cette interdiction n’est toutefois pas de mise dans les contrats de commission-affiliation dans la mesure où la tête de réseau reste propriétaire des biens vendus par l’affilié qui ne perçoit qu’une commission sur la vente au consommateur. Ainsi, dans un contrat de commission-affiliation, la tête de réseau peut, sous certaines conditions, imposer à l’affilié des prix minima ou tout simplement des prix fixes.
- L’article L.420-2 du Code de commerce interdit de son côté les ententes anticoncurrentielles et implique que les prix des biens, produits et services sont librement déterminés par le jeu de la concurrence. L’idée de ce texte est de laisser la libre concurrence assurer la fixation des prix en franchise. Aux yeux du droit de la concurrence, un franchisé doit pouvoir librement fixer ses prix, sous peine de se voir accusé d’entente illicite avec son franchiseur.
Une liberté relative dans les faits
Bien que légalement libre de fixer ses prix, un franchisé ne peut cependant pas faire tout à fait ce qu’il veut. Il en va de l’image et de la cohésion du réseau qu’il représente. « Un franchiseur peut indiquer dans le contrat (ndlr : ce n’est pas obligatoire) des prix de vente conseillés et/ou des prix de vente maxima. C’est tout à fait légal » indique Gaëlle Toussaint-David, tant qu’ils ne dissimulent pas en réalité une pratique de prix imposés. Cette fourchette de prix offre une petite marge de manoeuvre au franchisé : il peut moduler sa politique tarifaire pour s’adapter à la concurrence sans pour autant nuire à l’unité de l’enseigne. Lorsque les prix de vente conseillés sont suivis, la logistique est plus facile, les produits sont déjà étiquetés et les services déjà présentés avec un tarif prédéfini. Dans certains cas, cela rassure le franchisé qui est ainsi assuré de proposer au consommateur un tarif en harmonie avec l’image commerciale de la marque. Ce système peut également lui faire gagner du temps dans la gestion de son entreprise (mais il augmente le risque d’entente anticoncurrentielle).
Les franchisés, souvent contraints par la politique tarifaire de leur franchiseur
Sur le terrain et au quotidien, quelques franchiseurs, tentés d’uniformiser les prix au sein de leur réseau, prennent le risque d’imposer leur politique tarifaire de manière directe ou indirecte. Ces pratiques sont, comme déjà dit, interdites et sanctionnées – selon l’infraction, l’amende maximale est de 75 000 euros et jusqu’à 10% du chiffre d’affaires – mais difficiles à contrer pour les franchisés concernés, qui la plupart du temps sont tenus de suivre la politique tarifaire de leur franchiseur. Fin 2021, un réseau de vente de produits sportifs a cependant été condamné par l’Autorité de la concurrence pour avoir imposé aux franchisés d’appliquer les prix de revente fixés par le franchiseur. Quelques autres affaires similaires ont été portées en justice à l’initiative de franchisés ou du Ministère de l’économie, mais elles sont plus rares qu’il y a une quinzaine d’années, les enseignes ayant désormais – pour la plupart – intégré les limites légales du prix de vente unique.