Avec l’adoption du texte sur la réforme des retraites, la question des seniors revient en force sur le devant de la scène. Tout le monde (à de rares exceptions près) va devoir travailler plus longtemps. Mais il suffit de regarder le taux d’emploi salarié des 55 ans et plus pour se convaincre que les seniors ne sont pas toujours les bienvenus dans les entreprises. Et c’est un euphémisme. L’une des solutions pour ces « quinquas » est de se mettre à leur compte. Les enseignes sont-elles ouvertes à ce type de profil ? Quid des réactions des banques face à des demandes de financement portés par des plus de 55 ans ? Avis d’experts et témoignages.
C’est après 30 ans passés dans différentes fonctions de top management dans le textile, que Stéphane Baillet a décidé de se lancer en franchise à 55 ans. Depuis septembre 2022, le voilà donc franchisé Cuisine Plus à Englos, dans la banlieue de Lille (59). « Avec l’enseigne, mon âge n’a pas été un sujet de discussion. Avec la banque en revanche, ça a été une autre histoire », raconte-t-il volontiers. Pour obtenir un prêt de 350 000 euros, il a dû batailler ferme et trouver des solutions alternatives. « Entre le moment où j’ai quitté mon précédent poste et la signature du contrat de franchise, j’ai eu la mauvaise idée de faire un infarctus. Et là, tout s’est compliqué avec la banque qui, à cause de mes problèmes de santé, ne souhaitait plus m’assurer », se souvient-il. Sa solution ? Devenir coactionnaire de son entreprise avec sa femme, qui elle a pu souscrire une assurance pour leur prêt. « C’est quand même paradoxal car mon épouse ne travaille pas au quotidien dans le point de vente. Elle exerce un tout autre métier à part entière», souligne-t-il.
Assurance tous risques du côté des banques
Les banques seraient-elles plus frileuses à accorder des prêts aux candidats à la franchise seniors ? « Je n’ai pas le sentiment que cela soit plus compliqué pour ces profils de décrocher des financements bancaires mais en tout cas, ce n’est pas plus simple », constate Yannis Le Garf, directeur du développement du réseau de courtage Vousfinancer. Si le projet tient la route, que le business model est calé, les banques accordent des prêts. En revanche pour les assurances, elles sont plus regardantes. « Les banques prêtent aux séniors mais au passage, elles leur vendent des assurances homme clés. Ces garanties couvrent les conséquences pécuniaires pour l’entreprise en cas de disparation de l’homme clé. Plus on avance en âge, plus les taux de ces assurances peuvent être élevés », explique Nathalie Dubiez, fondatrice d’Alyxir, société qui accompagne les entreprises dans des opérations de haut de bilan. Et donc alourdit le coût de l’emprunt.
Expérience et capital appréciés par les franchiseurs
Dans les réseaux, la séniorité des candidats à la franchise ne semble pas effrayer. Selon la 19e édition de l’enquête annuelle de la franchise Banque Populaire, 8 % des nouveaux franchisés ont entre 50 et 64 ans. Chez Tryba, 10 % des nouveaux franchisés ont par exemple plus de 55 ans. « Ce n’est pas notre cible prioritaire mais nous sommes ouverts à tout type de profil », assure Marie-Emmanuelle Ascencio, responsable du développement du réseau. Dans le réseau Vousfinancer, ce taux grimpe même à 20 % si on décompte les nouveaux franchisés âgés d’au moins 52 ans. Leurs atouts ? Leur expertise bien sûr, leur expérience et le carnet d’adresses qui va avec. « Ils sont en général très volontaires et psychologiquement solides. Ils sont donc capables de dominer des sujets inconnus, sans stress. Ils n’ont pas de temps à perdre à réinventer l’eau chaude. Ils appliquent le concept à la lettre et ont la niaque », apprécie
Marie-Emmanuelle Ascencio. Leur capacité financière supérieure aux autres candidats est aussi un point qui penche en leur faveur. Pour financer son investissement, Stéphane Baillet avait par exemple un apport personnel de 150 000 euros. « Dans les enseignes nécessitant de lourds investissements comme l’hôtellerie ou encore la restauration, ces profils seniors dotés d’une bonne capacité financière sont intéressants. Souvent, ils montent en tandem avec un gérant plus junior et eux sont des investisseurs moins dans l’opérationnel. S’installe alors une forme de mentoring », constate Nathalie Dubiez. À la sortie de l’opération, les seniors se retrouvent avec un capital conséquent. De quoi leur assurer une retraite plus confortable. Dans les activités de conseil ou de courtage, la pyramide des âges est souvent plus élevée que dans d’autres enseignes.
Des seniors à la recherche de parcours sécurisés
Quand ils quittent leur précédent job, souvent contraints et forcés, les seniors qui n’ont pas encore leurs annuités pour toucher leur retraite à taux plein et qui n’ont pas du tout envie de s’arrêter de travailler, optent souvent pour des activités de consulting. En rejoignant un réseau pour des activités de conseil, ils sécurisent leur nouvelle vie professionnelle et gagnent du temps grâce à un concept éprouvé. C’est exactement pour ces raisons que Michel Mézière a signé un contrat de franchisé de 5 ans avec le réseau pretpro.fr. Depuis octobre 2022, cet ancien conseiller professionnel et entreprise d’une banque, s’est donc mû en franchisé à Laval (53). Son job ? Accompagner d’autres franchisés dans leurs démarches bancaires. « J’ai encore au moins 9 ans d’activité, rejoindre une enseigne de franchise était donc plus simple que de me lancer comme indépendant », conclut-il.