Des burgers au porc effiloché de 12 heures, du poulet frit coréen signature, des sushis à la truffe… La street food premium grignote du terrain et taille des croupières aux acteurs de la restauration rapide traditionnelle. Pour Bernard Boutboul, président de Gira, les enseignes de fast-food ont du souci à se faire face à la montée en gamme des concepts de « fast-good ».
Avec un chiffre d’affaires de 65 milliards d’euros, en croissance de 11 à 12 % par an, la restauration rapide se porte on ne peut mieux. Cependant, les acteurs historiques de burgers, de pizzas, de tacos ou de bagels surveillent comme du lait sur le feu l’arrivée de nouveaux entrants proposant une cuisine premium et différenciante. Le point avec Bernard Boutboul, spécialiste du secteur de la restauration hors domicile.
Vous prédisez la disparition des fast-food. Sur quels éléments vous appuyez-vous ?
Bernard Boutboul : Quand j’annonce le déclin de ces établissements, je parle avant tout des petits Kebab, des échoppes de paninis ou de tacos à emporter, à l’hygiène douteuse et à la qualité médiocre. Je pense aussi à certaines grosses enseignes aux préparations industrielles, sans saveur, qui font du low cost et dans lesquelles on sert les clients à la chaîne. Cette restauration est en perte de vitesse totale, elle se fait concurrencer par la street food ethnique et la diversité de sa cuisine.
La France est restée pendant 25 ans – jusqu’aux années 2000 – avec deux produits de restauration rapide : le sandwich et le burger, tendance malbouffe. Aujourd’hui, nous sommes le seul pays au monde à avoir 51 produits de restauration rapide : du homard au houmous en passant par le couscous, le poulet, le plat thaï, la K-food… C’est une spécificité et une richesse, les Etats-Unis n’en ont que 19. Cette diversité de l’offre, couplée à une vraie montée en gamme, fait de l’ombre aux fast-food historiques.
Pourtant, les enseignes comme Mc Do, Quick, Burger King continuent d’ouvrir à tous les coins de rue ?
Bernard Boutboul : Moins qu’avant et cela dépend vraiment des enseignes. Certaines sont déjà en train d’y perdre des plumes. Mc Do est une des rares à tirer son épingle du jeu car elle s’est « premiumrisée » au fil des décennies. Aujourd’hui, on peut y boire son café dans des tasses en porcelaine, on y trouve des macarons, la viande est d’origine France…
Le concept est monté en gamme : le ticket moyen est d’ailleurs passé à 11 euros en moyenne en France contre 6 euros aux Etats-Unis. C’est bien le signe que lorsque la qualité augmente, les consommateurs suivent, même si cela leur coûte un peu plus cher.
Comment se caractérise cette montée en gamme que vous évoquez ?
Bernard Boutboul : La street food se transforme, elle devient premium, elle ne rime plus avec la malbouffe. La qualité des produits est là, ils ont du goût, il y a une vraie transparence sur leurs origines. Les ingrédients sont locaux, de saison, les repas sont préparés à la commande, ou devant le client. Des enseignes comme Bio Burger, Toasushi ou Bonchon (N.D.L.R. poulet frit coréen) l’ont parfaitement compris.
Légumes frais, sauces signature, fait maison, cuisine minute… Ces concepts sont vraiment montés d’un cran en termes de qualité, particulièrement dans la restauration rapide thaïe, coréenne, vietnamienne et indienne. Les consommateurs ne s’y trompent pas et ils sont prêts à dépenser quelques euros de plus pour manger de choses différentes et de bonne tenue. Ils déboursent en moyenne 15 euros pour un repas de street food premium contre 11,70 pour un menu de restauration rapide traditionnel.
Cette « premiumrisation » s’accompagne-t-elle d’autres caractéristiques ?
Bernard Boutboul : Tous les concepts premium ont un point commun par rapport au fast-food. Ils sont instagrammables et passent en boucle sur les réseaux sociaux. Plus 75 % des contenus Instagram concernent la food. C’est donc un puissant axe de communication, notamment auprès des moins de 30 ans. Avec cette génération, ça passe ou ça casse : ils aiment mettre en avant et partager ce qu’ils mangent. Si c’est bon et bien dressé, le bouche à oreille va très vite. À l’inverse, le moindre faux pas est sanctionné.
Cette montée en gamme s’accompagne également d’une nouvelle expérience client sur le lieu de vente : il se passe quelque chose dans ces établissements de restauration rapide. La décoration est travaillée du sol au plafond, les équipes sur place accueillent le client, le conseillent, assemblent devant lui. C’est tout un pan de la restauration rapide qui est en train de se transformer.