36 ans. C’est l’âge moyen des franchisés à l’ouverture de leur premier point de vente*. Si les jeunes entrepreneurs représentent un atout non négligeable pour les réseaux de franchise, ils manquent souvent de l’apport financier suffisant et de maturité face aux multiples difficultés auxquelles font actuellement face les chefs d’entreprise.
À 21 ans, Loïs et Jérémy se sont associés pour devenir franchisés du premier restaurant Pizza Cosy à Terrenoire près de Saint-Etienne. Tous deux anciens livreurs, ils se sont passionnés pour le métier de la restauration rapide et ont eu envie de reprendre la gérance. « Nous les avons formés sur tous les items du métier » raconte Florent Mercier, cofondateur avec David Cellier de l’enseigne en 2010. Objectif, les faire cranter dans le réseau et les mettre en ordre de marche pour prendre la gérance d’un restaurant. « Hyper attentifs à l’ascenseur social », Florent Mercier, qui a lui aussi démarré à 20 ans, voit ses franchisés comme « de vrais ambassadeurs ».
Pourquoi les réseaux ont intérêt à sourcer des jeunes ?
Les fondateurs cherchent avant tout « de très bons commerçants, des personnes sympathiques. Nous privilégions le savoir-être ». Alors, « face à deux jeunes ultra investis avec qui l’on a un très bon feeling, sur qui l’on peut compter à 200 % et qui ont envie à la fois d’être à leur compte et de faire partie du projet », les cofondateurs leur ont fait confiance et ont trouvé une solution pour leur permettre de financer leur projet. « Nous avons fixé un prix de cession en phase avec leur apport minoré par rapport à ce que nous voulions, explique Florent Mercier. Nous avions intérêt à ne pas vendre au prix fort comme si nous vendions à une tierce personne que nous ne connaissions pas. L’objectif était qu’ils ne s’endettent pas trop, qu’ils soient plus facilement finançables par un établissement bancaire et qu’ils aient de la trésorerie disponible pour se développer » poursuit-il.
Deux ans plus tard, Loïs et Jérémy sont devenus multi-franchisés, ayant ouvert un deuxième restaurant Pizza Cosy à Oullins, en périphérie de Lyon. « Les jeunes ont tous le même rêve : devenir multi-franchisés sur une région, ou pluri-franchisés et construire des empires » affirme David Borgel, fondateur du cabinet conseil Franchise Me Up, qui accompagne des dirigeants de jeunes réseaux. Mais « si les primo-accédants ou les jeunes pouvaient il y a encore trois ou quatre ans se lancer avec 30 000 ou 40 000 € d’apport, maintenant, c’est plus compliqué, voire impossible, lorsqu’ils n’ont pas d’apport conséquent », constate Florent Mercier, faisant notamment référence à la hausse des prix des pas-de-porte, du matériel et de l’aménagement et des conditions bancaires de plus en plus sévères.
Les jeunes moins courtisés par les réseaux ?
Pour David Borgel, qui constate que l’âge moyen des candidats à la franchise a progressé, ce sont « les réseaux eux-mêmes qui font moins confiance aux jeunes ». De leur côté, les jeunes se dirigeraient eux aussi moins vers les réseaux, « les jeunes franchisés ayant vécu plus difficilement la période covid ». Pour lui, « ces derniers ne sont psychologiquement pas assez solides pour supporter les crises. Il faut avoir la maturité entrepreneuriale et l’expérience nécessaires et être suffisamment costauds » pour affronter les prochains chocs – accroissement des charges, pénurie de main d’œuvre…
La solution ? L’association d’un profil senior et d’un junior. « Il y a alors zéro risque, assure-t-il. La franchise étant encadrée, cela permet de sécuriser à la fois pour le jeune qui est opérationnel et pour le senior qui est investisseur, et cela rassure l’enseigne ». Le binôme idéal, « le commerçant qui attire et fidélise les clients et le financier qui contrôle la rentabilité du point de vente » résume-t-il. Pour Florent Mercier, c’est au réseau de se montrer plus vigilant lorsqu’il choisit de faire confiance à un jeune candidat et « de l’épauler de près et d’être concentré sur la rentabilité de son point de vente ». D’autant que les jeunes sont souvent des « fonceurs qui ne mesurent pas assez le risque » avertit David Borgel.
Inciter les réseaux à innover
Au réseau de leur apporter le savoir-faire nécessaire via la formation initiale et la transmission du savoir-faire. En termes de formation justement, les jeunes présentent un atout indéniable pour les réseaux : ils sont « plus malléables pour les formater au concept », assure Florent Mercier, et sont d’autant plus capables d’assimiler rapidement le savoir-faire de l’enseigne qu’ils ne sont pas « déformés par leurs expériences professionnelles précédentes. Ils respecteront mieux les règles du jeu de la franchise et ne viendront pas remettre en question la façon de faire de l’enseigne », assure David Borgel. Et, s’ils souhaitent apporter des changements ou des évolutions, ils seront plus « en critique constructive ».
Evolutions qui s’avèrent souvent positives pour les enseignes, les jeunes étant dans la recherche « d’optimisation, de digitalisation et de nouvelles technologies », liste le consultant, prenant l’exemple des groupes What’s App pour remplacer les échanges de mails et aller plus vite en s’affranchissant du formalisme administratif et des formules de politesse, ou encore des activités de team building innovantes tels que les laser games ou autres escape games plutôt que de grands repas assis lors de conventions ou de séminaires. « Même sans voyager, étant hyperconnectés, ils ont une curiosité et une ouverture sur le monde » admet David Borgel, concluant que les réseaux ont intérêt à les conserver car c’est « eux qui font le marché et savent où mettre les pions pour développer la clientèle. Il est important d’avoir des jeunes qui poussent à la réflexion, sont force de proposition et permettent au réseau de s’adapter à leur temps ».
* 14e enquête annuelle de la franchise Banque Populaire / FFF