Dans un contexte économique, sanitaire et géopolitique de plus en plus complexe, les dirigeants doivent s’adapter aux crises et à l’incertitude. Un art subtil qui repose sur le courage managérial, une qualité essentielle pour prendre des décisions éclairées dans une société en perpétuelle évolution.
« Il est dangereux d’avoir raison dans des choses où des hommes accrédités ont tort. » Cette citation de Voltaire, bien que moins souvent citée que ses autres aphorismes, trouve une résonance particulière dans le management d’aujourd’hui. Car dans un environnement global marqué par une instabilité croissante — qu’il s’agisse de crises économiques, sanitaires ou géopolitiques —, les dirigeants d’entreprises sont confrontés à des décisions prises sous l’effet de l’incertitude. Dans ce cadre mouvant, le courage managérial est plus que jamais essentiel pour naviguer avec agilité et sagesse entre les certitudes apparentes et les doutes persistants.
En effet, selon une étude menée par McKinsey, 65 % des dirigeants jugent la gestion de l’incertitude comme leur défi principal. Dans un contexte où les paramètres économiques, technologiques et sociaux changent constamment, prendre des décisions éclairées devient de plus en plus difficile. Les dirigeants ne peuvent plus se reposer sur des certitudes, mais doivent apprendre à adopter une posture souple, réactive et, par-dessus tout, courageuse.
Ainsi, le courage managérial ne réside pas seulement dans la prise de décisions stratégiques, mais dans la capacité à affronter l’incertitude, à gérer l’ambiguïté et à maintenir le cap malgré les turbulences. Le courage, c’est d’admettre que tout ne peut pas être prévu et maîtrisé, mais que l’action reste possible même dans le doute.
Naviguer entre le doute et la certitude, entre liberté et structure
Le monde complexe d’aujourd’hui exige des dirigeants qu’ils fassent preuve de flexibilité tout en offrant une direction claire à leurs équipes. Une des qualités les plus importantes pour y parvenir est l’assertivité. Il ne s’agit pas seulement de prendre des décisions rapides ou de défendre son point de vue à tout prix, mais d’avoir la capacité de communiquer clairement tout en restant réceptif aux idées et aux perspectives des autres. Le leader assertif, c’est celui qui prend position sans imposer ses idées, qui inspire confiance sans prétendre détenir la vérité absolue. Cependant, il est crucial que l’assertivité ne soit pas confondue avec l’entêtement.
L’assertivité sans doute peut conduire à des décisions précipitées et parfois erronées. Le dirigeant ne doit pas craindre de remettre en question ses certitudes, surtout dans un environnement aussi incertain que celui que nous connaissons actuellement. En effet, comme le soulignait le philosophe Andrew Salter, « l’assertivité est la capacité de défendre son point de vue tout en respectant celui des autres ». Cette définition incarne parfaitement l’équilibre que les dirigeants doivent réussir à maintenir entre la volonté de faire avancer l’entreprise et l’ouverture aux ajustements nécessaires face aux défis qui surgissent.
Un exemple frappant de cette gestion du doute et de la certitude s’est illustré lors de la gestion de la crise sanitaire liée à la COVID-19. En 2020, les gouvernements et les institutions internationales ont dû prendre des décisions qui, à première vue, semblaient controversées et difficiles à justifier. Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), a été particulièrement critiqué pour ses prises de position initiales concernant la gestion des confinements et de la pandémie. Pourtant, malgré les critiques, sa capacité à admettre les incertitudes et à adapter en permanence ses décisions aux nouvelles données a permis à l’OMS de maintenir une ligne directrice durant cette crise sans précédent.
L’importance du courage dans la prise de décision
Le courage managérial n’est pas seulement la capacité à prendre des décisions audacieuses dans des moments de crise ; il réside aussi dans l’habileté à accepter l’incertitude. Lorsque les dirigeants se retrouvent dans un contexte instable, le désir de trouver une certitude immédiate peut être tentant. Mais ce besoin de certitude peut paradoxalement se retourner contre eux, en les poussant à prendre des décisions basées sur des informations incomplètes ou erronées.
Un exemple qui illustre parfaitement cette dynamique est celui d’Axelle Lemaire, ancienne secrétaire d’État au Numérique. À une époque où le numérique était encore perçu comme un domaine à la fois complexe et risqué, Axelle Lemaire a pris des décisions courageuses pour développer la “French Tech”, une initiative visant à promouvoir l’innovation technologique en France. Alors que de nombreuses voix s’élevaient pour minimiser l’impact du numérique ou dénoncer les risques associés, elle a eu le courage d’agir dans un environnement de forte incertitude. Elle n’avait pas toutes les réponses, mais elle a fait preuve de souplesse, adaptant constamment sa stratégie pour s’assurer que la France conserve sa place sur la scène internationale de l’innovation technologique.
Cette capacité à prendre des décisions dans le flou, tout en faisant évoluer ses stratégies au fil des événements, est un des grands aspects du courage managérial.
La gestion de la certitude et de l’incertitude dans les organisations
Dans un monde de plus en plus globalisé et interconnecté, les dirigeants d’entreprise doivent apprendre à évoluer dans un environnement volatile et incertain. Cette incertitude peut être paralysante, mais elle doit aussi être perçue comme une opportunité. Au lieu de se concentrer sur la recherche d’une certitude impossible, les dirigeants doivent comprendre que la souplesse et l’adaptabilité sont désormais des éléments clés de la compétitivité.
Le modèle agile, qui repose sur des cycles de décision courts et des ajustements continus, est un parfait exemple de cette nouvelle approche. Les entreprises qui réussissent aujourd’hui sont souvent celles qui savent s’adapter en permanence, qui sont prêtes à réévaluer leurs stratégies en temps réel et à pivoter lorsque la situation l’exige. Cette capacité à évoluer en temps réel repose sur une structure légère, qui permet d’intégrer des changements sans nuire à la cohérence stratégique globale.
Le courage de remettre en question les certitudes
Le courage managérial ne se réduit pas à gérer l’incertitude dans l’urgence. Il réside également dans la capacité à remettre en question les certitudes établies et à accepter que les stratégies précédemment efficaces ne soient plus adaptées aux réalités du moment. Ce courage implique une humilité intellectuelle et la reconnaissance que les leaders doivent constamment se réinventer pour répondre aux défis du futur.
Un exemple de ce courage intellectuel peut être trouvé chez les nombreux entrepreneurs qui, après avoir échoué, choisissent de se relever, de tirer des enseignements de leurs erreurs et de repartir sur de nouvelles bases. Ces leaders ont compris que l’incertitude fait partie du processus d’apprentissage et que le succès ne réside pas dans la recherche d’une vérité fixe, mais dans la capacité à ajuster en permanence sa trajectoire.
Le courage managérial : un atout clé pour l’avenir
En conclusion, dans un monde où l’incertitude est omniprésente, le courage managérial devient plus qu’un atout, il devient une nécessité stratégique. Les dirigeants qui réussissent ne sont pas ceux qui prétendent maîtriser chaque aspect de leur environnement, mais ceux qui savent naviguer dans le doute tout en offrant une direction claire à leurs équipes. Le courage, aujourd’hui, c’est accepter l’incertitude et avancer malgré tout, avec la conviction que l’action reste la meilleure réponse face à l’ambiguïté.
Les leaders de demain seront ceux qui sauront allier audace et flexibilité, créativité et structure, tout en ayant la capacité d’admettre que tout ne peut pas être prévu. Comme l’a affirmé Vladimir Jankélévitch, « Le courage, c’est de ne pas savoir et de le dire ». En effet, c’est dans cette acceptation de l’incertitude, conjuguée à un forte capacité d’action, que réside la véritable force des leaders du XXIe siècle.
Notre résumé en 5 points clés par L’Express Connect IA
(vérifié par notre rédaction)
Voici un résumé en cinq points clés de l’article sur le sujet du courage managérial face à l’incertitude :
Essence du courage managérial : Les dirigeants actuels doivent naviguer dans un environnement d’incertitudes économiques, sanitaires, et géopolitiques, et le courage managérial est essentiel pour prendre des décisions éclairées malgré l’absence de certitudes.
Importance de l’assertivité : Le courage managérial implique une assertivité équilibrée, permettant aux leaders de communiquer clairement tout en restant ouverts aux idées des autres, sans tomber dans l’entêtement. L’exemple de la gestion de la COVID-19 par l’OMS en témoigne.
Prise de décision face à l’incertitude : Au lieu de rechercher des certitudes inatteignables, les dirigeants doivent développer une souplesse et adaptabilité, illustré par Axelle Lemaire et son initiative French Tech, menant des décisions courageuses dans un domaine incertain.
Adaptabilité organisationnelle : Adopter des modèles agiles, avec des cycles de décision courts, permet aux entreprises de s’adapter rapidement aux changements du marché, offrant un avantage compétitif crucial dans un monde incertain.
Repenser les certitudes : Le courage managérial inclut la remise en question des certitudes établies et l’apprentissage continu, acceptant que le succès repose sur l’adaptation plutôt que sur des vérités fixes. Cela nécessite humilité intellectuelle et résilience face aux échecs.