[Parole d’expert] Le Franchiseur qui consent régulièrement à son partenaire commercial des avances de trésorerie, ou des délais de paiement peut s’exposer juridiquement.
En effet, il peut lui être reproché d’avoir contribué à un soutien abusif du franchisé, si ce dernier devait subir une procédure collective, ou encore d’avoir consenti un prêt de façon illégale.
Quelques principes à retenir
En premier lieu, selon l’article L.511-5 du Code Monétaire et Financier, il est interdit à toute personne autre qu’un établissement de crédit ou une société de financement, d’effectuer des opérations de crédit à titre habituel.
Ainsi, un franchiseur qui octroierait de façon habituelle à ses franchisés des crédits fournisseurs, tombe sous le coup de cette interdiction. La Cour de Cassation dans un arrêt du 15 juin 2022 ( 20-22 .160) rappelle cette interdiction légale.
Par ailleurs, un franchiseur qui octroie de tels crédits illégaux pourrait se voir reprocher un acte de concurrence déloyale par les autres têtes de réseau concurrentes, puisqu’il procure un avantage illégitime à ses franchisés.
En effet, la violation d’une règle légale par le franchiseur pour favoriser les franchisés de son réseau constitue un acte de concurrence déloyale qu’un concurrent pourrait faire sanctionner.
Enfin, un franchiseur qui consent à plusieurs reprises des délais de paiement, un plan d’étalement, ou des avances de trésorerie pourrait se voir reprocher un soutien abusif de son franchisé, si celui-ci fait ultérieurement l’objet d’une procédure collective.
En effet, en cas d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire du franchisé ayant bénéficié des largesses du franchiseur, les créanciers du franchisé pourraient considérer que le plan d’étalement des dettes demeurait un soutien abusif du franchiseur envers son franchisé.
L’article L.650-1 du Code de Commerce instaure cette responsabilité sanctionnée par la condamnation à indemniser les créanciers, lorsqu’une fraude, notamment par une immixtion caractérisée, est démontrée dans la gestion du débiteur, ou qu’il est établi le caractère disproportionné des garanties qui sont prises en contrepartie du soutien accordé.
Cas pratique
Dans une récente affaire opposant la société CASINO à son franchisé exerçant sous l’enseigne SPAR, la Cour d’Appel de Lyon a cependant considéré qu’il n’existait aucun soutien abusif du franchiseur à son franchisé, dans la mesure où l’enseigne avait accordé des délais de paiement à son franchisé en raison de difficultés de trésorerie, sur demande de ce dernier.
La Cour retient qu’il n’était pas établi une fraude ou une immixtion fautive du franchiseur, dans la mesure où les délais avaient été accordés sur demande du franchisé qui avaient parfaitement conscience de ses difficultés, qu’il n’était pas démontré qu’il n’avait pas la liberté de fixer ses prix, ni celle de faire appel à d’autres fournisseurs, et sans qu’il ne soit exigé par le franchiseur de contrepartie ou garantie supplémentaire à sa charge. (Cour d’Appel de Lyon, 2 mai 2024, n°20/04.775)
Les franchiseurs auront alors à l’esprit qu’ils ne peuvent jouer le rôle de banquier à titre habituel, mais qu’ils pourront, à titre exceptionnel, consentir des délais de paiement ou un plan d’étalement de la dette, si cela résulte d’une demande expresse du franchisé, et bien sûr, tant qu’ils n’imposent pas de contrepartie excessive ou supplémentaire à ces délais ou avance de trésorerie accordés.
Notre résumé en 5 points clés par L’Express Connect IA
(vérifié par notre rédaction)
Voici un résumé en cinq points clés de l’article sur comment un franchiseur peut soutenir financièrement son franchisé en situation difficile.
Interdiction des opérations de crédit : Selon l’article L.511-5 du Code Monétaire et Financier, seuls les établissements de crédit et les sociétés de financement peuvent effectuer des opérations de crédit à titre habituel. Les franchiseurs qui octroient régulièrement des crédits à leurs franchisés risquent des sanctions légales pour pratiques illégales.
Risques de concurrence déloyale : Un franchiseur qui consent régulièrement des crédits illégaux à ses franchisés peut être accusé de concurrence déloyale par d’autres réseaux concurrents. En effet, cela constitue un avantage illégitime pour ses franchisés et peut être sanctionné.
Soutien abusif et responsabilités : Si un franchisé entre en procédure collective (sauvegarde, redressement judiciaire, liquidation), les créanciers peuvent reprocher au franchiseur un soutien abusif, surtout si des délais de paiement ou des avances de trésorerie ont été accordés de manière répétée. L’article L.650-1 du Code de Commerce instaure cette responsabilité, imposant une indemnisation des créanciers en cas de fraude ou d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur.
Exemple pratique : Dans une affaire récente, la Cour d’Appel de Lyon a jugé que la société CASINO n’avait pas soutenu abusivement son franchisé SPAR en lui accordant des délais de paiement. La décision a été en faveur du franchiseur car les délais avaient été demandés par le franchisé et aucun acte frauduleux ou d’immixtion fautive n’a été établi.
Conditions pour un soutien acceptable : Les franchiseurs peuvent exceptionnellement accorder des délais de paiement ou plans d’étalement de dette sur demande expresse du franchisé, tant qu’ils n’imposent pas de contrepartie excessive. Il est crucial d’éviter toute pratique régulière de crédit pour ne pas enfreindre la législation.