Transmission en franchise (1/2) : préférer la reprise

Photo de couverture : Transmission en franchise (1/2) : Préférer (ou pas) la reprise à la création d’entreprise 

Risque plus calibré, éléments de comparaison avec d’autres points de vente du réseau, période d’immersion possible dans un point de vente… La reprise d’un commerce en franchise offre de multiples avantages par rapport à la création pure.


Encore faut-il détecter en amont les affaires à vendre, que le cédant se décide à changer de vie à temps et qu’il présente un candidat repreneur, s’il en a trouvé un, de la manière la plus complète possible.

Si la création d’entreprise s’adresse à un public jeune, avec peu d’apport personnel et une plus grande prise de risques, la reprise d’entreprise concerne un public plus âgé, donc plus expérimenté, détenant un certain apport personnel, avec un risque plus calibré (équipe rôdée déjà en place, portefeuille clients développé, outil de production existant, notoriété locale acquise, etc).

« Le repreneuriat est aujourd’hui une cause nationale, avec de belles affaires offrant un potentiel de développement, mais également 10 % de fermetures d’entreprise qui ont pour origine une transmission mal préparée. Un million d’emplois sont en jeu !

C’est pourquoi une reprise d’entreprise s’anticipe deux à trois ans à l’avance. Afin de préparer son affaire, au niveau de l’organisation, de l’immobilier et de la comptabilité – stocks, provisions, clients douteux, etc. -, et de se préparer psychologiquement en tant que dirigeant. Il faut réfléchir à la cession quand, à un certain âge, on commence à moins se projeter dans l’avenir et donc à moins investir dans sa société.

Le CRA propose par ailleurs une formation de trois semaines pour de futurs repreneurs, sur des clés de compréhension et réussite sur la transmission, avec toutes les étapes à franchir, tant au niveau personnel que professionnel », explique Bernard Fraioli, président du CRA (Cédants et Repreneurs d’Affaires).

Dans le système de franchise, la reprise offre d’autres avantages, pour un rachat toujours avec deux solutions : parts sociales et/ou fonds de commerce. « Si la transmission offre un gain de temps considérable sur la montée en puissance de l’entreprise, dont la notoriété locale est déjà existante, le repreneur doit être accompagné d’un expert-comptable et d’un avocat pour éviter toute surprise et analyser froidement les réussites et les contre-performances du point de vente.

En franchise, il bénéficie d’éléments de comparaison avec les autres magasins ou agences du réseau fournis par l’enseigne. Il peut également étudier des voies de développement si le potentiel de chiffre d’affaires n’a pas été atteint, à partir de raisons observées : chef d’entreprise peu présent ou mauvais manager, employés pas très bien sélectionnés, pas de respect du concept…

Si l’affaire possède un déficit d’image, il peut anticiper des actions de communication avec la tête de réseau, comme une promotion spéciale pour la réouverture ou encore une mise en scène particulière pour annoncer le changement de propriétaire.

Dans tous les cas, le repreneur doit valider depuis combien de temps le concept, en particulier l’architecture intérieure, n’a pas été mis à jour, certains secteurs d’activité nécessitant un investissement important.

Il doit, en amont, répondre aux attentes du franchiseur en tant que candidat repreneur : d’une part au niveau de ses compétences opérationnelles, et d’autre part, en termes d’état d’esprit. Il ne doit pas remettre en cause un concept, affiné, éprouvé et source de bénéfices pour les deux parties.

C’est l’avantage de ce modèle : tout candidat a généralement la possibilité de prendre une période d’immersion chez un franchisé de plusieurs jours, proposée aussi aux créateurs, et de connaître l’arrière-plan du quotidien d’un chef d’entreprise, comme la gestion ou encore la formation du personnel. Vivre la vie qu’on projette de mener durant des années est fondamental avant d’entraîner sa famille dans ce projet », précise Véronique Discours Buhot, déléguée générale de la fédération française de la franchise.

Côté cédant, il ne faut pas se décider trop tard à changer de vie. « Il doit être prêt dans sa tête, sans pression financière ou sur sa santé, pour ne pas s’exposer à une vente dans l’urgence, à bas prix. Il lui faut disposer d’un outil de travail en état de marche, mis au dernier concept, qui peut fonctionner de manière autonome – c’est-à-dire sans la présence incontournable du chef d’entreprise -, avec des équipes compétentes qu’il faut associer au projet de reprise, afin qu’elles ne se délitent pas une fois la transmission réalisée.

L’humain reste souvent réfractaire au changement, mais il existe des moyens de fidéliser le personnel, comme prendre la suite à la tête de l’entreprise ou leur confier la direction d’un des points de vente détenus », souligne Olga Romulus, expert-comptable et directrice des relations extérieures Fiducial.

Autre risque pour la transmission : vouloir vendre trop cher. « La cession d’une entreprise, encore peu anticipée aujourd’hui, devrait se préparer quand le franchisé arrive à 50-55 ans, à une dizaine d’années du départ à la retraite. Il faut dès lors commencer à redéfinir sa stratégie de rémunération et patrimoniale, travailler l’excédent brut d’exploitation, pour pouvoir établir la construction financière de la vente et le mode de transmission de son savoir-faire.

Avec la Covid, la transmission d’entreprise est devenue plus importante pour les réseaux, avec moins d’emplacements de qualité disponibles, du fait de la flambée des rachats de fonds de commerce. Les franchisés peuvent être tentés de vendre leur affaire trop cher quand la valeur des fonds de commerce n’est pas pilotée par les enseignes, notamment avec des ratios-clés en fonction du chiffre d’affaires.

Ce devrait être un rôle supplémentaire des animateurs de réseau de détecter les affaires à reprendre, de mettre à disposition des dirigeants d’entreprise des outils – audit du magasin, grille de lecture pour la reprise… – et de mettre en relation avec les experts – fiscaliste, banquier, agenceur, etc. – accompagnant cette mutation. La mission de l’animateur ne doit pas être infantilisante, c’est-à-dire d’expliquer aux franchisés ce qu’ils savent déjà, mais responsabilisante, pour ne pas engendrer de la déception et faire grandir son interlocuteur dans son environnement local », explique Emmanuel Jury, président de Progressium et membre du collège des experts de la fédération française de la franchise.

En franchise, la reprise d’entreprise présente une différence majeure par rapport à la même opération hors réseaux, qui reste prévue dans la totalité des contrats.

« Le contrat prévoit que le franchiseur bénéficie d’un droit d’agrément qui lui permet de décider, selon les critères objectifs qu’il fixe, s’il consent ou non à agréer le candidat à la reprise du fonds de commerce cédé. Il bénéficie également d’un droit de préemption ou de préférence qui lui permet de se substituer au candidat et de reprendre pour lui-même le fonds de commerce du franchisé.

Le dirigeant d’entreprise cédant se doit de respecter strictement les conditions de forme fixées dans son contrat de franchise. En règle générale, le réseau attend de lui qu’il présente le candidat repreneur de la manière la plus complète possible : CV exhaustif – de la personne physique et de la personne morale -, le profil professionnel du repreneur, sa surface financière, sa fibre commerçante, la description de son projet – rachat du fonds de commerce ou des parts sociales -, le prix, le recours ou non à un prêt et enfin le calendrier de la cession.

Ce n’est pas parce que le candidat repreneur est déjà franchisé du réseau que l’opération est acquise : un refus objectif du franchiseur peut être opposé, en raison d’une incapacité présumée par la tête de réseau à gérer en parallèle deux points de vente, en raison de difficultés relationnelles avec le franchisé candidat à la reprise ou encore de sa politique de ne pas avoir de multi franchisés.

La réponse, à partir d’un dossier complet pour tout type de candidat, est donnée dans un délai raisonnable, marqué dans le contrat et d’un maximum de 30 jours. Face à un refus du franchiseur, le franchisé peut demander une réponse écrite, motivée et objective.

Ses raisons peuvent être objectivement compréhensibles, comme la jeunesse du candidat, son manque de surface financière, son inaptitude à devenir commerçant indépendant, ou encore des traits de personnalité ne correspondant pas à l’esprit du réseau. Il faut veiller à ce que le franchiseur ne se serve pas de son droit d’agrément et de son droit de refuser un candidat pour tenter de récupérer à vil prix le fonds de commerce d’un franchisé en difficultés financières.

En cas de lourdes difficultés, le dirigeant d’entreprise doit faire appel à des professionnels et se mettre sous la protection du tribunal de commerce de son siège social qui l’aidera à trouver des solutions pour poursuivre le contrat de franchise ou sortir du réseau pour assurer sa survie », relève Charlotte Bellet, avocate depuis 25 ans dans la défense des franchisés et associée dans le cabinet Bourgeon Guillin Bellet & Associés (BMGB).

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