Référencer sa franchise

« Sans réforme structurelle, on fonce dans le mur » – Amir Reza-Tofighi, président de la CPME

8 Min. de lecture
Amir Reza-Tofighi, président de la CPME
Amir Reza-Tofighi, président de la CPME

Chef d’entreprise dans le secteur des services à la personne et serial entrepreneur dans la tech, Amir Reza-Tofighi a cofondé plusieurs sociétés : Vitalliance, qu’il préside depuis 2024, Heetch, et Click&Boat.


À seulement 40 ans, il a pris la présidence, en janvier dernier, de la CPME (Confédération des PME). Pour L’Express Franchise, il livre sa vision des grands enjeux qui traversent aujourd’hui le monde des PME.

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questions à Amir Rez-Tofighi, Président de la CPME

Question Person

Quelle vision portez-vous sur votre secteur d’activité, les services à la personne ? 

Answer Person

Amir Rez-Tofighi : Dans le secteur de l’aide à domicile pour les personnes dépendantes dans lequel j’évolue, la demande est forte mais le recrutement reste très difficile. Les conditions de travail sont exigeantes, la rémunération faible, en raison d’un modèle économique contraint. Le principal obstacle reste économique : la masse salariale représente le coût principal et augmenter les salaires est compliqué faute de pouvoir répercuter cette hausse sur les tarifs clients. Les salariés travaillent souvent seuls, se déplacent entre plusieurs domiciles, et doivent gérer la solitude ainsi que la complexité des situations, notamment auprès de personnes âgées ou en situation de handicap. Malgré ces contraintes, ces métiers ont un impact humain fort : ils permettent d’améliorer concrètement le quotidien de nos clients, que ce soit par les activités de garde d’enfants, d’aide-ménagère ou d’accompagnement des personnes dépendantes à domicile. 

Question Person

Quel regard portez-vous sur le modèle de la franchise ?

Answer Person

Amir Rez-Tofighi : Je connais bien le modèle de la franchise étant donné qu’il y en a beaucoup dans mon domaine d’activité. D’autre part, la FFF, la Fédération française de la franchise est adhérente de la CPME. C’est un modèle qui marche puisqu’il permet d’allier le fait de bénéficier des codes, des process, de l’expérience et de la maturité d’un groupe tout en gardant une logique entrepreneuriale. Car à la tête de chaque franchise, ce sont des entrepreneurs et non des salariés, qui bénéficient de l’apport du franchiseur pour ne pas partir de zéro et avoir in fine un taux de réussite beaucoup plus fort.

Question Person

Comment décririez-vous la situation économique actuelle des TPE et PME françaises ?

Answer Person

Amir Rez-Tofighi : Nous sommes à la croisée des chemins. Après une politique de l’offre qui a permis aux entreprises de se développer et de regagner en compétitivité et flexibilité, la situation s’est inversée depuis un an et demi. En prenant un peu de recul, on constate que l’inflation, la hausse des prix de l’énergie, ainsi qu’un contexte politique incertain ont pesé lourdement. Par conséquent, le nombre de faillites dans les PME a augmenté de 60 %, révélant des difficultés économiques croissantes qui affectent durablement les entreprises. Si nous ne sommes pas encore en récession, les prochaines décisions politiques peuvent nous y emmener. Et si de nouveau, on fait peser sur les entreprises des contraintes, des impôts, et des taxes en plus, cela peut très vite faire dérailler la machine, notamment les TPE et PME qui seront les premières victimes. Si le budget 2026 va dans le mauvais sens, l’impact sur les petites entreprises sera très fort.

Question Person

Quelle est votre réaction au projet de budget 2026 ? 

Answer Person

Amir Rez-Tofighi : La priorité est la baisse de la dépense publique, en la rendant plus efficace, tout en préservant notre tissu économique. Ce budget apporte un début de réponse sur ce point. L’année blanche sur les prestations sociales est la moins pire des solutions, mais nous n’avons pas le choix à court terme, à force de n’avoir pas pris les mesures importantes. Cela reflète surtout l’absence de réformes structurelles ces dernières années. Aujourd’hui, il faut malheureusement avoir un rendement immédiat, même si les mesures ne sont pas idéales. Le budget 2025 a déjà fait reposer l’essentiel de l’effort sur les entreprises, qui supportent 90 % des recettes supplémentaires, sous forme de hausses de charges parfois présentées comme de simples baisses de dépenses.

Résultat : l’économie ralentit. Refaire la même erreur en 2026 serait une faute. Le budget 2026 nous semble plus équilibré et courageux, avec une répartition entre réduction des dépenses, hausse du travail et effort des collectivités. Mais il faudra aller jusqu’au bout. Il faut une vision stratégique, et non des arbitrages de dernière minute qui affaibliraient tout. Nous ne sommes pas opposés à la suppression de deux jours fériés, si elle s’applique à tous, avec un objectif collectif de travailler plus pour financer nos priorités stratégiques. Il ne faut pas reproduire le scénario du jour de solidarité, où seuls les salariés du privé étaient concernés. Enfin, sur l’allocation sociale unique, nous soutenons toute mesure qui valorise le travail. Le non-travail ne peut pas rapporter plus que le travail, surtout quand tant de salariés exercent des métiers difficiles.

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Question Person

Quelle est la position de la CPME sur le financement du modèle social français ?

Answer Person

Amir Rez-Tofighi : Le financement de la politique sociale ne peut pas reposer uniquement sur les travailleurs et les entreprises : elle doit être financée par la solidarité nationale, donc par l’ensemble des Français. Or, si le modèle social bénéficie à tous les Français, ce sont aujourd’hui essentiellement les entreprises et les salariés qui en financent la majeure partie, via les cotisations patronales et salariales. C’est injuste, et surtout, le modèle ne tient pas. Faire moins reposer le financement du modèle social sur le travail permettrait d’augmenter le salaire net des salariés et de redonner de la compétitivité aux entreprises. Par ailleurs, notre modèle social donne le sentiment que tout est gratuit et que la santé est un droit automatique. Il faut sortir de ce modèle et davantage responsabiliser les Français. Par ailleurs, les arrêts maladies sont devenus un fléau pour notre économie. Il faut réinstaurer des règles et du contrôle pour éviter les abus. Cela passe par exemple par l’application de trois jours de carence d’ordre public pour diminuer les arrêts de travail de courte dur

Question Person

Etes-vous favorable à la mise en place d’une TVA sociale ?

Answer Person

Amir Rez-Tofighi : La TVA sociale, ou la TVA compétitivité, ou encore la TVA modèle social, est une des solutions pour permettre que le financement du modèle social repose moins sur le travail. En ce sens, c’est une piste à suivre mais ce n’est peut-être pas la seule : toutes sont à étudier. Il y a un vrai débat à avoir.

Question Person

Quelle est votre analyse de la récente réforme des retraites ? 

Answer Person

Amir Rez-Tofighi : La cour des comptes le dit elle-même : ce n’est pas suffisant à court terme. Nous avons un déficit qui reprend cette année, et en 2030, il y aura plus de six milliards d’euros de déficit. Il n’y a pas de magie possible sur le sujet étant donné que nous n’avons pas beaucoup de paramètres sur lesquels jouer. Malgré un niveau de taxation et un niveau de pension qui sont parmi les plus élevés en Europe, si l’on veut poursuivre avec ce modèle social sans nuire à la compétitivité des entreprises, il faut travailler collectivement plus. C’est une question de simple arithmétique. Tous les autres pays l’ont d’ailleurs compris : pour garantir la viabilité du système, il faut soit relever l’âge légal de départ à la retraite, soit inciter les gens à travailler plus longtemps grâce à des mécanismes de bonus-malus. Mais cela veut aussi dire qu’il faut mieux accompagner les salariés qui sont dans les métiers pénibles, car si collectivement on peut travailler plus, certains salariés dans ces métiers doivent pouvoir partir avant.

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Question Person

Comment faut-il protéger nos entreprises de la concurrence internationale, notamment chinoise ?

Answer Person

Amir Rez-Tofighi : Nous demandons des règles équitables pour tous les acteurs du marché. Aujourd’hui, lorsqu’un consommateur commande un produit sur une plateforme asiatique à bas coût, aucun droit de douane ni TVA n’est appliqué si le colis vaut moins de 150 euros. Il n’y a pas non plus de contrôle sanitaire systématique. Résultat : en 2024, la France a reçu environ 800 millions de colis de moins de 150 euros. Ces plateformes inondent le marché français avec des produits qui échappent aux taxes et aux normes européennes. Et les rares contrôles sont édifiants : 94 % des colis vérifiés ne respectent pas les règles, que ce soit sur le plan sanitaire ou fiscal.

Nous faisons face à une véritable invasion de produits issus de plateformes qui contournent massivement les règles. Le volume est tel qu’il devient impossible de tout contrôler. Résultat : des pans entiers de notre économie sont fragilisés, voire menacés. Le problème étant que nous ne jouons pas avec les mêmes règles : TVA, normes, contrôles… Tout est à géométrie variable. Comment nos entreprises peuvent-elles rester compétitives dans ces conditions ? On accepte sur notre marché des produits qui ne respectent pas les règles imposées à nos propres fabricants. C’est profondément injuste. Et face à cela, l’impuissance politique est sidérante. La taxe de 2 euros par colis envisagée pour 2026 est purement symbolique. Elle ne suffira pas à rétablir l’équilibre. La CPME réclamait un seuil minimum de 25 euros, à l’image des États-Unis et de leur seuil à 100 dollars. Il revient à l’Europe de protéger ses entreprises et son économie. 

Question Person

La guerre commerciale entre les États-Unis et l’Union européenne, notamment sur les droits de douane, pèse sur les PME exportatrices et industrielles ?

Answer Person

Amir Rez-Tofighi : C’est effectivement une nouvelle menace brandie par Trump, une épée de Damoclès qui plane en permanence au-dessus de nos têtes. Cela rajoute une incertitude pour les PME qui font de l’export, mais aussi pour les PME fournisseurs d’entreprises à l’export. Cela crée un climat anxiogène supplémentaire et un climat d’attentisme pour beaucoup d’entre elles. Il y a un vrai sujet d’inquiétude et d’incertitude qui a arrêté l’économie. Nous avons en ce sens des retours de fournisseurs qui voient que leurs clients ont le pied sur le frein sur leurs commandes et leurs investissements.

AI Summary

NOTRE RÉSUMÉ EN

5 points clés

PAR L'EXPRESS CONNECT IA

(VÉRIFIÉ PAR NOTRE RÉDACTION)

Voici un résumé en cinq points clés de l’article sur le sujet : la vision d’Amir Reza-Tofighi, président de la CPME, sur les enjeux structurels et économiques des PME françaises.

  • Services à la personne, un modèle à bout de souffle<br>

    Le secteur souffre d’un modèle économique contraint : faible rémunération, conditions de travail éprouvantes, difficultés de recrutement. Pourtant, la demande est forte et l’impact social, majeur. Des réformes structurelles sont nécessaires pour assurer sa pérennité.

  • la franchise comme réponse concrète aux défis entrepreneuriaux<br>

    Amir Reza-Tofighi défend la franchise comme levier d’émancipation entrepreneuriale, notamment dans les services à la personne. Elle offre un cadre structurant, des process éprouvés, tout en laissant l’autonomie du dirigeant.

  • Alerte rouge sur les TPE-PME, il faut agir vite<br>

    Hausse des faillites (+60 %), inflation, instabilité politique : les PME sont en grande difficulté. Le président de la CPME alerte sur l’urgence de réformes de fond et d’un budget 2026 plus équilibré, sans nouvelle charge pour les entreprises.

  • Un modèle social pour un financement plus juste et incitatif

    La CPME plaide pour un financement du modèle social réparti entre tous les citoyens, et non concentré sur le travail. Elle soutient la TVA sociale, la responsabilisation sur les arrêts maladie et des mesures favorisant le travail plutôt que l’assistanat.

  • Concurrence internationale, stopper l’invasion des colis low-cost<br>

    Les plateformes asiatiques échappent aux règles fiscales et sanitaires, inondant le marché de produits non conformes. Tofighi réclame des seuils de taxation plus élevés et des contrôles renforcés pour protéger l’économie française.

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