Que faire lorsque l’on ne trouve pas sa vocation ? Sommes nous obligés d’accepter ce modèle : une vie, un métier ? Devons nous vraiment suivre une voie toute tracée ? Certains ne trouvent jamais leur voie et ne s’imaginent pas exercer un seul et unique métier toute leur vie. Touche-à-tout, curieux et passionnés, ces profils dits « multi-potentiel » évoluent hors du cadre et disposent de nombreux atouts.
« Qu’est-ce que tu veux faire quand tu seras plus grand.e ? » Pas si simple de répondre à cette grande question existentielle, surtout lorsque l’on s’intéresse à de nombreuses activités. « Que choisir ? » C’est le dilemme que se posent les profils multi-potentiel, non sans anxiété. Et si la solution était, finalement, de ne pas choisir ? En effet, ces personnes sont peut-être bien les mieux armées pour faire face à notre monde en perpétuel changement.
Trouver sa vocation, l’injonction absolue
Dès leur plus jeune âge, les enfants se voient interrogés sur leur projet de vie : « Et toi, qu’est-ce que tu veux faire plus tard ? » Si, à l’âge de 5 ans, la réponse importe peu, la question devient bien plus stratégique à l’heure de choisir son orientation. C’est donc dès le collège que nous demandons à nos jeunes de se décider sur le sens qu’ils comptent donner à leur vie, et ce, jusqu’à la fin de leur existence. Une situation très stressante pour ceux qui ne sont intéressés par rien, mais qui l’est tout autant pour ceux qui se passionnent pour tout. Comment choisir entre toutes les activités variées, et souvent complètement opposées, dont regorge le monde ? Comment décider d’un métier, alors que nombre d’entre eux n’existent même pas encore ? Et pourtant, il faut faire un choix et trouver très rapidement ce pour quoi l’on est fait, cette fameuse vocation.
Dans une société qui valorise les spécialistes, au détriment des généralistes, trouver sa vocation devient alors l’injonction absolue, car ce serait le seul moyen de s’épanouir et d’être heureux. Notre système éducatif va dans ce sens et ne laisse que peu de passerelles, de voies annexes, d’itinéraires bis, pour les touches-à-tout qui trouvent leur bonheur dans le fait d’exercer leur grande curiosité. Si à 15 ans, tu décides que tu seras docteur, tu le deviens et tu le restes : une vie, un métier, une vocation. De même, les entreprises aiment constater la cohérence et la rectitude d’un parcours, et abordent parfois avec méfiance un CV qui présente de trop nombreuses « reconversions ».
Multi-potentiels, des atouts pour l’entreprise
On comprend alors le malaise de ceux qui, dotés de multiples capacités, s’intéressent à de nombreux domaines qui n’ont rien à voir les uns avec les autres. Ces profils dits « multi-potentiel » sont de grands curieux, capables de se plonger pleinement dans un projet, une activité, et de s’en désintéresser quand ils estiment avoir fait le tour du sujet. Ce qu’ils aiment c’est découvrir de nouvelles choses, apprendre et créer, mais dès que s’installe la routine, leur passion peut se transformer en ennui. Il est alors temps pour eux, de passer à autre chose. C’est en cela que l’entreprise, et notamment le salariat, représente pour ces profils une case trop étroite. Parce qu’ils n’ont pas de vocation, nombre d’entre eux se sentent anormaux, et s’inquiètent de ne pas réussir à trouver leur voie.
Pourtant, le monde, l’entreprise et le rapport au travail sont en perpétuel changement. Beaucoup de métiers n’existent plus, quand d’autres restent encore à inventer. Face à ces transformations, on s’interroge : le modèle « un métier, un diplôme, une carrière » touche-t-il ses limites ? Et si les profils multi-potentiel étaient les mieux armés face aux transformations du monde ?
En effet, selon Emilie Wapnick, autrice du livre How to be everything, ces curieux de nature disposent de trois grandes forces. Ils sont passés maître dans l’art de synthétiser les idées et de faire des ponts entre des domaines d’apparence opposés. C’est de cette synthèse que naît la créativité et l’innovation. Il sont également en mesure d’apprendre très vite, car quand ils s’intéressent à un sujet ils s’y adonnent avec passion. Ils n’ont donc pas peur d’être des débutants et de sortir de leur zone de confort. C’est même précisément ce qui les motive. Enfin, les multi potentiels sont des personnes très adaptables qui peuvent porter plusieurs casquettes sans difficulté. Ce sont des « couteau-suisse de talent ». Des qualités qui sont de plus en plus valorisées en entreprise et recherchées par les recruteurs, face à un monde qui bouge vite.
Multi-potentialité, entrepreneuriat et reconversion
Les personnes multi-potentiel sont donc amenées à exercer plusieurs métiers au cours de leur vie, à se reconvertir souvent, voire à inventer leur propre métier, synthèse de toutes leurs passions. Souvent, c’est dans l’entrepreneuriat ou grâce au freelancing que ces personnes réussissent à exprimer leur plein potentiel, en exerçant plusieurs métiers à la fois. Attention toutefois, l’indémodable bilan de compétences, outil indissociable de la reconversion professionnelle, trop limité, ne sert pas à grand-chose pour ces profils. Inutile de chercher à détecter une vocation chez ces personnes aux mille et une passions et aux multiples compétences. Le multi-potentiel doit donc s’en remettre à lui seul, se faire confiance et accepter sa multi-potentialité.
Explorateurs dans l’âme, ces profils disposent d’ailleurs d’un atout majeur dans une démarche de reconversion : leur curiosité n’a que peu de limites et ils ne ferment aucune porte. Ils doivent cependant rester convaincus que les entreprises ont besoin de profils comme les leurs, et qu’ils peuvent même créer leur propre activité. Ils ont en effet toutes les qualités pour être de bons entrepreneurs et de vrais leaders.