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Breaking Bad : une dramatique approche entrepreneuriale

Breaking Bad : excellente idée de business, dramatique approche entrepreneuriale

Une excellente idée entrepreneuriale ne suffit pas pour réussir dans les affaires. Les héros de la série Breaking Bad feront l’amère expérience de cette maxime durant 5 saisons (2008-2013), au cours desquelles l’un d’eux, jadis récompensé d’un prix Nobel de chimie, va se découvrir une vraie personnalité, et l’autre, glandeur qualifié, se retrouvera associé à la tête d’une petite entreprise florissante dont il est censé maîtriser le business… tout en multipliant les fautes de gestion.


État des lieux des erreurs à ne pas commettre en créant son entreprise à travers les pérégrinations de deux pieds nickelés face à un marché gigantesque… évidemment réalisé sans jamais faire l’apologie de la consommation de drogues !

Une vie salariée à l’avenir obscurci

Dans l’état du Nouveau-Mexique, aux États-Unis, Walter White (Bryan Cranston) mène une vie de salarié tranquille, mais terne, finalement pas à la hauteur de son potentiel créatif.

Ancien prix Nobel de chimie, il enseigne cette matière devant des élèves désabusés, ne comprenant pas son génie à montrer la puissance de l’alliance entre atomes. Parallèlement, il fait des heures supp’ comme employé d’une station de lavage automobile, étant même contraint, plus pour rendre service à son patron que par son contrat d’embauche, de nettoyer à l’éponge la voiture sportive d’un de ses élèves, richissime et arrogant.

La situation familiale est en effet guère brillante sur le plan financier. Skyler (Anna Gun), son épouse, enceinte, écrit des nouvelles. Walter Junior (RJ Mitte), son fils, est handicapé, souffrant d’une infirmité motrice. Chaque sou est compté dans le foyer, si bien que même le chauffe-eau n’est pas réparé, faute de moyens…

La révélation d’un marché à conquérir

Pour ses 50 ans, fêtés lors d’un anniversaire surprise, Walter White a une révélation : son beau-frère, Hank (Dean Norris), lui annonce une saisie de métamphétamine (dite « Met’ ») d’un montant de 700 000 dollars. Comment peut-on réussir à gagner autant d’argent avec si peu de connaissances en chimie ? Dans le même temps, il apprend qu’il est atteint d’une maladie incurable, un cancer des poumons inopérable. Comment sa famille pourra-t-elle continuer à vivre une fois qu’il aura disparu ?

Hank lui offre l’opportunité d’assister à une saisie de drogue dans un laboratoire. C’est alors qu’il voit, confortablement installé dans la voiture de police tandis que les flics procèdent à l’arrestation des suspects, que l’un des associés de cette affaire frauduleuse, Jesse Pinkman (Aaron Paul), s’enfuit par la fenêtre… de la maison d’à côté, où il batifolait en galante compagnie.

Walter White a alors un déclic. Il se projette immédiatement dans ce marché de dimension internationale : il connaît la chimie, sachant mieux que les pionniers de la profession fabriquer une excellente Met’, et Jesse connaît le business, alors qu’il vient de perdre son associé, une brute locale répondant au doux nom de Krazy-8.

Erreur grave : sans aucune étude de marché sérieuse, ni business plan, il se lance, au fond, par dépit dans sa création d’entreprise du mal (insatisfaction du cadre du salariat, création par – impérative – nécessité, transmission d’un patrimoine en héritage). Même si une de ses motivations demeure positive : améliorer l’offre existante (par la qualité du produit).

2 règles d’or sur 3 négligées 

À l’origine, les deux associés possèdent pourtant une forme de complémentarité : l’un (Walter) sur la production, l’autre (Jesse) sur la vente. Mais ils ne répondent pas aux deux autres règles d’or d’une association réussie. D’une part, les apports mutuels de chacun : le premier veillera à s’engager dans la réussite de l’affaire, assumant ses responsabilités et s’investissant pleinement, tandis que le second prendra à la légère les impondérables du moment. D’où une certaine difficulté pour chacun des associés à sincèrement respecter l’autre pour ce qu’il est profondément et ce qu’il exécute pour l’entreprise. D’autre part, il n’existera aucune transcription par écrit des accords entre associés, d’où un règlement des litiges sur le mode épuisant de l’engueulade. Même si les galères seront bien réparties à 50-50…

Pis, Walther White n’a pas cherché à obtenir le soutien de son épouse à son projet, ou à défaut sa neutralité. Or, Skyler se doute rapidement, compte tenu des horaires tardifs pratiqués par son mari et de sa disponibilité mentale, qu’il est préoccupé par autre chose… qui n’est visiblement pas un(e) amant(e), compte tenu de la vigueur physique dont il fait preuve à son retour du travail.

Innovation dans un métier séculaire

Pour imposer son concept, et en raison d’un investissement initial limité (7 000 dollars), Walter White imagine introduire de la mobilité dans ce métier pratiqué sans pignon sur rue depuis des lustres, par l’achat d’un vieux camping-car, dans lequel il confectionnera sa Mét’. Il apporte aussi des idées innovantes, avec un retour à la nature, un brin tendance Responsabilité Sociétale des Entreprises (en avance), dans les magnifiques déserts de l’Ouest américain.

La tenue de travail, pour ainsi dire le dress code de marque, est sommaire : slip-kangourou en production, et parfois face à la clientèle B to B arrivant à l’improviste, dont les références antérieures et la solvabilité n’ont pas toujours été suffisamment vérifiées. En l’occurrence, il s’agira de deux purs gangsters qui menaceront de payer la marchandise en balles sonnantes et trébuchantes, et tout simplement de mettre l’entreprise à terre dès la première vente.

Cette situation un tantinet désespérée, à l’origine de la scène d’ouverture mythique de Breaking Bad, posera une problématique que tout futur dirigeant doit anticiper : comment décider et agir quand aucun des deux associés n’a les compétences pour un acte fondamental concernant l’affaire ?

Il faudra en effet … « buter » Krazy-8 et faire disparaître le corps, ce que les associés auraient quand même pu se préparer à faire, car ce processus fait partie intégrante de leur profession. Tous deux se sont lancés, à l’évidence, sans songer à se former mutuellement sur leurs propres savoir-faire.

Insouciant avec vigueur, Jesse ne suivra pas les indications de Walter pour acheter les bacs résistants aux produits chimiques utilisés pour dissoudre les corps, ce qui génèrera sans doute l’une des scènes de baignoire les plus inoubliables (et improbables) de toute l’histoire des séries télévisés.

Breaking Bad : un chef d’œuvre

Nous pourrions disserter encore longtemps sur l’amateurisme des protagonistes de Breaking Bad, jusqu’à l’absence totale de respect de la réglementation en vigueur (rappelons, tout de même, que l’usage de stupéfiants est prohibé en France depuis la loi du 31 décembre 1970) qui éveillera (enfin) l’attention de Hank, le beau-frère dont la taille de l’intelligence ne ferait pas d’ombre à une puce, dans une saison 5 en forme d’apothéose. 

Il n’existe pas de « meilleure série au monde ». Dans les séries, il faut toutefois faire la différence entre un produit de consommation courante et les chefs d’œuvre. Et Breaking Bad fait incontestablement partie de la seconde catégorie par son détonant mélange de genres (comédie noire, thriller) créé par Vince Gilligan (auteur d’épisodes parmi les plus décalés sur X-Files) et son interprétation grandiose (Bryan Cranston était le papa du surdoué Malcom), sur un rythme de narration parfois déroutant, mais toujours excitant.

Crédit photo : © 2008-2017 Wes Candela Photography LLC

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