Référencer sa franchise

Pour ou contre la TVA sociale ? Les arguments de deux économistes

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[Face à face] Alors que François Bayrou prépare un budget 2026 ambitieux visant à réduire drastiquement le déficit français, la question de la TVA sociale se réinvite dans le débat. Cette réforme, qui consisterait à faire peser une partie du financement de la protection sociale sur la consommation via une hausse de TVA corrélée à une baisse des cotisations, divise les économistes.

Si certains comme Anthony Morlet-Lavidalie du cabinet Rexecode, estiment qu’elle pourrait alléger le coût du travail, stimuler la compétitivité et participer à la réduction du déficit public, d’autres comme Henri Sterdyniak, co-fondateur des économistes attérrés, redoutent un impact négatif sur le pouvoir d’achat des Français et les inégalités sociales. Voici leurs arguments.

Anthony Morlet-Lavidalie, économiste chez Rexecode

Compte tenu de notre niveau de prélèvements obligatoires, déjà bien plus élevé que chez nos partenaires de l’OCDE, augmenter la pression fiscale en France serait déraisonnable. L’ajustement budgétaire que nous devons faire doit impérativement passer par une baisse de nos dépenses publiques. La France fait face à un déficit public chronique et structurel, qui ne peut plus être justifié par des circonstances exceptionnelles. Lorsque l’on regarde sur une longue période, le déficit n’est pas dû à un affaissement des recettes publiques – qui sont toujours au même niveau qu’au début des années 2000, c’est-à-dire autour de 51 % du PIB – mais à une dérive continue des dépenses, qui ont augmenté de plus de 4 points de PIB depuis le début des années 2000 et qui représentent actuellement 57 % du PIB. Nous devons impérativement revenir à l’équilibre primaire (solde budgétaire hors charges d’intérêts sur la dette). Néanmoins, comme notre pays ne parvient pas à réduire structurellement ses dépenses publiques, s’il fallait identifier une piste d’économies passant par l’impôt, alors l’instauration d’une TVA sociale représente, à mes yeux, l’un des instruments fiscaux les moins nuisibles à notre économie.

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La TVA, qu’elle soit sociale ou non, reste sans doute l’un des moins mauvais impôts, pour une raison fondamentale : elle ne taxe pas directement les facteurs de production que sont le travail et le capital, et préserve ainsi une compétitivité française déjà fragilisée. Contrairement aux cotisations sociales ou à l’impôt sur les sociétés, une hausse de la TVA ne pénalise pas spécifiquement la production nationale. Elle s’applique de manière indifférenciée aux biens produits en France comme à ceux importés, là où d’autres prélèvements feraient peser tout le poids de l’ajustement sur le « Made in France ». Il faut être cohérent : on ne peut pas, d’un côté, appeler à la réindustrialisation, et de l’autre, continuer à surtaxer les facteurs de production français.

La TVA sociale, si elle ne vise pas uniquement à accroître les recettes publiques, pourrait également permettre une baisse des cotisations sociales. Cela redonnerait du revenu disponible aux actifs et/ou allègerait le coût du travail pour les entreprises. Il est essentiel de ne pas faire peser l’essentiel de l’effort sur les travailleurs, d’une part, car ce sont eux qui ont la plus grande propension à consommer et à investir, d’autre part car l’on voit refleurir les germes d’un ras-le-bol fiscal. Il serait légitime de demander une contribution aux retraités, dont l’épargne est abondante, la consommation plus faible, et qui bénéficient en France de transferts publics nettement supérieurs à la moyenne européenne.

Et puis, il faut le dire clairement : la France n’a pas de problème de consommation. Nous figurons parmi les pays où le poids de la consommation dans le PIB est parmi les plus élevés d’Europe. À l’inverse, nous ne produisons pas assez collectivement. Pour stimuler l’offre, il est essentiel de ne pas alourdir davantage la fiscalité pesant sur la production. Si cela implique une légère hausse de la taxation sur la consommation, c’est un moindre mal.

J’entends les critiques sur l’effet supposé injuste d’une telle mesure, mais il convient d’y apporter de la nuance. Toutes les politiques budgétaires n’ont pas, par nature, vocation à être redistributives. À chaque objectif doit correspondre l’instrument approprié. Si les inégalités de revenus, pourtant déjà relativement faibles en France au regard des standards européens, sont perçues comme excessives, elles peuvent être corrigées par des leviers spécifiques. En réalité, une hausse de la TVA, combinée à des transferts ciblés et à une réforme du système de protection sociale peut renforcer la justice économique sans désinciter à produire.

Rappelons enfin qu’il n’existe pas de solution magique : la France doit engager un ajustement budgétaire de grande ampleur, ce qui suppose des choix forts et courageux. Les Français sont prêts à entendre cette vérité, à condition qu’on ne leur demande pas toujours les mêmes sacrifices. La TVA sociale, en ciblant la consommation et en préservant le travail, me semble faire partie des pistes à explorer, à condition qu’elle s’accompagne d’efforts significatifs de réduction de la dépense publique, afin d’endiguer durablement notre dérive budgétaire..

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François Bayrou propose d’engager une réflexion sur le financement de la protection sociale pour faire moins contribuer les actifs (sans dire si ce sont les retraités ou les revenus du capital qui devront contribuer plus), afin de réaliser des gains de compétitivité. A ce titre, la solution dite de « TVA sociale » consisterait à réduire les cotisations patronales et à augmenter la TVA. Cette mesure est réclamée par la plupart des employeurs qui ne voient pas qu’il existe une quasi-équivalence en termes macroéconomiques entre la TVA et les cotisations patronales de sécurité sociale, qui pèsent toutes deux sur le travail et non sur le capital (la TVA étant déductible sur les investissements). En d’autres termes, les cotisations employeurs et la TVA sont toutes les deux répercutées sur le prix que paient les ménages lorsqu’ils achètent des biens.

L’effet redistributif serait aussi défavorable : les entreprises à bas salaires, qui bénéficient aujourd’hui d’exonérations de cotisations, seraient pénalisées, car elles devraient supporter cette hausse de TVA. À l’inverse, les entreprises à hauts salaires profiteraient de la réforme. On assisterait donc à un transfert pénalisant les secteurs les plus fragiles.

Si l’on raisonne en économie ouverte, la TVA sociale doit permettre de faire baisser les prix des entreprises françaises exportatrices, leur conférant donc un gain de compétitivité. Mais à l’opposé, les prix des biens importés subiraient cette hausse de TVA, ce qui se répercuterait sur les prix et donc sur les ménages. Partant de ce constat, deux stratégies sont possibles : 

  • Laisser jouer les mécanismes d’indexation impliquant des revalorisations du SMIC, des salaires et des pensions de retraites : dans ce cas, les gains de compétitivité ne seront que temporaires.
  • Laisser les prix augmenter et assumer un blocage des salaires, des pensions et des prestations, permettant des gains de compétitivité permanents. Cette solution implique de faire baisser le pouvoir d’achat des salariés et des retraités, ce qui induit un risque politique fort. 

L’idée selon laquelle la TVA sociale permettrait aux entreprises de gagner en compétitivité sans réduire les pouvoir d’achat des salariés en faisant payer notre protection sociale par les producteurs étrangers est donc illusoire.


(Vérifié par notre rédaction)

Voici un résumé en cinq points clés de l’article sur le sujet : Pour ou contre la TVA sociale ? Deux économistes argumentent.

Objectif de la TVA sociale :
La TVA sociale vise à réduire les cotisations sociales tout en augmentant la TVA pour alléger le coût du travail et stimuler la compétitivité des entreprises françaises afin de faire participer les consommateurs au financement de la protection sociale.

Avantages de la TVA sociale :
Selon Anthony Morlet-Lavidalie, la réforme permettrait de financer la protection sociale sans alourdir la fiscalité sur le travail et le capital, ce qui éviterait de pénaliser les producteurs nationaux, leur conférant plus de compétitivité tout en participant à la baisse du déficit public.

Risques pour le pouvoir d’achat :
Henri Sterdyniak estime que l’augmentation de la TVA nuirait au pouvoir d’achat en particulier des salariés et des retraités, et que les secteurs à bas salaires seraient davantage pénalisés que ceux à hauts salaires.

Impact sur les inégalités sociales :
La TVA sociale donnerait un avantage compétitif aux entreprises françaises exportatrices, et cette hausse fiscale pèserait davantage sur les prix des produits importés. Dans ce contexte, d’après Henri Sterdyniak, seul un gel des salaires et des pensions de retraites permettrait de réels gains de compétitivité.

Une solution complexe :
Pour Anthony Morlet-Lavidalie, toutes les politiques budgétaires n’ont pas vocation à être redistributives. Les inégalités de revenus peuvent selon lui être corrigées par des leviers spécifiques. La hausse de la TVA doit être combinée à un réforme de système de protection sociale sans désinciter à produire.

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