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[Parole d’expert] Quels sont les risques de requalification d’un contrat de licence de marque en  contrat de franchise?

Photo de couverture : Requalification licence de marque franchise

Dans un arrêt du 3 mars 2022, la Cour d’appel de Grenoble s’est penchée sur deux questions majeures concernant le domaine de la franchise, relatives à : 

1. La requalification du contrat de licence de marque en contrat de franchise, et 

2. La nullité du contrat de franchise pour dol. 


En l’espèce, une société H avait conclu un contrat intitulé « contrat de licence de marque » avec la société concédante RELOOKING CONCEPT, qui indiquait avoir mis au point une méthode globale d’amincissement et autres soins du corps. 

La société licenciée a rapidement fait face à des difficultés économiques. Elle a assigné la société RELOOKING CONCEPT, en requalification du contrat de licence de marque en contrat de franchise afin d’obtenir sa nullité pour absence de savoir-faire substantiel. Elle a également soulevé la nullité du contrat pour dol. 

La société H a été placée en liquidation judiciaire en cours de procédure. 

La requalification du contrat de licence de marque en contrat de franchise

La Cour d’appel, après avoir rappelé que le juge n’est pas tenu par la qualification des parties, a requalifié le contrat de licence de marque en contrat de franchise, en considérant qu’un savoir-faire avait été transmis à la société H. 

Elle a en effet relevé que :

– le document d’information précontractuelle mentionnait explicitement la transmission d’un savoir-faire et la mise à disposition de l’ensemble des documents le détaillant, et 

– le contrat obligeait la société H à respecter la méthode et les éléments intégrés au Book Formation et faisait expressément état de la transmission d’un savoir-faire sur lequel repose le concept. 

Elle a ainsi considéré que l’objet du contrat « dépassait largement la concession de licence de marque ». Elle n’a pourtant tiré aucune conséquence de cette requalification, puisqu’elle n’a pas prononcé sa nullité pour absence de savoir-faire substantiel, mais pour manœuvres dolosives du franchiseur.  

La nullité du contrat de franchise pour dol

En effet, la Cour d’appel a jugé que le franchiseur avait eu la volonté délibérée de tromper la société H, et a prononcé la nullité du contrat de franchise pour dol. 

Pour aboutir à la qualification du dol, elle a jugé que le DIP était gravement incomplet et tronqué. 

Elle a ainsi relevé qu’aucun état local du marché n’avait été réalisé par le franchiseur, qui n’avait pas non plus communiqué sur les liquidations judiciaires des franchisés ayant exploité le concept, ni sur l’évolution et l’expérience de la société RELOOKING CONCEPT, ni renseigné les noms, adresses et mode d’exploitation des sociétés du réseau. Elle a également pris sa décision en considération des résultats de la société franchisée, qui traduisaient un écart considérable avec le prévisionnel qui était mentionné dans le DIP. 

Par ailleurs, elle a retenu que le franchiseur avait eu la volonté délibérée de tromper sa cocontractante, puisqu’elle n’avait révélé aucune information à la société H sur un contentieux qui portait directement sur le concept RELOOKING, et qui est survenu avant la conclusion du contrat.

En effet, le concept RELOOKING reposait en partie sur la dépilation par lumière pulsée qui devait être réalisée par des esthéticiennes, mais la jurisprudence a confirmé que cette pratique était strictement réservée aux médecins, rendant le concept partiellement inexploitable.

Nos conseils

Le juge n’étant pas tenu par la qualification du contrat donnée par les parties, il convient de se conformer concrètement au type de contrat que l’on souhaite voir appliquer, afin qu’il ne puisse pas être opéré à une requalification en cas de litige. 

En tant que franchiseur, il est nécessaire de fournir au franchisé des informations fidèles sur le concept et ceux qui l’exploitent et d’éviter de renseigner un prévisionnel chiffré irréaliste, sous peine de devoir assumer les conséquences d’une éventuelle nullité du contrat pour dol.  

CA Grenoble, 3 mars 2022, n°19/02810

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