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Franchise et RSE (2/5) : Deux concepts répondant à des problématiques environnementales et sociétales

Franchise et RSE (2/5) :
Deux concepts répondant à des problématiques environnementales et sociétales

Sur le marché du jean, le prix de la mode n’est pas lié à la qualité du produit, confectionné au même endroit en Asie, mais au mode de distribution. Thomas Huriez a donc choisi de rassembler tous les savoir-faire liés à ce métier, et de reconstruire une filière solide et durable du jean en France, qui prend soin de la nature et des hommes dans un équilibre de prospérité réciproque, à partir d’une nouvelle marque, « 1083 » (distance en kilomètres entre les deux points les plus éloignés de France).

De son côté, Salomé Géraud, avec son mari et associé Pierre Géraud, est parti d’un constat partagé (on n’agit écologiquement que si on est gagnant économiquement) pour créer un concept s’appuyant sur la simplicité d’usage de la grande distribution, pour amener les clients du Drive tout nu vers une consommation responsable et sans déchet.

Tous deux nous racontent la construction de leur entreprise, développée sous forme de réseau, le sens environnemental et sociétal des composantes du concept et comment des candidats entrepreneurs peuvent songer à s’inscrire dans leur beau projet. 

Changer le marché du jean : une alternative à la mode traditionnelle

À l’origine informaticien, Thomas Huriez, aujourd’hui président de « 1083 », commence par ouvrir une boutique de vêtements équitables en 2007, dans une maison de famille. Il s’installe en face d’un centre de magasins d’usine, à Romans-sur-Isère, afin de montrer qu’il existe une alternative à la mode traditionnelle.

« L’offre ethnique proposée dans mon magasin ne trouvait pas son marché. Mes marques étaient engagées, car durables, elles donnaient envie, mais n’étaient pas populaires en matière de style.

Je me suis donc intéressé à un produit porté par tous, très mondialisé et concurrentiel : le jean, fabriqué au même endroit en Asie et de la même manière… et qui pourtant était vendu entre 20 et 150 euros en France. Ce prix de la mode n’était donc pas lié à la qualité du produit, mais au mode de distribution.

Je me suis ainsi positionné sur le marché du jean de marque à travers un circuit court et une fabrication en local, offrant un meilleur respect de l’environnement, pour créer un produit quatre fois moins cher pour le consommateur.

Nous avons ainsi rassemblé tous les savoir-faire liés au métier (tisseur, confectionneur et délaveur de jeans), pour créer la marque « 1083 », soit la distance en kilomètres entre les deux points les plus éloignés de France, Menton et Porspoder. Le tissage est principalement effectué à Rupt-sur-Moselle dans les Vosges et à Charlieu dans la Loire. La confection du jean est réalisée dans huit ateliers français dont deux propres à « 1083 » à Rupt-sur-Moselle et Romans-sur-Isère, où est également basé le délavage laser et le stock logistique.

Nous avons ainsi créé 105 emplois dans l’entreprise, et plus de 150 emplois indirects chez tous nos ateliers partenaires français. Nous disposons aujourd’hui d’un réseau de cinq points de vente, à Lyon, Grenoble, Nantes, Paris et Romans-sur-Isère, et de 130 distributeurs en France. Nous cultivons également l’équilibre des ventes, réparti pour moitié entre les commerces physique et virtuel. Avec un prix constant, quel que soit le support de vente, sans jamais proposer de soldes, car notre produit n’est pas saisonnier », explique Thomas Huriez, président et fondateur de « 1083 ».

Des consommateurs qui deviennent clients, voire employés ou distributeurs

La cohérence reste la clé de la politique commerciale de « 1083 », entreprise née pour reconstruire la filière du jean en France.

« Dès le début de notre aventure, tous les jeans « 1083 » ont été fabriqués en coton biologique, provenant de Tanzanie où il ne pollue pas le cycle de l’eau et bénéficie d’une irrigation raisonnée, et certifié GOTS, le label le plus exigeant pour notre domaine.

Toutes les étapes de production possibles, sont exécutées en France, en veillant à l’environnement, comme par exemple en utilisant de l’énergie décarbonée. Seuls certains fils et certaines teintures sont réalisés au plus proche, en Italie, lorsque le savoir-faire n’existe pas dans notre pays, et en attendant de le relocaliser. Ce modèle a permis de diviser par dix le kilométrage parcouru par un jean avant sa vente, qui peut monter jusqu’à 65 000 kilomètres pour le circuit classique.

À travers cet écosystème complet, développer nos propres ateliers de tissage, coupe, confection et délavage nous permet d’être les “confrères de nos sous-traitants” et non seulement leur client. Être proche de tous les savoir-faire, tout en partageant le travail, est le meilleur moyen de recréer une filière solide et durable. C’est ce que nous appelons la perma-industrie.

Si notre offre était encore marginale et peu attractive il y a dix ans, tout le monde est aujourd’hui conscient qu’il faut changer notre façon de vivre et de consommer si l’on désire que la Planète soit toujours vivable dans 50 ans.

Les valeurs de « 1083 » nous permettent d’attirer des consommateurs pour qu’ils deviennent clients, voire employés ou distributeurs. À partir de cette vision commune, nous pouvons créer plus de synergie, unir nos forces autour de notre démarche de Responsabilité Sociétale des Entreprises.

Cela donne à chacun de nous beaucoup d’énergie pour se lever le matin et mener avec conviction cette petite révolution. D’autant plus qu’une vie professionnelle reste riche et longue, à partir du moment où l’on adhère à un intérêt général aussi fédérateur », sourit Thomas Huriez

Faire renaître la filière du jean grâce à la puissance commerciale collective de la franchise ?

Dans ce réseau aujourd’hui uniquement succursaliste, la réflexion pour passer en franchise est avancée.

« Nous sommes ainsi convaincus que si nous nous lançons en franchise, les candidats à l’intégration dans notre réseau partageront nos valeurs et auront ainsi un concept donnant un sens à leur vie professionnelle, ce qui donnera encore plus de sens et de force à notre ambition collective de redévelopper la filière du jeans en France.

Notre intérêt, en franchise, serait de pouvoir fédérer des chefs d’entreprise commerçants, avec une répartition géographique complémentaire à la nôtre, pour véritablement faire renaître notre filière grâce à une puissance commerciale collective, au plus près des Français.

Nos cinq magasins détenus en propre, existants depuis quatre à quinze ans, sont tous rentables, même s’ils demeurent encore perfectibles au niveau de l’organisation.

Pour décider si nous franchirons le pas vers le système de franchise au premier semestre 2023, nous devons déjà monter en compétences sur l’accompagnement de ces futurs commerçants à travers une transmission de notre savoir-faire formalisée, et trouver le modèle économique qui nous permettra d’équilibrer cette activité de franchiseur », précise Thomas Huriez.

100% des bénéfices de l’entreprise réinvestis dans le projet « 1083 » et ses équipes

La « petite révolution » est tout autant environnementale, que sociétale, avec une attention particulière pour les ressources humaines.

« Nous portons un projet collectif, où chacun est rémunéré équitablement, du commerçant à l’ouvrier, qui ne peut s’avérer durable que si tout le monde, franchiseur et franchisés, trouvent leur compte dans ce fonctionnement.

Il faut savoir que 100 % des bénéfices de l’entreprise sont réinvestis dans notre projet et dans nos équipes. Statutairement, la mission qui nous réunit tous est de “créer ensemble la perma-industrie du jean”, c’est-à-dire une filière qui prend soin des hommes et de la nature, dans un équilibre de prospérité réciproque. Par exemple, les écarts de salaire sont limités de un à cinq. Chaque partie prenante, et notamment les employés, doit être considérée, récompensée financièrement, dans le cadre d’une logique équitable. Tous les modèles inéquitables finissent par s’effondrer.

Dans le cadre de notre projet Moncoton, nous collectons les vieux jeans de nos clients et réutilisons ce coton recyclé pour lancer en 2023 le premier jean “zéro déchet”, à partir du fil récupéré en volume industriel et que nous tisserons cet hiver pour proposer les premiers jeans Moncoton dans quelques mois.

Nous avons aussi créé une nouvelle gamme, baptisée Infini, le premier jean 100%, recyclé et recyclable. Il est consigné, pour être recyclé en jean neuf. À notre connaissance, il n’existe pas d’équivalent en matière d’expérimentation de la consigne dans la mode. Nous avons étendu cette économie circulaire, au maillot de bain, à la veste et au blouson respectivement avec les marques Le Slip Français, Belleville et Hopaal.

Nous voulons reconstruire une filière forte, promouvoir le made in France, et continuer de s’entourer de nombreuses marques de mode françaises pour faire grandir notre filière. Nous ne cherchons pas à vendre plus de jeans à un maximum de gens, mais vendre à un maximum de gens un minimum de jeans, afin que nos clients soient les plus nombreux possible à consommer moins, c’est-à-dire à choisir des produits locaux de qualité. », conclut Thomas Huriez.

Consommateurs : agir écologiquement lorsque l’on est économiquement gagnant

Le Drive tout nu, qui se définit comme le premier supermarché Drive, zéro déchet et 100 % responsable, trouve l’origine de son concept dans l’histoire même des fondateurs.

« Mon mari et associé, petit-fils de réfugiés espagnols, ouvriers agricoles, a été très tôt sensibilisé à la réutilisation des ressources, à donner une seconde vie aux déchets, avec un état d’esprit économique plus qu’écologique. Aujourd’hui, les poubelles d’un ménage français, environ 590 kilos par an, contiennent pour moitié des déchets d’emballage.

Or, malgré les ravages liés à la pollution, on n’agit que si l’on est économiquement gagnant. De plus, l’offre de produits, sains et locaux avec zéro déchet, est principalement concentrée dans les centres-villes.

En 2017, nous avons donc imaginé, avec Le Drive tout nu, un système qui s’appuie sur la simplicité d’usage, à l’instar de la grande distribution, en amenant les clients vers une consommation responsable et sans déchet.

Les courses sont réalisées sur Internet, tandis que la commande est remise dans un drive. Les fruits, légumes et viandes sont vendus dans des contenus réutilisables, tels que les bocaux en verre et les sacs en toile, que les consommateurs peuvent ramener, contre un montant en bons d’achat.

Nos références sont sélectionnées parmi les producteurs et fournisseurs qui acceptent le zéro déchet, et dont la qualité du produit, avant tout gustative et nutritionnelle, est biologique ou assimilée comme tel. Dans notre équipe, un ingénieur vérifie le soin apporté aux cultures et au bien-être animal dans l’élevage.

60 % de nos gammes proviennent des alentours du supermarché, à moins de 100 kilomètres. Il n’existe pas de camion de livraison de nos supermarchés Le Drive Tout Nu, ni de centrale d’achats, mais de référencement. Notre organisation logistique évite qu’une salade cultivée dans l’Ariège remonte par Paris pour être livrée à Toulouse…

Aujourd’hui, le réseau compte sept points de vente, dont trois en franchise. Le porteur de projet qui nous rejoint doit recréer son tissu d’approvisionnement local autour, en complément de celui national, à un tarif négocié. Il n’a nul besoin des compétences d’un ingénieur agronome, mais doit être en cohérence avec nos valeurs, avec une appétence pour l’environnement, et posséder un profil commerçant. Il participera à la co-construction du réseau, dans un rapport plus partenarial que vertical. », précise Salomé Géraud, cofondatrice du Drive tout nu avec son mari et associé, Pierre Géraud.

L’agrément « Entreprise solidaire d’utilité sociale » : rémunérations encadrées et gouvernance participative avec les parties prenantes

Au sein du Drive tout nu, tout est organisé pour lever les freins à la Responsabilité Sociétale des Entreprises.

« Tout nouveau franchisé du Drive tout nu doit demander, comme pour nos magasins détenus en propre, l’agrément Entreprise solidaire d’utilité sociale (ESUS), qui impose, entre autres un encadrement des écarts de rémunération et plus globalement, de la redistribution des richesses, de même que la recherche d’une gouvernance participative avec toutes les parties prenantes (salariés, clients, fournisseurs), ou encore la mise en place de bonnes pratiques, comme au niveau du sourcing des produits.

Ainsi, toute décision au sein de son entreprise est prise sous le prisme de l’impact écologique et social, sans prendre en compte uniquement les aspects financiers. Le travail est alors dédié à la recherche de solutions pour un futur plus souhaitable. Avec une optimisation des ressources.

Alors que certaines fonderies sont aujourd’hui à l’arrêt, nous avons par exemple du matériel adapté, consommant le moins d’énergie possible, pour laver nos bocaux. Notre matériel informatique est d’occasion.

Les bâtiments sont réutilisés, et non construits, et des aménagements sont réalisés avec des matériaux de récupération, comme pour les étagères.

Dans la lignée de notre concept alimentaire, nous travaillons aussi sur le gaspillage, important dans la grande distribution, de l’ordre de 6 à 10 % selon la gamme de produits. Ainsi les légumes “fatigués” sont décotés ou mis en promotion, et n’occasionnent que 0,6 % de perte. Nous proposons aussi une rubrique anti-gaspillage, recherchée par notre clientèle, avec des idées pour faire de la compote avec des bananes ultra-mûres ou conserver en bocaux les biscuits cassés, également non présentables mais consommables.

En tant que dirigeants, nous devons nous montrer plus sobres et être à l’écoute de cette tendance de fonds de consommer plus responsable dans tous les secteurs, face à une nouvelle génération de clients plus éduquée à ces sujets. Le label ESUS peut justement aider à encadrer ce mouvement pour les chefs d’entreprise », conclut Salomé Géraud.

À lire aussi sur What The Franchise : << Franchise et RSE : Deux outils facilitants, créés spécifiquement pour les réseaux (1/5)

>> Franchise et RSE (3/5) : Comment lever les freins au sein d’une enseigne

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