Esprit réseau, coaching mental, autorité naturelle, adaptation à la personnalité du franchisé dans l’animation, situation de persuasion ou de gestion des conflits… François Peltier, consultant chez TGS France, nous donne des clés sur tous ces sujets. Souvent, en faisant simplement appel à l’étymologie des mots.
Pourquoi la relation entre un franchiseur et ses franchisés s’avère-t-elle aussi fondamentale que la qualité du concept ou des services de l’enseigne pour la réussite d’un réseau ?
F. Peltier : Le terme « réseau » possède la même origine étymologique que « résille ». Le tissu, le maillage étroit de relations au sein d’une franchise contribue à la réputation de l’enseigne.
Dans son traité de stratégie militaire, L’art de la guerre, Sun Tzu décrit un général à l’image de ce que doit être un franchiseur : une personne rigoureuse mais souple, qui sait s’adapter aux circonstances, justement pour créer ce maillage étroit, c’est-à-dire une communauté d’intérêts.
Pour développer et entretenir la relation avec le franchiseur, il ne faut d’ailleurs pas recruter des franchisés « stéréotypés », mais avec des qualités différentes. Sinon, en rythme de croisière, tout ira bien, mais au moindre changement ou imprévu majeur, la situation virera à la catastrophe.
La qualité du franchiseur a autant d’importance que la qualité de ses franchisés : l’une n’est pas supérieure à l’autre pour favoriser la réussite d’un réseau.
Quels sont les ressorts majeurs de « l’esprit réseau » ?
F. Peltier : Certains franchiseurs reprochent à leurs franchisés de ne pas avoir « l’esprit d’entreprise ». Or, à chacun son entreprise, et il est naturel de préserver son bien.
À ne pas confondre avec « l’esprit réseau », qu’il faut cultiver dans ce que Montaigne appelait « la convenance des volontés », qui consiste à renforcer la conscience de la responsabilité mutuelle et donc à générer de la solidarité, de l’homogénéité et de la confiance au sein d’une enseigne.
Franchiseur et franchisés ont naturellement des intérêts synergiques – le réseau – et des intérêts « momentanément antagonistes » – leur propre entreprise -. Il faut donc trouver un juste milieu entre performance individuelle et performance collective. C’est un challenge d’autant plus majeur que, côté franchiseur comme côté franchisés, chacun doit être bon à son poste.
En quoi le métier de « coach mental », que vous avez exercé auprès de sportifs de haut niveau (notamment auprès du XV de France, entre 2008 et 2011), est le même qu’avec des chefs d’entreprise ?
F. Peltier : L’addition de très bons joueurs ne fait pas forcément une bonne équipe, de même qu’avoir l’obsession de la performance ne rend pas obligatoirement performant.
Il faut examiner le rapport de chacun à la performance, le sens des sacrifices énormes, la valeur de la répétition des efforts – pour respecter la norme du concept -, qu’ils soient produits par un sportif ou un chef d’entreprise. Et qu’on ne remarque pas toujours, vu de l’extérieur.
Au même titre qu’un entraîneur, le but de l’animateur réseau de franchise est de rendre meilleurs les autres. Il doit être considéré comme un coéquipier, pas comme un adversaire, et donc ne pas étouffer les franchisés, les priver de leur talent.
Comment s’instaure « l’autorité naturelle » pour un franchiseur, en particulier dans le cadre de l’animation ?
F. Peltier : « Autorité » possède la même racine étymologique qu’« augmenter ». Elle ne consiste pas à exercer un pouvoir, mais à faire progresser l’autre, le faire grandir. Elle nécessite de savoir s’adapter à la personnalité de l’autre, et donc, pour une tête de réseau, de connaître les capteurs de réceptivité d’un franchisé.
Dans l’une de mes formations à la Fédération Française de la Franchise, « Animer et gérer les franchisés dans ses situations difficiles », je mets à disposition un outil développé par TGS France, Alter ego, qui permet d’activer l’intuition souvent fulgurante mais fugace que l’on a des personnes rencontrées. Et d’ainsi déterminer ses besoins : explications, exemples, pratique, confiance, autonomie…
En fonction du résultat, on identifie le registre d’animation qui correspond à ce profil. On peut ainsi rénover l’interprétation que l’on a d’une personne et renouveler l’étonnement dans la relation avec elle.
Quels types de personnalités de franchisés sont ainsi identifiés ?
F. Peltier : Un franchisé peut être identifié comme « rebelle », c’est-à-dire qu’il a besoin de s’opposer pour exister, ce qui n’est pas forcément un signe d’insatisfaction de l’enseigne. Il a souvent intégré un réseau de franchise par sécurité et aurait été plus heureux à créer selon sa propre idée de business. Cependant, un rebelle reste un créatif : devenir multi-sites ou multi-enseignes le stimule et amoindrit sa tendance à la rébellion.
Il peut être aussi un « révolté » : ses frustrations sont dues à sa nature et sont nées d’un historique de relation. On reprend alors cet historique pour déconstruire sa révolte.
Ces deux types de franchisé ne se gèrent pas de la même façon.
D’autres types de personnalité ?
F. Peltier : Un franchisé peut être « contracté » : même couvert d’or, il pense que sa boîte va couler ! Cette recherche permanente de l’intérêt individuel, à travers une certaine volonté de perfectionnisme, peut devenir conflictuelle avec le franchiseur. Or, si on développe le collectif au sein du réseau, on peut diminuer son stress.
Il existe aussi un profil particulier : « l’indispensable ». Il se met en évidence à chaque réunion collective par besoin absolu de reconnaissance. Alors qu’il brasse du vent ! Une telle personne, pourtant très positive et toujours force de propositions, met ses collègues dans l’inconfort. Mieux vaut lui proposer de devenir un leader positif, en devenant un relais du franchiseur.
Quelles sont les principales stratégies d’expression en situation de persuasion ou de gestion des conflits pour un franchiseur ?
F. Peltier : Pour persuader toute personne, il faut intégrer les trois composantes de la devise de Cicéron : « plaire, émouvoir, convaincre ».
Plaire s’opère par la compétence, l’expérience et la justice, laquelle ne doit jamais être qu’apparente. Comme dit en introduction, tout franchiseur doit s’adapter au contexte et ne pas exercer tous ses pouvoirs face aux franchisés, seulement ceux qui sont nécessaires pour résoudre la situation.
Ensuite, il faut émouvoir, verbe dont l’étymologie est la même que pour « motiver », c’est-à-dire savoir mettre en mouvement, transmettre la passion. Tout sacrifice pour réussir doit être suivi d’une récompense pour en valoir la peine.
Enfin, convaincre, c’est-à-dire vaincre les réticences, en apportant des preuves : n’est argument que ce qui peut modifier le jugement de mon interlocuteur.
Comment justement adapter son argumentation en fonction de la situation ?
F. Peltier : D’abord, on identifie les arguments, puis on les met dans un certain ordre, du plus faible au plus fort ; c’est au fond ce que l’on appelle l’argumentation, l’ordre que je mets dans mes arguments. Exemple, pour faire changer de contrat de franchise son réseau.
Si le deuxième argument sur les cinq convainc, mieux vaut garder les trois derniers en cas de réexpression des inquiétudes des franchisés.
Quels sont les apports majeurs de votre formation « Animer et gérer les franchisés dans ses situations difficiles » ?
F. Peltier : Tout participant, franchiseur ou animateur, pourra utiliser l’outil Alter ego, libre de droits, à sa guise. Durant deux jours, nous étudions beaucoup de cas réels, apportés par les stagiaires et résolus par l’ensemble du groupe, selon une méthode en six étapes. Comprendre les contraintes de l’autre, c’est en partie les résoudre
Cette formation n’est ainsi pas trop théorique, ce qui fait que chacun repart avec des clés de management ou de pilotage de réseau.