« La vague de l’entrepreneuriat est profonde et durable »

Guillaume Pépy président d'Initiative France.

Malgré les difficultés économiques notamment liées à l’inflation, l’envie d’entreprendre reste intacte et la création d’entreprise en France imprime une hausse de 3,6% au troisième trimestre 2023, par rapport à la même période en 2022.


Un engouement que constatent au quotidien les associations du réseau Initiative France, 1er soutien aux créateurs et repreneurs d’entreprise. En 2023, le réseau a déjà financé et accompagné près de 12 000 nouvelles entreprises, qui ont elles-mêmes créé et maintenu plus de 30 000 emplois. L’envie d’entreprendre se traduit par une forte hausse des reprises d’entreprise et par une nouvelle dynamique entrepreneuriale chez les jeunes, dans les quartiers prioritaires et les zones de revitalisation rurales. Guillaume Pépy, président du réseau Initiative France, fait le point sur la dynamique et les tendances de la création d’entreprise dans les territoires. Interview.

L’envie d’entreprendre reste intacte malgré un contexte économique morose, comment l’expliquez-vous ?

Guillaume Pépy : Ce qui est intéressant, c’est de comprendre pourquoi cette envie d’entreprendre reste aussi puissante. Parce que c’est vrai qu’entre l’inflation qui malmène les business plans, les taux d’intérêt et les coûts de l’énergie, il y aurait des raisons de procrastiner, de repousser, d’attendre. Ce n’est pourtant pas ce qui se produit. L’indépendance, le challenge et le sens sont les trois motivations fortes et structurelles qui expliquent la montée continue de la création d’entreprises en France.

Ce qui est même curieux, c’est que quand on interroge nos créateurs au sujet de l’inflation, ils nous disent  : « Oui, je sais, mais ça me motive encore plus. » C’est comme si les difficultés, au lieu de les décourager, renforçaient leur énergie pour avancer. Ce qui veut dire que la vague de l’entrepreneuriat en France, on parle ici de la totalité des commerces et des services, est profonde et durable.

Quelles dynamiques entrepreneuriales constatez-vous aujourd’hui ? 

Guillaume Pépy : D’abord, c’est l’entrepreneuriat des femmes. En France, le compteur de la part d’entrepreneuses reste aujourd’hui bloqué à 30%, dans le million d’entreprises qui se créent chaque année. Dans le réseau Initiative France, on fait beaucoup mieux, puisqu’on compte 43% de projets portés par des femmes. Mais, il faut encore lever les freins qui sont toujours les mêmes : l’auto-censure, le manque de confiance, la peur de ne pas y arriver. On propose un programme qui s’appelle « Vie ma vie d’entrepreneuse » qui permet à des femmes de passer du temps avec des dirigeantes qui ont sauté le pas. Cela permet de provoquer un déclic de confiance. 

Une deuxième tendance que l’on constate est l’entrepreneuriat des jeunes de moins de 30 ans. Souvent, on leur dit « Tu as moins de 30 ans, attends un peu, tu n’es pas légitime pour créer ton entreprise. » Nous, on propose un programme d’accompagnement renforcé dédié à ces jeunes qui se nomme « InCub ». On les aide à formaliser leurs idées, à monter leur business plan et à prendre leur envol. Ce programme a déjà permis à plus de 4 000 jeunes de moins de 30 ans de se lancer

L’envie d’entreprendre se traduit également par une forte hausse des reprises d’entreprise, quel est votre regard sur cette tendance ?

Guillaume Pépy : Alors, ça, c’est vraiment nouveau ! L’année dernière, en 2022, on a constaté une hausse de 22 % des reprises d’entreprises. C’est énorme ! Et je n’ai aucun doute sur le fait que cela va se poursuivre en 2023. Quand on essaie de comprendre, il y a deux motivations à prendre en compte. Tout d’abord, la reprise est le choix privilégié de créateurs qui ont déjà quelques compétences en matière de management et qui ne veulent pas partir d’une feuille blanche. Ils préfèrent reprendre une clientèle, une installation et une activité qui existe, quitte à la réorienter. La deuxième motivation est que la reprise d’entreprise permet de démarrer plus fort, avec quatre ou cinq employés, et déjà impact sur la vie économique et sociale de leur territoire. Or, dans une période d’incertitude, le fait de démarrer « lancé », c’est plus rassurant. 

Je crois donc que la reprise d’activité a de l’avenir. D’autant plus qu’il y a toute une génération de chefs d’entreprise qui, dans les années 2020 vont cesser leur activité et prendre leur retraite. Il y a donc pas mal de reprises d’entreprises à faire et beaucoup de belles opportunités. Mais attention, très souvent, le projet de reprise s’accompagne d’une réorientation de l’activité. Il faut reprendre les fondamentaux, le personnel et son expérience pour faire du neuf.

Qu’en est-il de l’entrepreneuriat en franchise ?

Guillaume Pépy : La franchise est une façon d’entreprendre qui a toujours autant de succès. Notre réseau compte 208 associations partout en France et finance et accompagne de nombreux candidats à la franchise. Pourquoi on accompagne autant de franchisés ? C’est parce qu’ils ont souvent des besoins en financement de démarrage qui sont très conséquents : plusieurs centaines de milliers d’euros. Notre mode de financement est un prêt d’honneur octroyé à une personne et non pas une entreprise. Cela signifie qu’il ne pèse pas sur le bilan de l’entreprise dès le premier jour. Il agit plutôt comme un apport personnel. C’est très précieux pour des candidats à la franchise qui n’ont pas suffisamment d’apport personnel. 

Ce prêt d’honneur est à taux zéro, ce qui aujourd’hui a une immense valeur, et peut aller jusqu’à 50 000 € par créateur pour des projets innovants. Il faut rappeler que la plupart des réseaux bancaires, lorsque Initiative France a consenti un prêt d’honneur, considèrent qu’il n’est pas nécessaire de refaire le parcours avec un conseiller clientèle et ils sont disposés à lier le prêt bancaire au prêt d’honneur. 

Comment l’expliquez-vous ?

Guillaume Pépy : Notre ancrage territorial est la meilleure garantie des réseaux bancaires. En effet, c’est un comité local qui va déclencher le prêt d’honneur. Celui-ci est composé de chefs d’entreprise qui connaissent l’économie locale, les habitudes de consommation, les difficultés et les opportunités des entrepreneurs de cette zone. Ils vont donc avoir un avis très compétent sur la question. C’est cela qui séduit les réseaux bancaires. Parce que, quel que soit le réseau de franchise, ce qui est important c’est sur quel territoire le franchisé va s’implanter.

L’action d’Initiative France est finalement un levier de revitalisation des territoires ? 

Guillaume Pépy : C’est exactement ça. On est vraiment un outil de dynamisme des territoires grâce au commerce, au service, et à la création d’entreprises parfois remarquables.

Et je rappelle une chose très importante, c’est que nous sommes un réseau associatif d’intérêt général, donc chez nous, tout est gratuit. C’est-à-dire que par rapport aux réseaux consulaires où beaucoup de prestations sont tarifées, la totalité de ce que nous proposons (solidifier le dossier, prêt à taux zéro, accompagnement, mise en réseau) est gratuite. C’est rare et très intéressant pour des personnes qui se lancent.

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