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[Tribune] La place de la franchise en 2030

Photo de couverture : La franchise en 2030

Le physicien Niels Bohr avait ce mot amusant sur les tentatives de prospective : « L’art de la prédiction est une chose difficile, surtout lorsqu’elle concerne le futur… » À n’en pas douter, c’est une science délicate de déterminer ce que sera l’avenir ; pour ce qui nous concerne : l’avenir du marché de la franchise. Car en effet, quelle était la crédibilité des prédictions avant la crise des subprimes en 2008 ? La crise sanitaire en 2020 ? Le rebond épidémique en 2021 ? Cela étant, et sans tomber dans le piège de l’affirmation, il nous est possible d’identifier des mouvements de fond, de relever des éléments structurels permettant d’esquisser au-delà des aléas conjoncturels ce que pourrait être le marché de la franchise en France, au tournant de la prochaine décennie, en 2030.

La croissance dans la continuité

La première tendance de fond observée est aussi la plus évidente : depuis le début des années 1990, la franchise est en croissance. En 2021, la Fédération Française de la Franchise recensait 1 965 réseaux contre 553 en 1995, soit une multiplication par 3,5 en 26 ans. Sur la même période, le nombre de franchisés a été multiplié par 2,5 (79 134 contre 30 630) ; tandis que le chiffre d’affaires du secteur a été multiplié par 2 (56 milliards d’euros en 2021 contre 28 milliards d’euros en 1995). Le temps est l’allié de la franchise. De plus en plus d’entrepreneurs choisissent en toute confiance ce mode de développement. « C’est naturel, explique Pierre Grandgerard, fondateur de Miss Cookies, car il y a un intérêt économique évident. La franchise permet au franchiseur de monter un réseau rapidement grâce à la provenance de capitaux extérieurs (ceux des franchisés). Pour le franchisé, c’est la possibilité de devenir en peu de temps son propre patron en bénéficiant d’un concept et d’un savoir- faire déjà éprouvés et – si les choses sont bien faites – formalisées par le franchiseur. Tout le monde s’y retrouve ! » Le modèle basé sur le principe du gagnant-gagnant fonctionne réellement. Et à en croire les rares études publiées sur le sujet (essentiellement américaines et australiennes, aucune française), il existe peu de facteurs qui justifieraient un ralentissement de cette dynamique.

À l’épreuve de la crise, un succès qui a ses raisons…

Et pour cause. La franchise a beaucoup rassuré au moment de la pandémie. Comme le rapporte le journaliste François Lecocq, dans le hors-série de l’Express (mars 2022) consacré à la franchise : « Si la crise sanitaire ne les a pas épargnés, les réseaux de franchise ont fait preuve d’une capacité à se relancer supérieure à celle du commerce succursaliste. » Quelques mois plus tôt, dans l’Express également, la déléguée générale de la Fédération Française de la Franchise Véronique Discours-Buhot déclarait : « Le modèle de la franchise a démontré sa capacité de résilience. Nos réseaux ont particulièrement bien résisté pendant cette période anxiogène et incertaine. Par rapport au modèle des succursales, la franchise n’a affiché qu’un très léger recul de son chiffre d’affaires (-5,8% contre presque 10%), en raison notamment de la fermeture des restaurants et des commerces dit non-essentiels durant les mois de confinement. » La résilience du modèle a été un marqueur fort, dans une période (en particulier 2020) où l’activité économique a chuté de 8,3% en France ! Mais ce n’est pas le seul indicateur de succès. Si les réseaux de franchise ont eu des reins plus solides, c’est aussi parce que les entreprises sont tout simplement des reproductions de… succès ! Les franchisés dupliquent les méthodes, emploient les outils et les bonnes pratiques qui ont fait la réussite d’un entrepreneur, ce dernier veillant de son côté au renouvellement de ses produits ou services, au respect des valeurs, au bon respect de son concept et à son optimisation. En ce sens, la franchise a été logiquement mieux armée, et le sera pour résister aux hasards des crises à venir.

… mais que la raison ignore

Cependant, au regard des chiffres de création d’entreprise (près d’un million d’entreprises créées en 2021, selon l’Insee), seules 38 franchises ont été créées la même année ! Les chiffres de la franchise sont epsilonesques en comparaison aux différents modes d’entrepreneuriat. « Pourtant, s’étonne Michel Bourel, dirigeant-fondateur de Cavavin, la phase Covid a fait prendre conscience à beaucoup de monde que les réseaux étaient plus structurés et que la mutualisation des efforts favorisait la résistance des entreprises. » « La franchise a fait ses preuves, abonde Lionel Boyaval, dirigeant-fondateur de Doc’Biker. Il y a moins d’entreprises en difficulté. Je ne sais pas pourquoi on n’en parle pas plus. » C’est peut-être là que se situe finalement le nœud du problème : parce que l’on n’en parle pas plus. Et c’est là un paramètre essentiel qui pourrait changer beaucoup de choses pour l’avenir de la franchise, d’ici quelques années. À l’heure actuelle, le succès de la franchise s’apparente, en effet, à un grand « bouche- à-oreille ». Les raisons et les forces esquissées de ce mode de développement sont connues et louées par les initiés. Mais celles-ci demeurent trop vaguement connues des classes dirigeantes, des médias et du grand public. La franchise est un terme principalement employé dans les médias pour caractériser une nouvelle forme de production cinématographique et un mode de développement pour les entreprises de restauration ; pour résumer : les films Marvel et les restaurants McDonald’s.

La notoriété : l’enjeu d’une inconnue

C’est au fond tout l’enjeu et la grande inconnue pour l’avenir de la franchise en France : sa notoriété. Car si la franchise, grâce aux succès engrangés par certaines entreprises et certains dirigeants partis de rien (la liste serait très longue à écrire…), parvenait à mieux se faire connaître, à montrer les expertises qui tous les jours se déploient, et si elle parvenait, de fait, à valoriser son image auprès d’un public bien plus large qu’aujourd’hui, alors son potentiel serait considérable. La franchise pourrait tout simplement devenir une référence en matière de création d’entreprise. Et l’avenir, bien au-delà de 2030, lui appartiendrait.

Sources : L’Express hors-série (mars 2022), Le Figaro (29 janvier 2021), Fédération Française de la Franchise (mars 2022).

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