Si étymologiquement le travail est lié à la notion de contrainte, sa quête de sens agite le monde professionnel.
La notion de travail est vaste, intrinsèquement liée à une action, mais aussi au principe de production et de rémunération. Pourtant, comme le souligne Philippe Silberzahn, professeur de stratégie à EM LYON Business School : « On sait que travailler ce n’est pas seulement gagner sa vie. On en retire plus que cela. » Alors que nous apporte le travail, quel sens peut-on lui trouver ? Dans un récent ouvrage *, un collectif universitaire décortique ce concept en le décomposant en trois dimensions : l’importance, la cohérence et le but.
La fable de la cathédrale
Connaissez-vous l’allégorie des trois tailleurs de pierre qui construisent une cathédrale ? On les interroge sur ce qu’ils sont en train de faire : le premier, sombre et épuisé, répond qu’il taille une pierre ; le second, moins résigné, qu’il construit un mur. Le troisième, plein d’enthousiasme, explique qu’il bâtit une cathédrale. Morale de l’histoire : celui qui a conscience de la grandeur de son action s’épanouit dans son travail, nourrissant un objectif plus grand que lui pour instiller du sens à sa tâche.
Philippe Silberzahn alerte sur les limites de cette vision. « Il est vrai que pour certains, ce qui importe c’est le grand objectif, la cathédrale avec toute la dimension religieuse et métaphysique qu’elle revêt ainsi que la notion de sacrifice qu’elle implique. Pour autant, le sens peut aussi être insufflé – notamment en art ou dans l’artisanat – par la minutie du geste, le fait de le répéter, de l’améliorer jour après jour. De plus, l’allégorie de la cathédrale pose une autre question : devrait-on tirer moins de satisfaction en construisant une boulangerie qu’une cathédrale, par exemple ? »
En induisant une hiérarchie de valeurs, la cathédrale semble exclure certaines formes de sens. « Pourtant, chaque chose a son importance et même des tâches en apparence triviales peuvent nous apporter un sentiment d’accomplissement, de réussite et de bien-être ». Evolution hiérarchique, augmentation de salaire, obtention d’un contrat… « Tout le monde n’a pas les mêmes motivations. »
Sens au travail, une affaire personnelle
Alors qu’on attend souvent qu’il vienne de l’extérieur, le sens que l’on tire de son travail est donc un cheminement éminemment personnel. Quel est le rôle du manager pour nous accompagner dans cette quête ? « Plutôt que donner du sens, il crée un cadre, un contexte propice à cette recherche personnelle. » A lui d’offrir des repères clairs à ses collaborateurs, notamment en valorisant leurs compétences, les impliquant dans la prise de décisions, et en partageant la raison d’être de l’entreprise. A l’inverse, met en garde Philippe Silberzahn, « le manager peut parfois prendre des décisions insensées : changement de stratégie, manque de communication, coups de pression… ».
Trouver un sens à ce que l’on fait est donc une affaire de choix. Cela suppose parfois de prendre du recul, d’envisager sa carrière dans sa globalité. Parfois même, il est nécessaire de se reconvertir radicalement. Et de s’interroger sur ses priorités, notamment à travers une série de questions que posent l’ouvrage universitaire : « Qu’est-ce qui donne du sens à mon travail actuel ? », « Qu’est-ce qui me donne envie d’aller travailler chaque matin ? » ou encore « Est-ce que le sens de mon travail est partagé au sein de mon entreprise ou de mon institution ? ».
* Sens de la vie, sens du travail Pratiques et méthodes de l’accompagnement en éducation, travail et santé, Jean-Luc Bernaud, Caroline Arnoux-Nicolas, Lin Lhotellier, Paul de Maricourt, Laurent Sovet, Editions Dunod