Avoir une bonne idée ne suffit pas pour se développer en franchise. Avis d’experts et témoignages de franchiseurs qui ont franchi le cap avec succès.
« Devenir franchiseur, c’est faire un aller simple. Il n’y a pas de demi-tour possible », prévient d’emblée Sylvain Bartolomeu, président du cabinet Franchise Management. Donc avant de décider de développer une enseigne en franchise, un certain nombre de points de vigilance s’impose.
Disposer d’une marque solide pour devenir une franchise
« La marque du futur franchiseur et les signes de ralliement à l’enseigne doivent être stables. Quand on se lance comme franchiseur, il faut une marque éprouvée qui sera immuable dans les 3 à 4 ans à venir. En effet, impossible au bout de 2 ans de demander aux franchisés de réinvestir dans une nouvelle enseigne, une nouvelle signalétique… », insiste Sylvain Bartolomeu. En créant Simplicicar (accompagnement des particuliers dans la vente de leur véhicule) en 2011, Yoni Dayan, avait ainsi pris la peine de déposer son logo et ses phrases d’accroche à l’INPI avant d’ouvrir une première concession en 2015 et déployer le réseau à compter de 2019. Son enseigne compte aujourd’hui 100 agences.
Avoir un savoir-faire éprouvé à franchiser
« Pour franchiser son concept, la future tête de réseau doit être une phase de stricte réplication de son savoir-faire. Les process de vente, le manuel opératoire, les formations, la communication… tout doit être prêt et carré », martèle Sylvain Bartolomeu (Franchise Management). Abdel Boussala, co-fondateur et directeur général de la franchise Tilkeo, enseigne spécialisée dans la rénovation énergétique et l’amélioration de l’habitat, a ainsi attendu 7 ans avant de dupliquer son concept. « Quand on s’est lancés en franchise en avril 2024, on avait déjà réalisé plus de 5 000 chantiers en France. On avait donc du recul sur notre activité. Nous avons eu le temps de tester la robustesse du concept et de nos process. Mais aussi d’analyser le marché. Les consommateurs étaient alors déjà bien éduqués à la rénovation énergétique. 75 % des Français déclarent que leur première décision de travaux dans leur logement porterait sur cette problématique. De surcroît, cette activité bénéficie d’aides de l’État », explique-t-il. C’est une ancienne commerciale de l’enseigne qui a ouvert la première franchise à Clermont-Ferrand. « Notre berceau historique est basé à Montceau-les-Mines. Pour nous, il était capital que les premiers franchisés se situent à moins de 2 heures de voiture du siège afin de pouvoir réaliser des allers-retours dans la journée », ajoute-t-il. Ce réseau créée en 2017, compte à date 11 points de vente dont 9 en franchise, et entend croître de 10 à 12 agences par an.
Avoir les moyens de créer son réseau en France
Avant de rapporter des droits d’entrée et des redevances, un réseau de franchise coûte cher. Entre 15 000 et 150 000 euros selon les secteurs d’activité. « Le futur franchiseur va devoir régler des frais d’avocat pour la rédaction du DIP et du contrat de franchise. Mais aussi passer par une agence qui l’épaulera dans la rédaction des différents supports à destination des franchisés », illustre Alexandra Viera, fondatrice du cabinet Franchise Consulting Group. Pour amorcer son projet, le néo-franchiseur va aussi devoir investir dans la sélection de ses futurs franchisés. Prévoir du temps et des déplacements. Mais aussi mettre le paquet dans la communication. « On compte aujourd’hui plus de 2 000 franchiseurs en France. Pour être visible, ce n’est pas simple. Il faut donc impérativement investir lourdement sur la communication et gagner en notoriété. Sans cet argent, la réussite du réseau en franchise sera plus lente, voire inexistante », prévient Sylvain Bartolomeu.
Afficher des bilans de l’entreprise positifs
« L’enseigne doit obligatoirement avoir un, voire deux bilans positifs pour rédiger le DIP. En cas de résultats négatifs, il est toujours possible de se lancer mais si le concept n’est pas connu, les candidats à la franchise ne viendront pas », observe Alexandra Viera (Franchise Consulting Group). « Quand on a décidé de lancer nos concessions, on affichait 3 millions de CA et une rentabilité de 10 %. Aujourd’hui, on demande à nos candidats de prévoir un investissement de départ de 70 000 euros minimum dont 20 000 euros en fonds propres. On détermine un emplacement avec l’outil de géomarketing Smappen. On regarde par exemple le nombre de voitures à vendre sur leboncoin à 10 km du point de vente envisagé. On y réfléchit à partir de 900 véhicules à l’instant T, puis on affine. On achète le véhicule au particulier seulement une fois vendu à un acquéreur. Donc les concessionnaires n’ont pas de stock à financer. Ils peuvent compter sur une retour sur investissement au bout de 3 mois », illustre Yoni Dayan, le fondateur de Simplicicar.
Écouter les signaux extérieurs
Pour dupliquer un concept, il faut aussi que le marché soit prêt. Et pour cela, il y a des signaux faibles qu’il faut savoir écouter. « Si un client vous dit « c’est sympa votre concept ! C’est une chaîne ? Où puis-je trouver une boutique proche de chez moi ? C’est un signal à prendre en compte », explique Sylvain Bartolomeu (Franchise Management).
Avant de franchiser son concept Glaces Moustache en 2019, Sylvie Bondil possédait trois succursales. « À chaque ouverture, je me plantais devant la boutique pour écouter les réactions des passants en voyant la devanture et des clients qui sortaient. J’entendais, « c’est super », « les glaces sont bonnes ». À l’époque, je venais de racheter le laboratoire de fabrication, je n’avais plus d’argent. J’ai donc réfléchi à dupliquer mon concept en franchise », se souvient-elle. Faute de temps et de fonds disponibles, la tête de réseau s’est débrouillée quasiment toute seule pour se développer. Aujourd’hui, elle compte 40 franchises et reçoit environ 10 000 candidatures par an. « Mon mail type de réponse détaillant le concept et le niveau d’investissement, débouche sur un quart de rendez-vous téléphonique. Au final, on ouvre 15 nouvelles boutiques par an », raconte-t-elle volontiers.
Écouter les clients mais aussi les fournisseurs et les partenaires peut être opportun. Tempeos, enseigne spécialisée dans l’externalisation de CSE pour TPE et PME, a rapidement opté pour un développement en licence de marque à la demande de ses utilisateurs. « Les collaborateurs des entreprises que nous accompagnions nous ont rapidement fait part de leur souhait de bénéficier d’avantages de proximité. Par exemple dans leur club de sport local, le supermarché du coin… Pour être efficace, nous devions être au plus près de chaque territoire », explique Stéphane Labes, PDG et fondateur de Tempeos. L’enseigne compte à ce jour 44 agences et prévoit de « doubler ou tripler » ce nombre d’ici 2 à 3 ans.
Accepter de changer de casquette pour endosser celle de franchiseur
« Devenir franchiseur, c’est quitter l’opérationnel, accepter de voir partir son bébé… pour devenir gestionnaire d’une économie de service. Jusqu’à avoir 15 points de vente, c’est l’Everest des difficultés », prévient Sylvain Bartolomeu. Autant dire que l’envie ne suffit pas pour réussir. Il va falloir être ultra motivé, ambitieux et solide. « C’est un engagement sur le long terme. Le franchiseur a un devoir moral vis-à-vis des franchisés », précise le dirigeant de Franchise Management. Et Alexandra Viera, la fondatrice de Franchise Consulting Group d’ajouter : « un franchiseur doit savoir leader ses équipes et surtout les garder. Un fort turn over au siège indique qu’il y a un souci et ralentit le développement du réseau ».
Notre résumé en 5 points clés par L’Express Connect IA
(vérifié par notre rédaction)
Voici résumé en cinq points clés de l’article sur le sujet : Quand franchiser son concept ?
Importance d’un modèle solide : Avant de devenir franchiseur, il est crucial d’avoir une marque bien établie et un savoir-faire éprouvé. Une entreprise doit avoir des processus clairs et efficaces en place pour attirer des candidats franchisés, en tout connaissance de cause.
Droit d’entrée et coûts : Le droit d’entrée et l’aspect financier doivent être prévus. Ils incluent des dépenses pour le DIP (Document d’Information Précontractuelle) et divers supports pour orienter les franchisés.
Opportunités de marché : Il est essentiel de s’assurer que le marché est prêt pour le concept et le modèle économique et le savoir-faire à dupliquer. Écouter les retours des clients et des partenaires de l’entreprise aide à comprendre la demande potentielle et à renforcer la pertinence du parcours proposé.
Rôle des compétences relationnelles : Un futur franchiseur doit être un leader capable de gérer et de soutenir ses franchisés. La prise en charge du bien-être des franchisés et la création d’une communauté solide sont des éléments clés pour un bon développement du réseau.
Vision à long terme : Devenir franchiseur requiert un engagement sur le long terme et la volonté d’évoluer au-delà des étapes quotidiennes. La motivation et la stratégie doivent être claires dans le but de garantir le succès et la pérennité du réseau.