[Parole d’expert] Dans cet article en deux parties, Fanny Roy, avocat associée du cabinet PIOT-MOUNY & ROY, détaille les principaux points de conflits entre un franchiseur et son franchisé et comment les éviter. Ce premier volet se concentre sur les conflits pouvant apparaître avant la signature du contrat et qui concernent l’information précontractuelle.
Pour bien contracter, il faut être correctement informé. Raison pour laquelle l’article L.330-3 du Code de Commerce prévoit l’obligation pour le franchiseur de remettre à son futur co-contractant un Document d’Information Précontractuelle – DIP, 20 jours au moins avant la signature du contrat de franchise, ou avant le versement de toutes sommes pour effectuer une réservation.
Le DIP doit être remis préalablement à tout versement financier
En l’absence de détermination précise de lieu du local à implanter, il peut être prévu la signature d’un contrat de réservation de zone incluant le versement d’un acompte pour réserver le territoire.
Dans ce cas, le Document d’Information Précontractuelle doit être remis 20 jours au moins avant et contenir l’ensemble des informations prévues à ce titre.
En effet, très souvent, l’acompte peut être substantiel et si le candidat franchisé n’a pas les renseignements obligatoires qui lui permettent de s’engager en connaissance de cause, il pourra dès lors solliciter le remboursement de l’acompte qu’il aura versé faute d’avoir été correctement informé sur la mesure de son engagement.
Quelles sont les méthodes de remise du Document d’Information Précontractuelle par le franchiseur ?
En cas de remise en mains propres, le franchiseur doit s’assurer de ce que le Document d’Information Précontractuelle comporte l’ensemble des annexes qui le compose et par conséquent du paraphe de celles-ci afin de pouvoir justifier que ces documents ont bien été transmis au candidat.
Très souvent, en cas de remise manuelle, l’état local de marché peut manquer, car le lieu d’implantation du franchisé n’est pas encore déterminé. Si le franchiseur ne pense pas à l’adresser ultérieurement moyennant paraphe, il pourra être difficile de justifier de ce qu’il a correctement rempli son obligation d’information précontractuelle en application de l’article L.330-3 du Code de Commerce. La signature électronique permet d’avoir un document PDF intégral comprenant le DIP et ses annexes.
Contenu du DIP, focus sur les états de marché : l’état de marché général et l’état de marché local
Le DIP doit obligatoirement contenir un état local de marché qui ne constitue pas une étude de marché. Mais quelle est la différence entre ces deux termes ?
- Un état local de marché est une photographie du marché, sans analyse particulière. On retrouve des informations générales quant à la situation géographique, socio-démographique, économique et à la concurrence sur la zone d’étude. Ce document n’a pas vocation à déterminer la part de marché de l’enseigne, ni d’aboutir au chiffre d’affaires potentiel du futur point de vente.
- D’autre part, il incombe au candidat souhaitant rejoindre un réseau d’effectuer sa propre étude de marché, l’état local de marché disponible dans le DIP ne suffisant pas à vérifier que le concept est rentable sur sa zone de chalandise.
L’état local de marché doit quant à lui contenir un certains nombre d’informations indispensables :
- La situation géographique qui correspond à la localisation du projet et la définition de la zone d’étude.
- La situation socio-démographique qui comporte les indicateurs de population, le cycle de vie des chalands et les catégories socio-professionnelles des habitants.
- La situation économique qui détaille les emplois des habitants et non habitants, les profils des emplois par catégories socio-professionnelles et les revenus annuels des foyers fiscaux.
- La concurrence et l’attractivité qui fait l’état de la concurrence direct du projet et de son attractivité notamment au travers des pôles générateurs de flux.
Le franchiseur, ou tête de réseau, doit-il remettre un prévisionnel à son futur co-contractant dans le cadre du DIP ?
Les articles L.330-3 du Code de Commerce et R.330-1 du Code de Commerce ne prévoient pas l’obligation de transmettre un prévisionnel dans le Document d’Information Précontractuelle – DIP. Toutefois, lorsque ce prévisionnel est transmis dans le cadre du DIP, il doit être sérieux.
Lorsqu’il existe un écart supérieur de 40 % globalement entre le prévisionnel et la réalité du franchisé, le prévisionnel peut être considéré comme trompeur et entrainer la nullité du contrat de franchise qui aura été souscrit : il appartiendra alors au franchiseur de démontrer la survenance de facteurs internes et/ou extérieurs au franchisé, pour se dédouaner de son éventuelle responsabilité. La sanction peut donc être importante.
Comment procéder ? Car le franchisé voudra, et c’est normal, connaître son prévisionnel d’activité.
Le franchiseur pourra lui adresser :
- Les bilans de l’unité pilote
- Un condensé de bilans moyens réalisés par les franchisés du réseau
- Une matrice sous Excel, qui doit être personnalisée par chaque franchisé selon ses propres données, les hypothèses de chiffre d’affaires et de charges n’étant qu’indicatives et à adapter.
Les comptes-types ( ou ratio-types) n’engagent la responsabilité de la tête de réseau qu’à deux conditions cumulatives ; ils doivent être inexacts, et avoir induit le franchisé en erreur en le conduisant à formuler des prévisions exagérément optimistes.
Qu’en est-il, si le franchiseur valide les comptes prévisionnels ?
Le franchisé, s’il estime avoir été induit en erreur par le franchiseur, devra démontrer qu’il a bien transmis la version définitive au franchiseur de ses comptes prévisionnels et que ce dernier les a validés expressément.
Dans ce cas, le Franchiseur devra faire preuve de sérieux et de prudence lorsqu’il valide les chiffres qui lui sont soumis, étant potentiellement tenu à un devoir de mise en garde, notamment lorsque les comptes prévisionnels établis par le franchisé comportent des éléments de nature à l’alerter et qu’il ne pouvait méconnaître ( salaires, loyers, panier moyen etc…).
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