1% du PIB de la France est en jeu à travers la santé des chefs d’entreprise, lesquels prêtent peu attention aux signes annonciateurs de burnout. Des associations sont ainsi nées pour accompagner les dirigeants en difficulté, voire en détresse.
En quatre ans, le caillou dans la chaussure s’est transformé en menhirs
Une carrière professionnelle bien remplie et une vie familiale accomplie peuvent s’avérer étourdissantes. Et même devenir assourdissantes au point de ne plus entendre les appels de son corps.
« Après de multiples expériences, comme coiffeuse, conceptrice-vendeuse en cuisine ou responsable d’un hôtel-restaurant, j’ai monté en 2013 avec mon compagnon une affaire, positionnée sur une niche de la création artisanale : la fabrication et commercialisation de produits verrier d’art unique.
La barque était fragile, vivant de chèque en chèque pour combler notre trésorerie bancale, tout en étant maman d’une famille nombreuse recomposée à plein temps. Je refusais d’entendre les appels de mon corps, progressifs : psoriasis, asthme, etc. Ce message n’était pas compris car je ne me suis jamais posée pour le comprendre.
En quatre ans, le caillou dans la chaussure s’est transformé en menhirs : liquidation de l’entreprise, déracinement après un déménagement en Bretagne, divorce et cancer ! Dans la salle d’attente du liquidateur, j’ai découvert une affiche sur 60 000 rebonds. Dès juin 2017, je faisais mes premiers pas vers un rebond, accompagné par un coach et un parrain de cette association », raconte Marie Guth, qui joue aujourd’hui cette expérience particulière dans un spectacle, L’effet ricochet : quand nos pierres deviennent un chemin.
Burn out du chef d’entreprise : 3 alertes majeures… mais peu de vigies formées
Trois éléments sont des facteurs d’épuisement professionnel, des signes du burn out.
« Tout d’abord le phénomène de lassitude, matérialisé par la répétition de l’expression « j’en ai marre ». Ensuite, un sentiment de déception, qui s’accroît avec le temps, éprouvé vis-à-vis de l’attitude des salariés, des clients, de l’état et de l’entourage familial et amical.
Enfin, des troubles du sommeil : dormir moins longtemps, se réveiller fatigué ou avant la sonnerie du réveil. A cause du phénomène de subordination à leur entreprise, les entrepreneurs font de leur sommeil une variable d’ajustement de leur travail, alors qu’il occupe essentiellement une fonction de récupération à ne jamais sacrifier », rappelle Olivier Torrès, fondateur de l’Observatoire Amarok (dédié à la santé des dirigeants) il y a plus de quinze ans.
Le dirigeant n’est pas un salarié comme les autres
Depuis une dizaine d’années, des associations sont ainsi nées pour accompagner les dirigeants en difficulté, voire en détresse. 1nspire est ainsi le fruit d’une rencontre entre Lionel Fournier, alors directeur régional d’Harmonie Mutuelle Atlantique, et Claude Villain, directeur associé chez TGS France.
« En 35 ans de vie de dirigeant, je n’ai jamais eu un seul rendez-vous avec la médecine du travail ! Depuis 2019, l’association 1nspire, veut faire de la santé des dirigeants un élément de performance de l’entreprise, en cherchant à saisir l’invisible : le burnout, mais aussi l’émotionnel ou le traumatique.
Pour un chef d’entreprise, c’est tabou de parler de soi en négatif, car cela pourrait le mettre en situation d’échec. Or, l’échec n’existe pas en France, alors que pour les Américains, c’est une force, une expérience.
Une étude, réalisée à l’initiative d’1nspire, a indiqué que le plus important pour un chef d’entreprise demeure la gestion des tensions, entre collaborateurs et clients, entre court et moyen terme, entre vie professionnelle et vie personnelle. La respiration, pour évacuer ses problèmes et montrer la voie à suivre, est la clé d’un dirigeant équilibré. D’où la maxime de l’association : « Un dirigeant qui inspire est un dirigeant qui respire », explique Claude Villain, président-fondateur d’1nspire, une association d’utilité humaine.
De son côté, la vocation de l’association Rebond 35 est née de la détresse ressentie par des professionnels actifs auprès des tribunaux de commerce de Rennes et St Malo, démunis face à leurs pairs, les regardant repartir sans solutions morales après un dépôt de bilan.
« Nous avons développé une association pour permettre aux chefs d’entreprise de s’informer, de se former, d’anticiper les situations difficiles voire extrêmes, à travers un filet invisible de solidarité et un accompagnement mobilisant des ressources pour s’en sortir. Notre action s’inscrit dans une réhabilitation du rapport à l’échec qui ostracise trop souvent les personnes et les enferme », Fabrice Garrault, président de Rebond 35.
Depuis 2016, 270 dirigeants ont été accompagnés par cette association, à travers une trentaine de pairs actifs et 25 professionnels de l’accompagnement.
Rapport établi par une étude entre santé du dirigeant et performance de l’entreprise
S’il existe beaucoup de réglementations pour favoriser le bien-être des collaborateurs, ce n’est pas le cas pour le chef d’entreprise, qui ne s’autorise même pas à s’arrêter, voire à tomber malade. Ce traitement inéquitable est à la genèse de la création de l’association 1nspire.
« 1% du PIB de la France est en jeu à travers la santé des chefs d’entreprise. Ces derniers doivent pouvoir se libérer de leur charge mentale et transformer la pression, la tension, l’émotion en impact positif. Seule l’authenticité dans les rapports permet d’accéder à ces non-dits.
Si ce n’est pas possible de briser le secret ou le déni, 1nspire a mis en place un autodiagnostic pour tout type de dirigeant, pour se prendre le pouls de manière régulière et ainsi se préserver.
D’autant plus qu’il existe une corrélation entre la santé du dirigeant et celle de l’entreprise, comme l’a montré une étude d’1nspire portant sur 400 entrepreneurs, de l’artisan au patron de grand groupe.
Si l’entreprise se porte bien, malgré la surcharge de travail, le dirigeant retire de la satisfaction de la situation.
Or, si dirigeant et entreprise ne vont pas bien, la surcharge se transforme en alerte en vision altérée de l’avenir. Un dirigeant en forme est une entreprise qui performe.
Une autre étude de l’association a montré qu’à partir de 3 heures d’activité physique par semaine, un dirigeant possède un vrai impact sur sa santé et donc sur sa performance économique.
Le temps de déconnexion des outils digitaux – portables, ordinateurs… -, de 2 à 5 heures par semaine, a également un impact positif. Certains dirigeants participent ainsi à leur comité de direction… en réalisant footing ou en allant marcher ! Le rapport à soi et au temps influe bien sur la croissance de l’entreprise et de son chiffre d’affaires », explique Franck Berthouloux, consultant TGS France, notamment spécialisé sur la santé des chefs d’entreprise.
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