La franchise est un modèle gagnant mais hautement concurrentiel, qui oblige les enseignes à se montrer innovantes. Illustrations.
Système d’abonnement, croissance externe, pénétration de villes de taille modeste… Trois ans après le début de la crise sanitaire, les réseaux de franchises multiplient les innovations pour maintenir leurs positions et, surtout, stimuler leur croissance. Ainsi, en septembre 2022, les pizzerias Del Arte présentaient une offre commerciale disruptive : un abonnement mensuel de 35 € pour un plat par jour. Philippe Jean, directeur général de la franchise de restauration italienne (Groupe Le Duff), ne s’en cache pas : l’objectif était de « faire le buzz » et de générer du trafic dans ses établissements. Pari réussi. « Les premiers abonnés sont à 95 % de nouveaux clients et 90 % d’entre eux ont moins de 30 ans », se félicite-t-il.
L’abonnement, un relais de croissance non négligeable
En revanche, la question du coût de l’opération a vite été soulevée. « Del Arte a calibré une offre qui ne sera peut-être pas rentable, confirme Grégoire Toulouse, avocat associé au cabinet Taylor Wessing. Mais elle pourra faire évoluer sa proposition tarifaire ou l’arrêter. Quoi qu’il en soit, le réseau de franchise aura démontré qu’il était à la pointe de l’innovation. » Un avis que ne partage pas du tout Laurent Kruch. « Ce type d’offre bas de gamme risque d’écorner son image de marque », tacle le président de Karedas Consulting. Les deux experts se rejoignent néanmoins sur un constat : lancer une formule d’abonnement permet de capter une nouvelle clientèle… et, surtout, de la retenir. « L’abonnement représente un relais de croissance non négligeable car, une fois le client “ferré”, ce dernier génère un flux d’argent récurrent », confirme Grégoire Toulouse.
L’enseigne de sport préférée des Français, Decathlon, a lancé un ballon d’essai en Belgique en proposant aux clients de louer ses équipements moyennant un abonnement de 20 à 80 €, en fonction de la valeur des produits. « Avec cette offre, Decathlon se situe sur son territoire de marque, qui consiste à rendre le sport accessible à tous. Et il s’inscrit dans une tendance sociétale plus large : celle de la réutilisation », apprécie Laurent Kruch. Attention toutefois : pour attirer durablement le chaland, une offre commerciale alléchante est insuffisante. « C’est le réseau de franchise dans sa globalité qui doit être dynamique et inventive pour rester attractive. Un concept qui a fait ses preuves doit sans cesse se réinventer pour assurer sa survie dans un univers compétitif », analyse Grégoire Toulouse.
Se diversifier
Parce qu’il peinait à renouer avec ses chiffres de fréquentation d’avant la crise sanitaire, le franchiseur Del Arte, toujours lui, a mûri pendant deux ans un concept hybride composé de trois espaces de salle distincts. Un imposant bar, baptisé Cafferitivo ; un restaurant classique avec service à table, Ristorante, et A Casa, destiné à la vente à emporter. Un établissement pilote a récemment ouvert ses portes à Joué-lès-Tours (Indre-et-Loire). « Avec ce format inédit, nous couvrons désormais tous les moments de consommation, du petit-déjeuner à l’after-work », se félicite Philippe Jean, qui espère séduire ainsi les jeunes adultes.
De son côté, l’opticien Atol a choisi d’attaquer le marché de l’audioprothèse. Une diversification tardive au regard de ses concurrents, notamment Krys qui vient d’inaugurer son 200e magasin dédié à la santé auditive. Pour le lancement d’Atol Audition, l’enseigne coopérative s’appuie sur ses points forts : sa notoriété et son image de marque, ainsi que son statut d’outsider. « Parmi nos opticiens, 20 % proposent des multipoints de vente avec un espace consacré à l’ouïe. Cela permet à l’audioprothésiste de rayonner dans plusieurs points de vente », explique le PDG Eric Plat.
Sur le marché ultra-concurrentiel de la lunetterie, Atol joue également sur la segmentation de ses enseignes, avec ses boutiques Access et Style. Des petits formats avec des positionnements complémentaires pour mailler une zone de chalandise dense, en adoptant la stratégie dite du nénuphar. « Plutôt que d’ouvrir une grosse boutique face au leader local, nous nous développons autour de lui avec plusieurs unités de petite taille », poursuit le franchiseur Eric Plat. « Il s’agit d’une excellente façon de fidéliser ses franchisés, reconnaît Laurent Kruch. Les plus entreprenants deviennent pluri-enseignes à l’intérieur du groupe plutôt que de chercher d’autres marques à l’extérieur. »
Miser sur la croissance externe
Pour fortifier le développement d’une franchise, rien de tel que de miser sur une recette qui a fait ses preuves : la croissance externe. Autrement dit, privilégier le rachat de marques établies afin de limiter les risques liés au lancement d’un produit. « La diversification du porte-feuille de marques, par création ou par rachat, permet également d’arriver en position de force face à des foncières pour négocier les baux commerciaux », souligne Laurent Kruch.
Et pourquoi ne pas quitter les métropoles – à fort potentiel, certes, mais très compétitives – pour s’installer dans de petites agglomérations ? « Dans les zones moins densément peuplées, le niveau de chiffre d’affaires est peut-être modeste, mais les emplacements sont moins chers, la masse salariale est faible et il y a moins de concurrents », pointe le consultant. C’est cette stratégie de maillage fin du territoire qu’ont adoptée des enseignes d’équipement de la maison comme But (320 unités). « Nous investissons des agglomérations de 10 000 habitants telles que Thiers (Puy-de-Dôme) ou Morteau (Doubs), où nous avons ouvert en décembre des points de vente de taille variable, la plus petite s’élevant à 1 200 m2 », explique Vincent Dosne, directeur exploitation et franchise de l’enseigne.
Ce dernier précise que dix points de vente ont été créés en 2022, et que neuf autres devraient voir le jour cette année. « Afin de rentabiliser nos petites unités, nous référençons toujours le cœur de gamme, c’est-à-dire l’assortiment des produits qui génèrent le plus de chiffre d’affaires. Le franchisé a ensuite toute liberté pour proposer des articles complémentaires adaptés au profil de la clientèle locale », précise-t-il. La numérisation des établissements – via des bornes wi-fi et des tablettes pour les vendeurs – permet non seulement au client d’avoir accès à une gamme de marchandises plus large, mais aussi de découvrir des dimensions et des coloris différents. Une véritable extension virtuelle du magasin.