Si la question se pose, c’est évidemment qu’elle fait débat. D’un côté, les commerçants indépendants « pur jus », de l’autre, les franchisés rattachés par contrat à une société mère. Les deux camps qui exercent le même métier, ne s’apprécient pas toujours. Et c’est un euphémisme. Pourquoi de telles incompréhensions ?
Juridiquement, la franchise est une forme de commerce indépendant
Pour déterminer si les franchisés sont des commerçants indépendants, revenons à la source. « Techniquement, le franchisé est un entrepreneur qui gère de manière indépendante au niveau financier, gestion et juridiquement son entreprise. Il dispose d’un RCS et son entreprise a sa propre forme juridique. Il en est généralement le gérant majoritaire. Cet entrepreneur a conclu un partenariat avec une enseigne dans le cadre d’un contrat de franchise », prévient d’emblée Rose-Marie Moins, directrice de développement et de l’animation de la Fédération Française de la Franchise. D’ailleurs le document stipule bien que le contrat est conclu entre la société X représentée par M. Dupont, la tête de réseau, et la société Y, représentée par M. Durand, le dirigeant du point de vente.
Sur le terrain, les magasins franchisés suscitent parfois de la jalousie
Donc juridiquement, le franchisé est un commerçant indépendant au même titre que les autres. Voilà pour la théorie ! Car en pratique, les commerçants indépendants sans enseigne ne le voient pas automatiquement de cet œil-là. « Les unions locales de commerçants n’ont pas toujours très envie de voir arriver de points de vente sous enseigne dans les centres-villes car la concurrence est parfois un peu rude », explique Rose-Marie Moins. Ils estiment que ces entrepreneurs sont dotés d’une force de frappe supérieure à la leur, notamment en termes de communication. Une sorte de concurrence déloyale, autrement dit, qui suscite un brin de jalousie !
Ceci s’explique en partie par une grande méconnaissance du modèle de la franchise. Les indépendants « indépendants » confondent parfois différentes formes d’organisation : succursales, commerce associé, commission-affiliation et franchise. Pour remettre les pendules à l’heure, Francis Palombi, président de la Confédération des commerçants de France (CDF) indépendants, compte proposer à la présidente de la Fédération française de la franchise de venir expliquer aux présidents des 23 fédérations qu’il représente ce que sont un franchiseur et un franchisé, et leurs modes de fonctionnement. Pour l’heure, la CDF ne compte officiellement pas de franchisés dans ses rangs. Sauf que parmi les adhérents des fédérations représentées, il y a évidemment quelques enseignes en réseau.
Chez Petitscommerces.fr, qui proposent aux municipalités des cartes cadeaux à dépenser dans les commerces de proximité, on ne veut pas entendre parler des franchisés. « Pour nous, un commerçant indépendant est responsable de son activité à 100%. Aussi bien de la composition de son offre, que de sa communication, de ses achats, de ses prix. C’est un point de vente avec une sélection et un savoir-faire uniques. Un petit commerçant indépendant isolé ! Les franchisés sont davantage dans une logique financière, ce n’est pas le type de commerce que nous souhaitons soutenir. Ce sont deux façons différentes de voir le commerce. Les villes les plus dynamiques sont d’ailleurs celles où il y a le plus de commerçants indépendants sans enseigne », argumente Jonathan Chelet, co-fondateur de Petitscommerces.fr.
L’entreprise qui accompagne aujourd’hui 150 communes dans cette démarche (10 000 commerçants représentés) est tout de même tributaire des souhaits des municipalités. « Notre recommandation pour une ville est par exemple 90 commerces indépendants isolés et 3 franchisés. Mais la très grande majorité des adhérents à notre système de carte cadeaux doit être indépendante de tout réseau de franchise », insiste-t-il.
Entre les franchisés et les unions de commerçants, ce n’est pas le grand amour
Dans cette mésentente entre commerçants indépendants avec ou sans enseigne, les franchisés ne sont pas exempts de toute responsabilité. « Quand une union locale de commerçants veut mener une action de communication, certains franchisés refusent d’y participer, et donc de la financer, au motif que leur réseau le leur interdirait. Or, c’est faux, les contrats de franchise les autorisent à communiquer localement », constate Thibault Le Carpentier, directeur associé d’Obsand, cabinet de conseil en prospective et stratégie dans l’univers de la consommation et du commerce. Les deux parties ont donc encore du mal à travailler ensemble, « même si les choses se sont améliorées », nuance-t-il.
Ce qui sème aussi la discorde, ce sont des questions d’agenda. « Lorsqu’un groupement de commerçants souhaite organiser des opérations commerciales exceptionnelles comme une braderie, les franchisés ont souvent retourné leurs stocks donc ils ne disposent plus de produits à brader. Autre exemple, pour Noël prochain, grâce à leur tête de réseau, les franchisés connaissent déjà les tendances et les quantités de stocks à commander alors que les commerçants indépendants sans enseigne ne savent peut-être même pas ce qu’ils vont mettre en place pour la Saint-Valentin », illustre-t-il. En résumé, ce n’est pas la guerre entre les deux parties, ce n’est tout simplement pas le même timing !