De récupérer les cheveux pour des usages agricoles à nommer un ambassadeur RSE au sein de chaque magasin, en passant par un challenge RSE entre franchisés ou encore un label « Commerçant responsable » pas simple à obtenir, voici un bel échantillonnage des solutions anti-gaspillages et économes mises en place par des réseaux de franchise. Avec en prime…Quelques fausses bonnes idées !
Signer un cahier des charges pour être référencé comme fournisseur d’une enseigne
Pour toute enseigne de franchise, reconsidérer la chaîne de l’approvisionnement de ses points de vente, et notamment adopter une politique d’achats responsable, permet de créer de la valeur à grande échelle, en impliquant les fournisseurs et la clientèle. D’autant plus si cela sert à alimenter de belles actions.
« Notre marque propre, Phytodess, s’est engagée à développer un approvisionnement responsable de ses principales matières premières naturelles – Positive Sourcing – et adhère au mouvement international 1 % For The Planet : 1 % de la vente de ces produits finance des actions de protection de la Planète. Exemple : la fondation Surfrider, qui agit, entre autres, pour la collecte des déchets sur le littoral en France.
Si nous travaillons avec plus de 28 filières d’approvisionnement responsable, nous avons aussi « black lister » des fournisseurs, lesquels doivent d’abord signer notre cahier des charges afin d’être référencés par notre groupe.
Dans le cadre d’un mécénat, nous reversons également 20 centimes d’euro sur chaque produit Dessange, capillaire ou soin, vendu aux Centres de Beauté du CEW (Cosmetic Executive Women), association influente dans notre secteur. Nous soutenons également la formation des socio-coiffeurs et des socio-esthéticiennes pour prodiguer des soins de beauté aux femmes hospitalisées. En référençant les marques du groupe, les franchisés soutiennent ce mouvement », signale Sophie Joubrel, Directrice Générale (en charge de la RSE) chez Dessange (1 400 salons dans le monde, dont 350 en France).
L’électricité verte, mais pas que !
Consommer mieux au sein d’un réseau, c’est aussi consommer de façon plus réajustée par rapport à ses besoins. Tout en prolongeant ses actions sociétales, en vertu de l’ADN de la marque, comme pour Ninkasi, fondée sur le triptyque « Bières, burgers et musique ».
« Parmi nos actions les plus significatives, nous avons diminué la taille de nos pains et de nos portions de frites, sans rogner sur la qualité, alertés par les déchets de ces matières trop importants dans nos poubelles destinées au compost. Notre électricité est verte, sur tous nos établissements y compris au siège.
Nous avons aussi élaboré un dispositif pour identifier les pépites de la région au niveau musical, les faire passer sur scène et les accompagner pour celles qui émergent, comme en leur proposant des premières parties de festival dont nous sommes partenaires », indique Cécile Rivoire, directrice du réseau Ninkasi.
Des enjeux qui diffèrent selon l’activité du franchiseur
Chaque enseigne doit identifier ses propres enjeux, qui diffèrent selon les secteurs d’activité.
« Par exemple, pour un fleuriste, il s’agit de la gestion du froid, de l’utilisation de l’eau, du sourcing des produits et de l’emballage des fleurs. Dans les services à la personne, il s’agit du bien-être au travail et de la formation des aidants. Dans la distribution alimentaire, ce sont les emballages, le traitement des déchets, l’énergie, ainsi que les produits équitables et bio » relève Rose-Marie Moins, Directrice Développement et Animation à la Fédération française de la franchise, et en charge du Cercle RSE.
Le cheveu, multi-usage dans l’agriculture
Maîtriser la gestion de ses déchets, opération représentant un coût non négligeable pour toute entreprise, représente un enjeu à plusieurs niveaux : environnemental, économique, réglementaire, organisationnel, notoriété…
« Nous avons amélioré la gestion du tri des déchets en salon grâce à une double collaboration avec la Collecte du Coiffeur en France, qui récupère à la fois les tubes de coloration, les flacons d’oxydants et tous les aérosols, mais aussi depuis 2021 les cheveux coupés pour qu’ils soient recyclés par Capillum, dans tous les salons filiales et dans plus de la moitié des salons franchisés.
Si dans le premier cas, les déchets sont valorisés énergétiquement, 100 % des cheveux collectés sont réutilisés dans une démarche ultra positive. Capillum utilise plusieurs leviers à travers l’agriculture et les jardins en contribuant à la création de tapis de paillage – le cheveu permet de préserver les sols et de limiter la consommation d’eau -, la dépollution des eaux et des sols car le cheveu est capable d’absorber naturellement jusqu’à 8 fois son poids en hydrocarbures ou encore la recherche médicale – extraction de kératine. Nos franchisés sont très fiers de participer à cette action… et leurs clients également, à tel point qu’ils leur demandent souvent de couper un peu plus de cheveux pour contribuer à cette œuvre ! », détaille Sophie Joubrel.
En matière d’actions, pas de copier-coller possible entre enseignes. Tout peut être requestionné.
« Il ne faut pas être simplement dans la substitution. Exemple : je change ma poubelle par trois conteneurs de tri. Il faut avant tout se demander si on ne peut pas diminuer son volume de déchets, travailler avec un fournisseur pour avoir moins d’emballages… », poursuit Delphine Lopez, fondatrice de id&d, cabinet de conseil et facilitation en matière de développement durable et de RSE à Toulouse.
Rejoindre un réseau pour de bonnes raisons, pas uniquement sur l’aspect financier
Les franchisés sont parfois à l’origine d’initiatives, étendues à l’ensemble du réseau.
« L’un d’eux a référencé Mobee travel, site de réservation de vacances pour les personnes à mobilité réduite et en situation de handicap. Pour adopter la démarche Ninkasi, il faut partager des valeurs avec notre enseigne. Ce que nous vérifions dès le recrutement de nos franchisés, qui doivent nous rejoindre pour de bonnes raisons et savoir nous les raconter, et non pas uniquement sur l’aspect financier.
D’autant que nous tenons notre réseau informé de toutes nos initiatives en matière de RSE, notamment à la Convention nationale ou nos trois réunions régionales annuelles, pour que nos choix soient logiques pour nos franchisés. On peut toujours trouver moins cher ailleurs, mais notre politique d’approvisionnement est cadrée », reprend Cécile Rivoire, directrice du réseau Ninkasi.
L’impact environnemental : aussi important que la rentabilité du point de vente
Une autre initiative positive, dans un réseau, peut consister à encourager les bonnes pratiques à travers un « ambassadeur » RSE en local.
« Notre métier étant d’accompagner les entrepreneurs, nous avons créé le réseau Colibri, oiseau qui selon une légende amérindienne, prend de l’eau pour éteindre un incendie en faisant ainsi sa part pour changer le monde. En l’espace de six mois 80 magasins Colibris, un employé dans chaque magasin a été chargé de mettre en place des Actions Sociétales et Environnementales : consignes de tri, économies d’énergie… Nous visons la moitié de nos 310 magasins en France d’ici la fin de l’année.
Nous voulons que l’impact environnemental devienne aussi important que la rentabilité du point de vente. Depuis 18 mois, à l’instar du benchmark sur le chiffre d’affaires, nous avons établi le classement des magasins les plus vertueux », explique Sébastien Tréguier, responsable Marketing, Communication, RSE de Bureau Vallée.
Autre option : challenger directement ses franchisés
Si, au-delà des produits éco-conçus, Yves Rocher a réduit l’usage du plastique, en recyclant celui utilisé dans l’intégralité des flacons (2 700 tonnes de plastique économisées par an), l’enseigne cherche également à inciter ses chefs d’entreprise.
« Pour animer nos partenaires, dont la RSE n’est pas le métier de base mais l’avenir du commerce de demain, un challenge Bio Diversi-Day a été créé en 2019 pour inciter tout collaborateur à monter une action en faveur de la nature sur leur territoire, récompensé lors de la Convention nationale. Une soixantaine de dossiers ont été déposés cette année.
Parmi les actions mises en place par le réseau Yves Rocher, l’une d’elles a été initiée par une franchisée dans son point de vente, avant d’être étendue à l’ensemble du réseau : recueillir tous les flyers distribués lors des campagnes de marketing. Résultat : 5 tonnes de papier ont été récupérées, retraitées par un fournisseur sourcé, et sont devenues les cales utilisées dans les boîtes Cadeaux.
On travaille aussi sur la conception des boutiques, en développant du matériel et du mobilier démontables et simples à trier », note Maëlle Filieul, responsable recrutement retail Franchise chez Yves Rocher…
Label « Commerçant responsable » : pas accessible d’emblée à tous les points de vente d’un réseau
Si La Mie Câline engage 0,5 % de son chiffre d’affaires dans la transition écologique et solidaire, principalement dans les matières premières, ce réseau de franchise s’appuie également sur des labels, dont un spécifique à ses points de vente, pour emmener ses franchisés dans la transition énergétique.
« Concernant nos franchisés, en matière de RSE, nous n’avons pas choisi de travailler de manière contrainte, à travers le manuel opérationnel, mais par une démarche volontaire. Nous croyons davantage à l’engagement individuel qu’au forcing, qui créerait, à notre sens, de la défiance.
C’est pourquoi nous avons rejoint le mouvement Génération Responsable, qui a audité la tête de réseau pour nous attribuer en 2018 un label « Enseigne Responsable ». Cette analyse, provenant d’un expert en RSE, nous a permis d’écrire un plan d’actions en interne, intitulé « À cœur d’agir ».
L’année suivante, nous avons travaillé, avec les autres membres de Génération Responsable, sur un label « Commerçant Responsable », dont le référentiel est basé sur la norme ISO 26 000, pour apporter aux chefs d’entreprise en réseau une photographie instantanée leur offrant de développer leur performance RSE. Dans notre enseigne, 70 % des points de vente ont été audités et 56 % d’entre eux ont été labellisés éco-responsables. Tous ne l’ont pas obtenu, ce qui prouve la valeur du label.
Nous lancerons l’année prochaine une deuxième campagne de mesures en faveur d’un impact environnemental et sociétal plus positif, et pourrons mesurer les changements, grâce à ce support de travail. Par exemple, en limitant les pertes de produits le soir, aujourd’hui au niveau de 1,5 % du chiffre d’affaires d’un point de vente, en réalisant des dons à des associations pour des personnes dans le besoin, ce qui est plus vertueux qu’en les vendant à une plateforme spécialisée sur les pertes », précise Sylvia Touboulic Barreteau, directrice générale déléguée responsable du développement et de la stratégie RSE à La Mie Câline.
Opérer une bascule dans le cerveau : passer du mode automatique au mode adaptatif
Immanquablement, la RSE bouleverse la manière d’opérer des enseignes dans leur service aux franchisés.
« Ces nouvelles pratiques en matière de RSE dans le savoir-faire vont impacter la manière d’animer un réseau, aussi bien individuellement que collectivement. De même, elles seront incluses dans la formation des collaborateurs des franchisés afin de les sensibiliser à ces méthodes, en montrant leur intérêt.
La RSE doit aussi devenir un sujet, une dimension prise en compte, dans chaque Commission de travail : achats, informatique, communication, etc. », précise Laurence Vernay, dirigeante du cabinet TGS France Avocats.
Plus généralement, « pour se lancer dans une démarche RSE, la première chose à faire pour un franchiseur est d’octroyer à ses collaborateurs, comme à ses franchisés – notamment ambassadeurs –, un espace-temps pour réfléchir, notamment à travers des réunions collaboratives.
Il faut opérer une bascule dans le cerveau – passer du mode automatique au mode adaptatif – et donc rassembler les conditions pour la permettre : faire se rencontrer des gens différents, dans des lieux différents, surprendre sur la méthode de travail pour éveiller les consciences et entrevoir le champ des possibles comme, par exemple, avec le ludo-éducatif.
Les conférences ne marchent pas : l’utilisation du corps aide à se mettre en action et le jeu est un excellent vecteur, sans essence dramatique paralysante. Le changement n’est pas nécessairement douloureux, il contient aussi du plaisir et du bonheur.
Concernant le réseau, il faut mêler les visions court terme du franchisé, et long terme du franchiseur, de la réciprocité pour comprendre le quotidien de l’autre. Pour le franchisé, c’est comprendre que pour que son investissement soit durable, les réflexions et les réponses doivent être apportées dès aujourd’hui.
Exemple : la future recrue jauge l’employeur dès l’entretien d’embauche. La démarche RSE touche, par exemple, les conditions de travail, qui doivent s’avérer épanouissantes, comme à travers de la flexibilité dans les horaires, pour entraîner une équipe de football ou garder ses enfants. Cette personnalisation amène une écoute réciproque plus forte. On règle la destination et on choisit de prendre ensemble le même chemin professionnel », poursuit Delphine Lopez.
Attention, toutefois, aux fausses bonnes idées…
Il subsiste de fausses bonnes idées en matière de RSE.
« Comme la communication verte ou green washing, qui consiste, de façon perfide, à mettre en avant une initiative qui pourrait laisser entendre au consommateur que vous êtes vert, alors qu’elle est parfois simplement rattachée à l’obligation légale en la matière, comme l’interdiction des sacs plastiques en commerce.
Ou encore, il ne faut pas penser qu’on est experts de tout, notamment en matière d’énergie. D’après notre expérience, les meilleurs experts RSE sont issus de l’ingénierie. Il faut savoir si toute initiative sur le moyen ou long terme est réellement bénéfique pour la Planète, ce qui nécessite des connaissances techniques, économiques et financières poussées », souligne Jocelyne Leporatti, présidente du collectif Génération Responsable.
Franchise : former des apprentis, les voir grandir… jusqu’à devenir chefs d’entreprise
Si la RSE fait progresser la santé et le bien-être au travail, elle peut aussi améliorer la qualité de vie en général… comme après un cancer.
« La beauté n’est pas futile, elle aide à mieux vivre. C’est aussi pourquoi nous avons lancé, en 2020, un partenariat avec une marque de compléments capillaires et perruques allemande, Ellen Wille, leader européen, pour accompagner nos clientes dans les moments heureux, comme lors de fêtes, ou plus délicats, en particulier quand elles sont touchées par le cancer.
Nous avons proposé une formation et un accompagnement à nos réseaux Dessange et Camille Albane, pour se déclarer comme fournisseur de perruques et disposer de l’agrément nécessaire au remboursement de cette prestation par la sécurité sociale. Ce complexe, pour les femmes dont la chevelure se dégarnit, peut être l’occasion de changer de tête, le temps d’une soirée, en s’inscrivant dans la mode. Qui mieux que votre coiffeur peut vous proposer une telle expérience capillaire ? », conclut Sophie Joubrel.
Précisons aussi, au niveau sociétal, que dans le cadre de l’égalité des chances, 95 % des ouvertures dans le groupe Dessange International sont aujourd’hui effectuées par des membres du réseau. Nombre d’apprentis sont devenus chefs d’entreprise, pouvant détenir plusieurs salons.
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