[Histoire d’entrepreneur] Bien que sécurisante, la franchise n’est pas une assurance tout risque. Consommation en berne, hausse des charges fixes, mauvaise appréhension du marché, concept mal éprouvé… les raisons d’un échec sont aussi nombreuses que variées. Laurent Secq, ancien franchisé dans le retail, a accepté de raconter sa sortie de route.
Comme plus d’un tiers des Français*, après vingt-cinq ans de salariat, Laurent Secq, 55 ans, a eu envie de goûter à l’entrepreneuriat. En 2020, il négocie une rupture conventionnelle avec son ancien employeur avec l’idée de donner du sens à son projet de vie. « Je ne voulais pas me lancer seul. Entrer au sein d’une réseau de franchise était une bonne option. Ne connaissant pas tous les rouages du fonctionnement d’une entreprise, je souhaitais être accompagné ». Il signe rapidement avec une enseigne de distribution dans le vrac qui lance un nouveau concept de supermarché. « Cela répondait à mes valeurs écologiques et le marché affichait à l’époque +40 % de croissance. En plus, il n’y avait pas de magasins de ce type dans les Yvelines, là où j’habite depuis plus de 20 ans ». Après les délais d’usage (recherche du local, business plan, étude de marché…), le point de vente ouvre en octobre 2021, sur le rond-point d’une zone commerciale en plein renouveau, tirée par la présence d’un Auchan.
Sur le papier, tous les signaux sont au vert. Quant à l’enthousiasme de Laurent Secq, il est au plus haut, entre l’envie de faire bouger les lignes pour une consommation plus responsable et l’euphorie de participer à une aventure entrepreneuriale où il y a tout à construire. « J’ai apporté 70 000 euros, avec le franchiseur en co-actionnaire, et emprunté sans difficulté environ 300 000 euros. Mon apport personnel venait de mon indemnité de départ. Je souhaitais la réinvestir dans un nouvel outil de travail ».
Trop de travaux, pas assez de clients dans son commerce
Que s’est-il donc passé pour que le rêve tourne au fiasco ? En France, l’échec reste tabou et peu d’entrepreneurs se confient sur leur plantage. Avec le recul, Laurent Secq, aujourd’hui retourné au salariat, se l’explique. « J’ai essuyé les plâtres avec ce concept qui avait peu de recul. Le coût des travaux – 100 000 euros- a explosé et s’est avéré bien au-dessus de mes prévisionnels. Au bout de trois mois d’exploitation, je n’avais plus de trésorerie ». Le marché s’est, de son côté, rétracté, avec primo des clients plus méfiants sur l’hygiène des produits sans emballages suite au covid et, secundo, un début de montée de l’inflation.
« Avec 400 à 500 clients par semaine et un panier moyen à 35 euros, le magasin a bien démarré. Mais il n’a pas dépassé ce palier dans les mois qui ont suivi alors que le business plan préconisait entre 700 et 750 clients semaine pour être rentable ». Enfin, Laurent Secq, qui s’était toujours posé la question de savoir s’il était fait pour l’entrepreneuriat, fait son propre méa-culpa. « J’ai toujours été un très bon numéro 2 dans mes postes de salarié et de responsable commercial. Je n’ai pas fait de bilan de compétences quand je me suis lancé, peut-être aurais-je dû pour voir si j’avais la fibre entrepreneuriale ? Et rapidement, je me suis ennuyé dans le magasin. Il n’y avait pas grand monde en semaine, le pic d’activités ayant lieu le week-end ».
Au bout de six mois, malgré l’aide du franchiseur qui lui propose des actions de communication et un coup de pouce pour financer l’écart lié aux travaux, le quinquagénaire décide de jeter l’éponge. « Je ne voulais pas m’endetter davantage et mettre ma famille en péril. D’un commun accord avec le réseau, nous avons rompu le contrat de franchise et le franchiseur a racheté mes parts pour continuer en propre ».
Savoir dire stop avant de trop s’enfoncer
Laurent Secq y a certes perdu des plumes mais il est reconnaissant envers la tête de réseau qui ne l’a pas abandonné et lui a offert une porte de sortie. « Mieux vaut savoir dire stop que de s’obstiner et de finir en burn-out, au bout du rouleau. Il y a toujours un risque, même au sein d’un réseau de franchise, cela reste de l’entrepreneuriat. Je n’ai aucun regret, cette expérience a été très formatrice » poursuit l’ancien franchisé qui ajoute « J’avais 52 ans, c’était peut-être trop tard. Mes enfants rentrent dans leurs études, ce n’était pas le bon moment, je n’étais pas prêt à aller plus loin dans le risque financier ».
Depuis, Laurent Secq a rebondi. Grâce à des posts réguliers sur Linkedin avant, pendant et après son aventure de franchisé, il a reçu une dizaine de propositions d’embauches quand le clap de fin a sonné. « Les gens ont vu cela comme une super expérience. J’ai vite retrouvé un emploi ». Aujourd’hui, il est responsable développement, en CDI, dans la foodtech Omie qui propose des produits d’épicerie bios, issus de l’agriculture régénérative. Un job vertueux qui sonne bien avec sa fibre écolo, qui, elle, est toujours bien présente.
*Etude OpinionWay/ Fédération Française de la Franchise, “Les salariés et la reconversion professionnelle – Entre tentation et inquiétudes”, novembre 2024
Notre résumé en 5 points clés par L’Express Connect IA
(vérifié par notre rédaction)
Voici résumé en cinq points clés de l’article sur le sujet : Échouer en franchise et rebondir : un ex-franchisé témoigne.
Le désir d’entrepreneuriat : Luis Pires, après 25 ans d’activité dans le salariat, décide de se lancer dans une franchise de supermarché de produits en vrac pour réaliser son rêve entrepreneurial, attiré par la croissance de ce marché et ses valeurs écologiques.
Défis rencontrés : Après l’ouverture de son magasin, il fait face à des coûts de travaux imprévus, à une clientèle hésitante suite à la pandémie et à un nombre de clients en-deçà des prévisions. Les difficultés financières et le chiffre d’affaires de son activité entraînent trop peu de rentabilité dans sa franchise.
Importance de l’auto-évaluation : Luis réalise qu’il n’a pas mis en place de bilan de compétences avant de se lancer et que son profil était davantage adapté à un rôle de numéro 2 qu’à celui d’entrepreneur. Cela souligne la nécessité d’une introspection pour évaluer sa capacité à diriger, avant de rentrer dans le monde de la franchise.
Décision de se retirer : Après six mois d’efforts et le bon soutien du franchiseur, il décide de quitter le projet pour éviter un endettement supplémentaire. Cette décision est pleinement réfléchie et orientée vers la préservation de sa famille et de sa santé mentale, les règles d’or.
Nouveau départ : Suite à son expérience, Luis utilise sa visibilité sur LinkedIn pour rebondir. Il reçoit de nombreuses offres et retrouve rapidement un emploi en CDI dans la foodtech, aligné avec ses valeurs.