Avant d’engager de futurs chefs d’entreprise dans l’aventure de son enseigne, le franchiseur doit, en premier lieu, étudier (ou plutôt faire étudier) la faisabilité de son projet.
Avant d’engager de futurs chefs d’entreprise dans l’aventure de son enseigne, le franchiseur doit, en premier lieu, étudier (ou plutôt faire étudier) la faisabilité de son projet.
Son concept doit être duplicable par un indépendant, performant au niveau économique, ainsi que distinctif, voire original pour attirer le client. Objectif : offrir un partenariat gagnant-gagnant à ses futurs franchisés.
Étudier la faisabilité du projet : l’indispensable préalable
Pour toute enseigne désirant se lancer en franchise, un diagnostic de faisabilité est requis. D’une part pour déterminer si le concept apporte un réel avantage économique, et s’il est différencié, transmissible et naturellement secret, c’est-à-dire peu accessible par tous ; d’autre part pour réfléchir à la stratégie de déploiement du concept sur le territoire national, en pensant aussi bien à l’organisation future de la tête de réseau qu’aux services aux franchisés ou encore aux équilibres budgétaires.
« Ce diagnostic de faisabilité permet au candidat franchiseur de se rendre compte de l’investissement humain et financier nécessaire pour créer son réseau. Notre cabinet pose ainsi des alertes ou vigilances à observer sur des éléments identifiés, que les candidats franchiseurs décident de se lancer… ou pas », insiste Emmanuelle Vaillant, consultante associée chez Franchise Management.
Dans l’établissement du cahier des charges du futur franchiseur – juridique, développement, animation, formation, financier, humain -, définir le savoir-faire de la future enseigne demeure le sujet central. « Une fois la chaîne de valeurs du concept établie, on construira le business plan du franchisé – même si c’est à lui d’établir son compte prévisionnel -, en s’appuyant sur les éléments factuels des unités-pilotes, pour en arriver au business plan du franchiseur, devant permettre aux deux partenaires commerciaux de gagner respectivement leur vie », poursuit Emmanuelle Vaillant.
Chercher à développer un réseau de franchise ne suppose pas l’approximation. « Pour deux raisons. D’une part, le système de la franchise, élaboré et affiné depuis 70 ans par de nombreux et prestigieux acteurs, met en œuvre un levier économique puissant qu’il faut savoir maîtriser, sinon le nouveau franchiseur risque de provoquer des « dégâts » pour lui et ses futurs partenaires.
D’autre part, il implique des individualités qui investissent leurs propres moyens financiers dans ce qui est souvent un projet de vie, avec une obligation morale : ne pas envoyer dans le mur par impréparation des candidats à l’entrepreneuriat, en plus des aléas économiques à affronter », explique Laurent Poisson, dirigeant du Cabinet Participe Futur et formateur à la l’Académie de la Franchise.
Analyser la performance commerciale, économique et financière du concept
Pour savoir si le projet de développement d’un réseau en franchise est réaliste, le (voire les) site-pilote est analysé au niveau de sa performance commerciale, économique et financière.
« Le chiffre d’affaires doit être supérieur à la moyenne du secteur, de même que la marge et certains ratios. Exemple : si la vente additionnelle représente 20% du chiffre d’affaires en coiffure, contre 5% habituellement, c’est que le concept sort de l’ordinaire », note Laurent Delafontaine, dirigeant et co-fondateur du cabinet Axe réseaux.
L’avantage concurrentiel doit être réel par rapport aux données connues du secteur. « Exemple : 65% de marge brute dans la pizza, c’est 10 points de moins que la moyenne du secteur. En ajoutant les redevances dues par le franchisé, la rentabilité sera encore plus faible.
La richesse vive de l’entreprise est aussi observée à travers l’excédent brut d’exploitation. Nous regardons aussi si le franchiseur a déjà effectué un travail préparatoire, comme des procédures déjà écrites ou une charte graphique bien normée.
Il faut également examiner les forces et les faiblesses du concept : le futur franchiseur, possède-t-il déjà un assureur ou un agenceur d’intérieur de magasin ? », relève Jean Louvel, associé Progressium, expert en création et structuration en réseaux de franchise.
On doit, en effet, examiner comment est mise en place l’offre de produits et de services, le fonctionnement et l’organisation d’un point de vente, pour estimer si le concept est duplicable en l’état. « Exemple : les fournisseurs, ne couvrent-ils que la zone du pilote, ou l’ensemble du territoire national ? Livrent-ils un produit original, comme par exemple une teinture de coiffure végan, en exclusivité pour le concept ou pour toutes entreprises ? », soulève Laurent Delafontaine.
Entre rareté du concept et nécessité de pouvoir couvrir le territoire national
Il faut aussi définir en quoi le concept est distinctif, quel est son avantage concurrentiel, bref, pourquoi le client irait acheter ses produits et services. Sa rareté joue ainsi au regard de son niveau de valeur ajoutée. « Exemple : un concept d’offres de viandes – tartare, effiloché, grillade –, au départ peu original, mais dont le franchiseur appartient à la 7e génération d’éleveurs de sa famille, et maîtrise toute la chaine de valeur ajoutée, avec un mode de conservation breveté : l’hibernation. Idem pour un concept de soins à la personne : une solution digitale complète pour aider à maigrir, fruit de nombreux travaux de recherche, représente sa rareté.
Il faut cependant se méfier des incitations fiscales pour le secteur, ou tout événement qui ne se maîtrise pas et qui pourrait abîmer la rentabilité du concept. D’autres secteurs sont aujourd’hui saturés, comme le burger.
L’exploitation du concept ne doit pas nécessiter une qualification trop importante, limitant le nombre de candidats potentiels. Ou un apport initial de l’ordre du million d’euros, sans retour sur investissement rapide sous 3 à 5 ans.
Enfin, quel que soit le concept, plus la formation pour le pratiquer est longue, précise et aboutie, plus il existe matière à savoir-faire, et donc à distinction sur le marché. », détaille Laurent Delafontaine.
L’exploitation du concept doit ainsi pouvoir être confiée à un indépendant, sans trop de contraintes techniques. « Faudra-t-il embaucher un pizzaïolo champion du monde ou le savoir-faire est-il aisément transmissible ? », image Jean Louvel.
Manque de sécurisation et précipitation : deux erreurs communément commises
D’autres éléments factuels, notamment juridiques, sont pris en considération. Selon l’expérience d’Axe Réseaux, la marque reste l’élément stratégique ayant posé le plus de problèmes.
Les valeurs humaines de l’entreprise, et à titre personnel, les réelles motivations du potentiel futur franchiseur comptent également. Est-ce que le projet de développer un réseau est engagé par opportunité… ou par volonté de transmettre son savoir-faire et d’accompagner des entrepreneurs dans un projet de vie ?
« Certains ne sont pas prêts à transmettre, car ce choix signifie que leur concept sera un peu dénaturé. D’autres craignent qu’en transmettant leur savoir-faire, cela augmentera le risque de le copier en dehors du réseau. C’est vrai dans l’absolu, mais ce ne sera pas le cas si les recettes secrètes sont conservées dans une « boîte noire », à laquelle les franchisés n’auront pas accès : code du système informatique, négociations à l’achat avec les fournisseurs, etc. », précise Emmanuelle Vaillant.
Certaines erreurs sont régulièrement commises par les jeunes franchiseurs. « D’une part, en ne sécurisant pas le concept et ses savoir-faire, en pensant qu’ils peuvent se développer seuls. D’autre part, en voulant se développer rapidement, sans prendre le temps de finaliser le concept, de modéliser son savoir-faire et de mettre en œuvre les process d’animation. Il ne faut jamais penser qu’un contrat de franchise suffit pour construire un réseau, ni sous-estimer les ressources humaines et financières pour que son concept soit attractif et visible », ajoute Emmanuelle Vaillant.
« Souvent, il faut tempérer les jeunes franchiseurs, leur faire prendre conscience de l’importance de ce que représente, pour chaque partie, l’engagement avec les premiers franchisés. Il demeure impossible d’aller loin sans soigner tous les détails de la transmission du concept », précise Laurent Poisson.
Quelques cas de lancement en franchise
La Fabrique Cookies : un concept monoproduit
À chaque futur franchiseur de trouver son idée originale. Exemple : se concentrer uniquement sur le cookies, comme la Fabrique Cookies, qui commence à opérer son développement en franchise.
« Notre concept, qui existe depuis 2012, consiste à vendre uniquement des cookies à emporter, sortant du four, encore fondants, et aucune autre marchandise tels que des muffins ou bagels. Des produits dérivés sont également proposés comme des boîtes, des cookies géants, des pots « do it yourself » pour les cuisiner soi-même, et bientôt, une glace avec nos cookies.
Étant gourmand depuis toujours, j’ai mis six mois à mettre au point ma recette de cookies – car j’en avais marre de manger toujours les mêmes ! – et à maîtriser le produit, avant de me lancer sur un marché en croissance depuis son existence.
J’ai d’abord vendu mes cookies par Internet, en les livrant moi-même, avant d’ouvrir, à 28 ans, ma première boutique à Paris. Cette période m’a permis de commettre suffisamment d’erreurs pour apprendre à vendre ce produit, jusqu’à savoir choisir un emplacement pour une boutique », raconte Alexis de Galembert, fondateur et dirigeant de La Fabrique Cookies.
Louis Herboristerie : site pure player au départ
« Notre concept consiste en une herboristerie, proposant des produits issus de phytothérapie en B to C. À l’origine, nous n’étions qu’un site pure player. Nos avis d’experts étaient fournis par téléphone ou mail. En 2020, nous avons ouvert notre première boutique physique à Charleville-Mézières. Le bail a été signé deux jours avant le premier confinement dû à la Covid…
Le déclic pour se développer en franchise est venu des nombreuses sollicitations des futurs franchisés pour reproduire le concept dans leur ville. Une étude de rentabilité nous a décidé à franchir le pas. L’organisation du magasin a été retravaillée durant deux ans. Comme nous sommes issus du Web, l’information importante déjà écrite, ce qui nous facilite aujourd’hui la rédaction du manuel opérationnel.
Notre objectif est aujourd’hui d’accompagner le métier d’herboriste dans la modernité, par exemple à travers le choix du mobilier, une carte fidélité ou une newsletter pour les clients, tout en respectant les codes traditionnels, comme par exemple un grand comptoir ou la présence de plantes. Notre volonté est de conserver la qualité du conseil dans les herboristeries, à travers les formations initiale et continue », indique Louis Gobron, fondateur et dirigeant du réseau Louis Herboristerie.
DreamAway : l’exemple d’un marché cousin de l’industrie du cinéma
Les nouvelles technologies ont naturellement donné naissance à des concepts, d’autant que pour se concentrer sur la relation avec la clientèle… mieux vaut disposer de la garantie de pouvoir trouver, dans l’urgence, des solutions aux problématiques techniques rencontrées… face au client !
« Notre concept permet de faire découvrir la Réalité Virtuelle au plus grand nombre et de proposer des aventures collaboratives à des équipes amicales, familiales ou d’entreprises, pour leur faire vivre un moment hors du temps. Il offre un sentiment d’immersion vécu par le client et directement corrélé à la surface au sol disponible – plusieurs dizaines de mètres carrés – et à la dimension sociale – donc au paramétrage simultané de plusieurs casques.
Le modèle de la franchise, sans le connaître au lancement de notre premier espace de réalité virtuelle, s’est imposé comme le meilleur moyen de construire un réseau d’envergure en maillant rapidement le territoire et en imposant notre marque, par le partage de son histoire avec des entrepreneurs locaux. D’autant plus que la technologie de la réalité virtuelle a vocation à se diffuser dans les entreprises et auprès des particuliers.
Nos franchisés doivent posséder un esprit pionnier pour exploiter une technologie avec des usages et applicatifs infinis, en sachant bien la maîtriser et la partager avec le public, sur un marché en pleine construction, mais en rapide évolution », expose Arthur de Choulot, dirigeant-fondateur de DreamAway.
Franchiseur : savoir simplifier le travail du franchisé
Enfin, le système de franchise permet également de se positionner sur de nouveaux besoins.
« Après un test sur 3 unités-pilote en 2018, nous avons lancé le réseau Préservation du Patrimoine Energie quatre ans plus tard. Grâce à la qualité de nos partenariats, nous apportons un bénéfice majeur à nos franchisés : lever les barrières à l’entrée du métier des énergies renouvelables, notamment sur les assurances décennales, qualifications et accréditations chez les financeurs. Ce concept est d’autant plus pertinent que notre pays est aujourd’hui en situation d’urgence énergétique depuis le début de l’année et que la demande est très forte.
Notre travail de franchiseur est de simplifier le travail du franchisé, en lui apportant des outils pour professionnaliser l’approche du client et en lui simplifiant la pratique du métier sur le plan administratif, technique et commercial. Exemple : nous avons créé un service pour les franchisés dédiés à la gestion des aides financières.
D’autre part, il est essentiel de proposer des outils innovants, qu’un indépendant ne pourrait avoir seul. Dans notre concept, tout est ainsi digitalisé, de la réception du prospect à la facturation du chantier, jusqu’aux indicateurs de rentabilité. Nous avons également développé des configurateurs digitaux capables de dimensionner les installations chez nos clients de manière précise et ajustée économiquement.
Enfin, l’équipe du franchiseur doit être dimensionnée par rapport au nombre de franchisés. La structure dédiée au suivi et l’animation de nos 3 réseaux compte 80 collaborateurs, et reste en constante progression », conclut Sébastien Vernay, directeur général associé du réseau Préservation du Patrimoine Energie.
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