Stratégies adoptées par l’acquéreur dans l’opération, choisir entre créer et reprendre un réseau, pourquoi il ne faut jamais sous-estimer la qualité de la relation entre le dirigeant cédant et les franchisés, quels sont les points de vigilances…
Nous vous expliquons le contexte d’une reprise de réseau de franchise et vous donnons tous les préalables avant de vous lancer dans une telle opération, dont la dimension humaine demeure la plus importante à savoir appréhender.
Dépasser un dirigeant en limite de compétences, au niveau technique ou financier
Dans le cadre d’une acquisition de réseau de franchise, le cessionnaire cherche généralement à adopter l’une des stratégies suivantes :
- Absorption du réseau acheté pour une fusion progressive, avec disparition de la marque d’origine et une croissance en parts de marché attendue.
- Création d’un portefeuille de marques par un professionnel du secteur.
- Accès à des produits et services complémentaires à son offre d’origine sur un secteur particulier (vêtements « hommes » pour une marque de vêtements « femmes »).
- Acquisition d’un savoir-faire, d’un outil de production, d’actifs (parfois, à céder), d’un lieu de stockage et de logistique, ou encore d’une marque à développer à l’export (en la supprimant du territoire national).
- Organisation de sa propre concurrence.
- Élargissement de sa présence sur un marché.
- Présence dans une zone géographique non développée.
Ces stratégies peuvent avoir des origines, voire des conséquences, plus profondes. « Plusieurs typologies de transmission peuvent se présenter, comme la reprise effectuée par un fonds d’investissement pour une enseigne en manque de fonds. Ou le développement rapide d’un réseau pour un dirigeant fort dans un seul domaine comme la communication. Ou encore, un phénomène de concentration entre réseaux pour une croissance externe, parfois avec des contentieux entre les équipes quand ils ont été longtemps concurrents.
Selon une enquête annuelle de la Banque Populaire, 70 % des réseaux de franchise sont dirigés par le fondateur de l’enseigne. Or, les entreprises doivent toutefois dépasser leurs dirigeants, qui peuvent se retrouver en limite de compétences, au niveau technique ou financier, ou devoir faire face à un retournement du marché », précise Olivier Mignot, associé chez Franchise Management
Préférer la reprise à la création de réseau : pour accélérer le retour sur investissement
Avocate associée dans le cabinet Simon Associés (côté franchiseurs), Sandrine Richard observe, de son côté, essentiellement deux visions dans la vente de réseaux de franchise : « D’un côté, un départ en retraite du dirigeant de l’enseigne, la volonté de son créateur de céder tout ou partie du capital pour en obtenir une forte valorisation, ou encore un fondateur en difficulté cherchant à anticiper des problématiques avant cessation des paiements dans le cadre de procédure collective.
De l’autre, une opération de croissance externe avec des objectifs divers comme permettre à un fonds d’investissement de se positionner sur un nouveau marché, par exemple en s’appuyant sur des salariés de l’entreprise repreneurs ».
Enfin, le futur franchiseur peut préférer la reprise à la création d’un réseau de franchise. « Le coût de création d’un réseau est estimé à minima par la Fédération Française de la Franchise à 150 000 €, et consommatrice de cash avant un retour sur investissement avantageux.
En effet, cette opération exige de longues années d’efforts, du prototype du concept à l’industrialisation de son développement, avant de connaître ce moment, qui reste le plus intéressant financièrement parlant. De plus, la vitesse de déploiement est toujours liée au niveau de son compte en banque… », reprend Olivier Mignot.
Le réseau de franchise : un actif particulier
Dans le cadre d’une reprise d’un réseau, un audit s’avère indispensable, aussi bien au niveau des documents juridiques, que pour les risques de contentieux avec les franchisés, la présence et la capacité d’innovation de l’enseigne sur son secteur d’activité ou encore la manière de pratiquer le métier de franchiseur.
La question juridique est notamment d’importance pour une raison propre à ce type de transmission. « Un réseau de franchise consiste en un actif particulier qui repose sur des individualités, celles des franchisés qui le composent. Le contrat de franchise est conclu pour une durée déterminée. Cet actif valorisant risque de disparaître partiellement au moment de la cession du réseau.
D’autre part, la solidité économique du modèle peut révéler des failles, et nécessiter des améliorations de la situation du franchiseur et des franchisés. Cela peut consister en un besoin d’améliorer les conditions d’approvisionnement du franchiseur par exemple, ce qui aura un impact sur l’ensemble des franchisés.
Dans le diagnostic opérationnel du réseau, il est utile de vérifier les outils mis à disposition des franchisés, et la capacité à les faire perdurer. Enfin, il est fondamental d’analyser les contrats de tous les franchisés pour savoir s’ils sont identiques ou non et surtout s’ils ne comprennent pas d’anomalies juridiques », détaille Sandrine Richard.
Ne jamais sous-estimer la qualité de la relation entre le dirigeant cédant et les franchisés
Autre sachant majeur dans ce type d’opération : l’expert-comptable, qui doit intervenir le plus tôt possible dans une cession de réseau de franchise. « D’une part, dans un rôle d’accompagnateur, pour réfléchir avec le dirigeant dès le milieu de la vie du réseau sur son avenir. D’autre part, pour être force de propositions pour organiser juridiquement le réseau afin de le céder de la façon la plus optimisée possible, à travers son regard externe neutre sur la valorisation d’une entreprise.
Par exemple, en définissant la détention de la marque ou le sort des succursales, ou en prévoyant un développement potentiel du réseau », indique Stéphanie Cinato di Fusco, directeur national du marché franchise & commerce organisé du groupe In Extenso.
Avant d’insister, elle aussi, sur la dimension humaine de ce type d’opération : « Dans le cadre de l’évaluation du prix de cession d’un réseau de franchise, il ne faut jamais sous-estimer la qualité de la relation entre le dirigeant cédant, souvent fondateur, et les franchisés. On reprend avant tout des chefs d’entreprises, et donc une relation humaine dont il faut anticiper l’organisation future.
Cette évaluation dépend notamment de l’historique et de la taille du réseau, de l’ancienneté des franchisés et de leur dépendance au dirigeant fondateur. Le taux d’évaporation des franchisés est un risque à prendre en compte. »
Des points de vigilance comme le « réseau dans le réseau »
Dernier élément déterminant, qu’il faut savoir appréhender : le financement de la cession de l’enseigne, toujours en veillant à la dimension humaine de l’opération.
« La reprise d’un réseau de franchise possède la particularité de devoir considérer la relation contractuelle avec les franchisés, ainsi que le savoir-faire du franchiseur et sa transmission.
Pour estimer la valeur du réseau, il faut donc étudier ses actifs : rentabilité, santé financière, portefeuille clients, croissance, outil de production, s’il existe, et niveau de sa mise à jour, outils digitaux, derniers investissements réalisés… De même, on doit analyser les franchisés : santé financière, état d’esprit, relations avec la tête de réseau et le franchiseur, entrée et sortie depuis 3 à 5 ans…
Il existe des points de vigilance comme le « réseau dans le réseau », c’est-à-dire des franchisés majeurs pesant parfois plus de 10 % des points de vente. On termine par une étude de marché, notamment pour estimer le potentiel de croissance et le niveau de la concurrence », estime Benoît Fougerais, co-fondateur et directeur général de Pretpro.fr (réseau d’experts indépendants en solutions de financements professionnels).
Transmission de réseau : conséquences positives… ou négatives
Tous ces fondamentaux dans le cadre d’une transmission (management du réseau, juridique, expertise-comptable, finances) sont impérativement à savoir appréhender, car les conséquences d’une reprise peuvent être très variables en fonction du projet porté par le repreneur, ainsi que des moyens financiers et humains investis.
« La cession d’un réseau de franchise peut avoir des conséquences positives pour ses franchisés, par exemple si le repreneur apporte un capital et une nouvelle énergie à une enseigne avec un développement laborieux, et donc plus de prestations aux points de vente.
Ou des conséquences négatives quand le nouveau franchiseur ne maîtrise pas le secteur d’activité, ou qu’il cherche simplement à placer son matériel, en imposant de nouveaux investissements aux franchisés. Cette situation peut se rencontrer dans les secteurs où le matériel est coûteux comme les salles de sports », conclut Monique Ben Soussen, fondatrice du cabinet BSM Avocats (côté franchisés).
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