Se lancer dans l’expansion de son enseigne à l’étranger, c’est tentant et souvent rentable. À condition de faire des choix éclairés. Conseils d’experts et témoignages de franchiseurs qui ont franchi le cap.
Assoir ses positions en France avant de viser une exportation dans les marchés étrangers
Les experts sont unanimes sur le sujet : on ne duplique pas son concept à l’international tant que l’on n’a pas saturé son marché domestique. « Disposer de seulement 10 points de vente en France est par exemple insuffisant pour se déployer à l’étranger. Le concept n’est pas encore bien éprouvé », insiste Thierry Rousset, consultant en franchise spécialisé dans le secteur de la restauration au sein du cabinet QSR Consultant.
Ne pas céder aux gros chèques des investisseurs étrangers
« Quand on interroge les franchiseurs sur leurs motivations à se lancer sur des marchés étrangers, la réponse la plus classique est : “J’ai reçu des demandes d’informations d’investisseurs dubaïotes qui ont découvert mon réseau dans les beaux quartiers parisiens ou sur la Côte d’Azur”. Ça flatte l’ego du franchiseur surtout s’il s’agit d’un petit réseau, mais attention à ce piège. L’appât du gain n’est pas une raison suffisante pour franchiser un concept à l’étranger », prévient Thierry Rousset. Obtenir un gros chèque (même si les prix ne sont plus ce qu’ils étaient) n’est pas une garantie de réussite du déploiement à l’international. Pour que cela fonctionne, il faut trouver un partenaire local solide et prêt à s’investir à fond. « En donnant la master franchise de son enseigne, le franchiseur français s’embarque pour 7 ans et cela ne bloque pas seulement un territoire mais tout un pays. Le plus efficace est, selon moi, de tester un franchisé sur une ville à l’étranger et s’il obtient de super performances, est en phase avec les valeurs du réseau et a une solide assise financière, alors la signature d’un contrat de master franchise peut être envisagée », soutient François-Xavier Awatar, avocat associé au sein du cabinet CMS Francis Lefebvre et expert de la Fédération Française de la Franchise.
Avoir les moyens pour l’ambition d’une entreprise internationale
Ne nous leurrons pas, une expansion internationale coûte cher . « Le franchiseur français va devoir se rendre sur place, trouver des partenaires, des médias pour communiquer, payer des avocats locaux… S’il opte pour un joint-venture, il devra mobiliser des fonds pour la société commune. Il va également rencontrer des problématiques d’association avec son associé. Qui va avoir quels droits ? Quid de la répartition des gains ? », illustre François-Xavier Awatar. Le droit des sociétés rajoute des difficultés supplémentaires. Pour réussir un déploiement de réseau à l’international, il faut donc avoir des moyens et du temps. « En France, le franchiseur doit disposer d’un directeur du développement international mais aussi un animateur réseau dédié pour trouver les locaux, les fournisseurs… S’il ne parle pas anglais, cela risque également de compliquer les choses », ajoute-t-il.
Checker la réglementation locale et les modes de consommation
Avant de se lancer à l’international, le franchiseur doit évidemment vérifier que la législation locale autorise la pratique de son métier de franchisé dans les mêmes conditions qu’en France. « Au Maroc et en Asie, le transfert d’argent des redevances ne fonctionne par exemple pas de la même façon que dans l’Hexagone », souligne Clément David, directeur du développement international de Cavavin, un réseau comptant 22 points de vente à l’international. « Avant d’ouvrir un pays, on analyse évidemment la consommation locale des vins et spiritueux mais aussi, si le territoire est producteur de vins ou pas. C’est par exemple compliqué de dupliquer notre concept qui comprend 60 à 70 % de vins français et le reste de vins étrangers dans des pays producteurs de vins comme l’Espagne et l’Italie. On se retrouverait en boutique avec 60 références françaises, 20 italiennes ou espagnoles et 20 d’autres contrées. Cela n’a pas de sens. On vise donc plutôt des pays non producteurs », détaille-t-il.
Viser des pays « amis » pour son internationalisation
Il n’y a évidemment pas de règle immuable sur les contrées à développer en premier car tout dépend de l’activité de l’enseigne. Mais quand même. « Débuter son développement dans des pays limitrophes de la France comme le Luxembourg, la Suisse, la Belgique, l’Allemagne et un peu plus loin dans l’Union Européenne est très important. Cela permet au franchiseur de tester ses capacités d’approvisionnement sur ces territoires et de visiter régulièrement ces pays plus facilement et sans frais de transport exponentiels », argumente Thierry Rousset (QSR Consultant). La technique de l’escargot en somme !
Prendre son temps pour son expansion dans un pays
« Sauf à vouloir vendre dans les 5 ans, la franchise est un marathon et pas un sprint. Il faut trouver son rythme et surtout courir à son rythme », prévient d’emblée Hadri Jaffal, co-fondateur et PDG d’Iron Bodyfit lors d’une visio organisée à 5 heures du matin pour celui qui est en ce moment installé outre-Atlantique afin de développer et consolider la présence de son enseigne aux États-Unis. Et en matière de rythme, ce franchiseur sait de quoi il parle. Pour attaquer le marché américain, il a vu grand de suite en lançant ses centres d’électrostimulation en master franchise dans de nombreux États américains car la loi était différente à chaque fois. « On a débuté en succursales dans trop d’États. C’était une grosse erreur. On a appris à perdre 500 000 euros en deux ans. Désormais, on concentre notre développement en franchise sur la Floride et New-York », raconte-t-il. « Ouvrir tout un territoire de manière simultanée est impossible car cela coûte trop cher.
À l’international, le développement est même souvent plus lent qu’en France », souligne François-Xavier Awatar (cabinet CMS Francis Lefebvre). Savoir prendre son temps peut rapporter gros. « Rayonner à l’international permet au franchiseur de toucher des royalties supplémentaires et ajoute également de la notoriété à la marque en France. Ce qui peut lui permettre d’augmenter les droits d’entrée dans l’hexagone car sa marque vaut plus cher », conclut-il. Quand l’international devient un puissant effet de levier pour la France !
Notre résumé en 5 points clés par L’Express Connect IA
(vérifié par notre rédaction)
Voici résumé en cinq points clés de l’article sur le sujet : Franchise : comment savoir quand se lancer à l’international ?
Consolidation du marché domestique : Avant de se lancer dans l’excellente opportunité que peut représenter l’international, il est crucial de bien établir son réseau en France et de se poser les bonnes questions. Disposer d’un nombre suffisant de points de vente permet de tester et d’optimiser le concept.
Éviter les gains rapides : L’attrait des investissements étrangers et des clients potentiels ne doit pas précipiter la décision d’expansion. Il est essentiel de choisir un partenaire local solide et engagé, plutôt que de se laisser séduire par des opportunités financières immédiates.
Préparation financière rigoureuse : L’expansion internationale des entrepreneurs nécessite des ressources financières importantes pour couvrir les frais de déplacement, d’approvisionnement, de conformité légale et de gestion et adaptation à des partenaires locaux.
Analyse des réglementations et habitudes de consommation : Il est primordial de vérifier les lois locales et de comprendre les comportements d’achat, les différences culturelles afin d’adapter son offre aux spécificités culturelles et économiques des marchés ciblés.
Stratégie d’expansion progressive : Il est recommandé de commencer par des pays cibles proches, pour tester son modèle et son plan d’action, de prendre le temps d’organiser l’expansion et de choisir ses marchés avec soin, car un développement réfléchi renforcera la notoriété et la rentabilité à l’échelle internationale.