Planter le drapeau de son enseigne aux Etats-Unis, en Afrique ou en Europe ? L’exercice n’a rien d’une sinécure, et seul 1 réseau sur 5 y parvient. Les conseils de François-Xavier Awatar, avocat chez CMS Francis Lefebvre.
New York, Bruxelles, Dubaï, Marrakech… C’est toujours avec une fierté non dissimulée que les franchiseurs annoncent l’ouverture d’un point de vente à l’étranger. Et pour cause : seulement 20 % des franchiseurs françaises possédaient des points de vente hors de nos frontières en 2020, d’après l’enquête annuelle sur la franchise réalisée par la Fédération française de la franchise (FFF) et Banque populaire. Les investissements élevés, les contraintes juridiques et les nécessaires adaptations locales expliquent cette faible présence à l’international. Cependant, quand elle est bien préparée, cette option offre un vrai relais de croissance aux enseignes. François-Xavier Awatar, avocat associé en droit économique et expert auprès de la Fédération française de la franchise, détaille ici la liste des points à vérifier avant de se lancer.
Vous avez accompagné une centaine de réseaux dans leur développement à l’international. Quels pays visent-ils prioritairement, et pourquoi ?
François-Xavier Awatar : Pour une question de proximité et de simplicité, les pays frontaliers, comme la Belgique, l’Espagne ou l’Allemagne, sont privilégiés, car ils sont très proches de notre culture et de notre réglementation. Beaucoup de concepts s’exportent néanmoins très bien dans les pays du Maghreb, aux Emirats arabes unis, en Afrique et en Amérique du Nord, continent de la franchise par excellence. Dans les faits, il n’y a pas de bons ou de mauvais pays. Un réseau de boulangerie trouvera par exemple autant sa place à New York qu’à Bogota.
En Afrique, où de plus en plus de personnes possèdent de belles voitures, les réseaux d’entretien automobile ont une carte à jouer. Mais, avant d’aller chercher des relais de croissance à l’export, il est indispensable de s’assurer de la pertinence de son concept sur le marché visé et de l’intérêt des consommateurs. Certaines enseignes se réfèrent au taux de clic Internet venant de l’étranger pour choisir leur futur pays d’adoption ; d’autres s’interdisent les pays non anglophones. En réalité, tout est question d’envie, de sensibilité, d’ambition et bien sûr de moyens.
À quel stade de son développement une marque peut-elle songer à traverser les océans ?
François-Xavier Awatar : Y a-t-il un bon moment pour le faire ? Il faut au préalable avoir fait ses preuves en France, avec des pilotes, des points de vente rentables, un concept rodé et des process maîtrisés. J’aime à dire qu’une stratégie internationale ne doit être engagée qu’à partir du moment où l’enseigne gagne de l’argent et n’en a pas besoin pour survivre. Cependant, l’export est souvent une affaire d’opportunités, et il arrive que de très jeunes réseaux, avec seulement quelques points de vente, partent à l’international à la suite d’un contact sur un salon ou d’une rencontre. Dans ce cas, il faut encore plus s’entourer, et ne pas céder à la tentation de l’export pour l’export.Il faut en moyenne un an pour s’implanter dans un pays étranger.
Quelles sont les étapes à franchir pour ouvrir son réseau à l’international ?
François-Xavier Awatar : À l’étranger, on repart d’une feuille blanche. Tout est à construire, et tout prend deux fois plus de temps. En premier lieu, il est indispensable de nommer une personne dédiée à l’export, qui se rendra sur place plusieurs fois pour étudier le marché, rencontrer les acteurs locaux, identifier la concurrence, prendre connaissance de la législation… Les fédérations de franchise à l’étranger [NDLR : la FFF en propose une liste sur son site*), les missions locales et les chambres de commerce internationales sont à ce stade très utiles, car non seulement elles fournissent des données quantitatives et qualitatives, mais elles possèdent aussi un carnet d’adresses fourni.
Chaque pays ayant ses coutumes et ses spécificités géographiques, il est rare de pouvoir calquer son offre à l’identique à l’export. Des adaptations sont souvent nécessaires, particulièrement dans la restauration, où les recettes doivent être retravaillées et mises au goût des consommateurs locaux. Selon les pays, certaines couleurs sont également malvenues, comme le jaune en Amérique latine ou le blanc en Inde. Cela suppose souvent de refondre son concept tout en préservant son identité et son ADN. Toute cette phase préparatoire est longue et coûteuse, d’où l’importance de bien connaître les spécificités commerciales, juridiques et politiques du pays cible.
Y a-t-il des pays plus difficiles d’accès que d’autres ?
François-Xavier Awatar : En Asie et au Moyen-Orient, les marchés sont compliqués : les cultures sont différentes, les montages fiscaux très encadrés, et il faut parfois accepter de négocier avec de gros conglomérats, voire des familles fortunées – au Qatar, par exemple. Aux Etats-Unis, en plus du droit fédéral, chaque Etat possède ses propres lois. C’est un pays dans un pays, et les habitudes de consommation sont très disparates entre les habitants du Texas et ceux de New York ou de Miami. Sans compter les coûts des procès, fréquents et coûteux ! Les avocats américains, indispensables pour régler les litiges, facturent en moyenne 700 euros de l’heure, soit deux fois plus qu’en France.
Evidemment, les Etats à la situation géopolitique instable, comme l’Ukraine, sont déconseillés. En revanche, le Maroc représente une excellente porte d’entrée sur le continent africain : c’est un pays ami de la France de longue date, il est politiquement stable, et l’on y parle français. De leur côté, les Emirats arabes unis sont depuis quelques années le nouveau terrain de jeu des franchiseurs. Sur place, on trouve beaucoup d’expatriés, et c’est une destination de choix pour de nombreux influenceurs. D’un point de vue marketing, c’est une excellente destination, qui assure énormément de visibilité.
Le choix des partenaires locaux est primordial. Comment être sûr de sélectionner les bons “ambassadeurs” pour se lancer ?
François-Xavier Awatar : Que ce soient des masters franchisés, des sociétés d’import ou des entrepreneurs indépendants, les partenaires doivent connaître parfaitement le marché, les pratiques commerciales, les rouages de la négociation d’un contrat et tous les aspects des affaires locales. Il faut vérifier leur solvabilité financière, s’assurer de leur vision à long terme, se mettre d’accord sur les objectifs de développement, et prévoir des clauses de rachat des contrats des franchisés en cas de défaillance du partenaire local. Ces garde-fous permettent d’éviter les problèmes, et notamment les litiges, toujours plus difficiles à gérer à 5 000 kilomètres de distance.*
www.franchise-fff.com/wp-content/uploads/2023/04/liste-world-franchise-council-2022.pdf
Notre résumé en 5 points clés par L’Express Connect IA
(vérifié par notre rédaction)
Voici un résumé en cinq points clés de l’article sur le sujet du développement international des franchiseurs français.
Faible présence internationale : Seulement 20 % des enseignes françaises ont des points de vente à l’international en raison des investissements élevés, des contraintes juridiques, et des adaptations locales nécessaires, mais une expansion peut offrir une croissance significative.
Conditions pour s’exporter : Avant de s’aventurer à l’international, un franchiseur français doit être rentable en France avec un concept éprouvé, bien que l’export soit parfois une opportunité née de contacts imprévus. La préparation prend souvent un an.
Étapes cruciales : Développer à l’étranger demande de repartir de zéro, avec une étude approfondie du marché local, des adaptations culturelles et conceptuelles, et le soutien de fédérations de franchise et chambres de commerce pour obtenir des données et des contacts.
Challenges selon les pays : L’Asie et le Moyen-Orient posent des défis culturels et fiscaux, tandis que l’Amérique a des lois qui varient selon les États et des coûts juridiques élevés. Le Maroc est plus accessible, et les Émirats offrent une grande visibilité marketing.
Sélection de partenaires locaux : Il est essentiel de choisir des partenaires locaux bien informés et solvables, avec une vision à long terme, en intégrant des clauses de rachat dans les contrats pour éviter les litiges à distance.