[Parole d’expert] En 2023, le marché français du crédit aux entreprises continue de faire preuve de résilience, malgré un contexte économique complexe, marqué par une inflation persistante, et des tensions géopolitiques toujours vives. Cependant, des signes de fragilité émergent, notamment pour les plus petites structures. Analyse de Nicolas Lopez, Directeur des services chez Credipro.
Selon le baromètre CrediPro, l’encours global des crédits bancaires a atteint 2 878 milliards d’euros en 2023, en hausse de 1,7 % sur un an. Les crédits aux entreprises représentent 47 % de ce montant, soit 1 351 milliards d’euros, en progression de 2 % par rapport à 2022. Cette croissance, bien que modeste, témoigne d’un soutien continu du système bancaire à l’économie réelle. Un soutien qui, du reste, n’a jamais failli, bien que les conditions d’évaluation des dossiers s’adaptent sans cesse à leur époque.
Les crédits d’investissement ont tiré cette croissance, avec une hausse de 3,6 % pour atteindre 958 milliards d’euros. Ces financements, essentiels pour la modernisation et le développement des entreprises, se répartissent entre l’achat d’équipements (600 milliards d’euros) et les projets immobiliers (358 milliards d’euros). À l’inverse, les crédits de trésorerie ont reculé de 5,8 %, signe possible d’une amélioration de la situation financière de certaines entreprises ou d’un durcissement des conditions d’octroi.
L’analyse par taille d’entreprise révèle des dynamiques contrastées. Les crédits accordés aux ETI ont connu la plus forte progression (+2,3 %), suivis de près par ceux destinés aux TPE/PME (+1,8 %). En revanche, les financements octroyés aux grandes entreprises ont reculé de 1,7 %, probablement en raison d’un recours accru aux marchés financiers pour ces acteurs. Cette tendance souligne l’importance du crédit bancaire pour les petites et moyennes structures, qui représentent 99 % des entreprises françaises et emploient 46 % des salariés.
Par ailleurs, l’année 2023 a été marquée par une forte hausse des taux d’intérêt. Le taux moyen des crédits aux entreprises a atteint 5 % fin 2023, contre seulement 1,8 % début 2022. Cette augmentation rapide, conséquence directe du resserrement monétaire opéré par la Banque Centrale Européenne pour lutter contre l’inflation, pèse sur la capacité d’investissement des entreprises. Ce renchérissement du crédit explique en partie la stagnation du nombre d’entreprises ayant réalisé ou prévoyant de réaliser des investissements (46 % en 2023 contre 47 % en 2022). Plus inquiétant, la part des TPE-PME considérant le coût du crédit comme un frein à l’investissement a bondi de 34 % à 56 % en un an.
Une analyse sectorielle contrastée témoignant des mutations de l’économie française
De façon plus fine, l’analyse sectorielle révèle des situations contrastées. Les activités immobilières ont capté 39 % des crédits professionnels en 2023, suivies du commerce (14 %) et de l’industrie (13 %). Cependant, en termes d’évolution, le secteur du conseil et des services aux entreprises a enregistré la plus forte progression (+9,7 %), tandis que l’industrie (-4,3 %) et la construction (-3,7 %) ont vu leurs financements se contracter. Des chiffres qui reflètent les mutations en cours de l’économie française, avec une tertiarisation croissante et des difficultés persistantes dans certains secteurs traditionnels.
Si le marché du crédit aux entreprises reste globalement dynamique, certains indicateurs appellent à la vigilance comme le nombre de défaillances d’entreprises qui a bondi de 37,2 % en 2023, pour atteindre 56 672 cas. Cette hausse significative, particulièrement marquée en fin d’année, touche notamment les commerces alimentaires et reflète les difficultés croissantes de certaines TPE-PME face à l’inflation et à la hausse des coûts de financement. Par ailleurs, le nombre de transactions de fonds de commerce a légèrement reculé (-2,5 %), s’établissant à 30 920 en 2023.
Face à ces défis, le rôle des intermédiaires financiers, et notamment des courtiers en crédit professionnel, s’avère crucial. Leur expertise permet d’optimiser les montages financiers et de faciliter l’accès au crédit pour les TPE-PME, dans un environnement où les conditions d’octroi se durcissent.
2024 : quelles perspectives pour le marché du financement d’entreprises ?
L’année 2024 s’annonce comme une période charnière pour le marché du crédit aux entreprises. Si une stabilisation des taux d’intérêt est envisagée, les effets du resserrement monétaire continueront de se faire sentir. Dans ce contexte, le maintien d’un flux de financement suffisant vers les TPE-PME constituera un enjeu majeur pour la vitalité économique du pays. Les pouvoirs publics et les acteurs financiers devront rester vigilants et innovants pour soutenir l’investissement productif, tout en veillant à la solidité du système bancaire. L’équilibre entre soutien à l’économie et maîtrise des risques sera plus que jamais au cœur des débats sur le financement des entreprises en 2024.
Notre résumé en 5 points clés par L’Express Connect IA
(vérifié par notre rédaction)
Voici un résumé en cinq points clés de l’article, en 2023, le marché français du crédit aux entreprises continue de faire preuve de résilience.
Résilience et croissance modeste : En 2023, malgré un contexte économique complexe marqué par l’inflation et des tensions géopolitiques, le marché français du crédit aux entreprises affiche une résilience avec un encours global atteignant 2 878 milliards d’euros, en hausse de 1,7 % sur un an. Les crédits aux entreprises ont augmenté de 2 %, totalisant 1 351 milliards d’euros.
Dynamiques des types de crédits : Les crédits d’investissement ont connu une hausse de 3,6 %, atteignant 958 milliards d’euros, principalement pour l’achat d’équipements et de projets immobiliers. En revanche, les crédits de trésorerie ont diminué de 5,8 %, suggérant une amélioration de la situation financière de certaines entreprises ou un durcissement des conditions d’octroi.
Impact des taux d’intérêt : Les taux d’intérêt des crédits aux entreprises ont fortement augmenté, passant de 1,8 % en début 2022 à 5 % en fin 2023. Cette hausse, due au resserrement monétaire de la Banque Centrale Européenne, affecte la capacité d’investissement des entreprises, particulièrement les TPE-PME, dont 56 % considèrent désormais le coût du crédit comme un frein à l’investissement.
Analyse sectorielle : Les activités immobilières représentent la majorité des crédits professionnels (39 %), suivies du commerce (14 %) et de l’industrie (13 %). Le secteur du conseil et des services aux entreprises a enregistré une forte progression (+9,7 %), alors que l’industrie (-4,3 %) et la construction (-3,7 %) ont vu leurs financements se contracter.
Perspectives pour 2024 : L’année 2024 sera cruciale pour le marché du crédit aux entreprises. La stabilisation des taux d’intérêt pourrait se profiler, mais les effets du resserrement monétaire persisteront. Le maintien d’un flux de financement suffisant vers les TPE-PME, crucial pour la vitalité économique, dépendra de la vigilance et des innovations des pouvoirs publics et des acteurs financiers.