Le 9 novembre prochain, la Fédération du Commerce Coopératif et Associé (FCA) fête ses 60 ans et organise pour l’occasion Les rencontres du commerce coopératif et associé à la Maison de la Radio et de la Musique (Paris 16e). Véritable temps fort, cet événement aura pour thème « Et si nous inventions demain ? ».
En amont de cette rencontre, nous avons interrogé Olivier Urrutia, délégué général de la FCA, sur la mission et les ambitions de la Fédération ainsi que sa vision sur les enjeux du commerce associé et coopératif.
Qu’est-ce que la Fédération du commerce coopératif et associé ?
Olivier Urrutia : Le commerce coopératif et associé émerge dans la seconde partie du XIXᵉ siècle et fait figure d’innovation à une époque où il n’existait que des commerces isolés. Constatant l’émergence de modèles concurrents puissants, les coopératives de commerçants se sont dotées d’une organisation professionnelle pour les représenter à partir des années 60.
C’est ainsi qu’est née la FCA en 1963 avec deux idées fortes : proposer une offre de services aux adhérents qui recoupe des missions de conseil, d’accompagnement, de médiation et de formation ; et défendre les intérêts de nos adhérents auprès des pouvoirs publics et des parties prenantes.
Combien d’adhérents compte la FCA ?
Olivier Urrutia : Nous sommes une fédération transversale qui représente plus de 30 secteurs d’activité et de plus en plus d’acteurs des services. Aujourd’hui, 63 groupements sont adhérents de la FCA, ce qui représente 150 enseignes, environ 33 000 chefs d’entreprises indépendants, 51 000 points de vente et 600 000 salariés. En 2022, les adhérents de la FCA ont réalisé 176 milliards d’euros de chiffre d’affaires, soit 32% du commerce en France. On le voit, c’est un modèle qui pèse beaucoup dans l’économie nationale au-delà même de l’apport très significatif des groupes alimentaires comme E.Leclerc, Intermarché et Système U.
Quels sont les enjeux structurants du secteur du commerce ?
Olivier Urrutia : A moyen terme, il y en a deux principalement : les transitions écologiques et numériques et les transmissions d’entreprise.
Le commerce traditionnel a été très challengé par l’arrivée des nouvelles technologies et l’essor du e-commerce. Le covid a servi d’accélérateur de ce phénomène et a probablement intensifié la nécessité pour le commerce de se moderniser et d’intégrer dans son modèle l’apport des nouvelles technologies. On parle beaucoup aujourd’hui d’omnicanalité. Cette capacité d’adresser plusieurs publics et plusieurs modes de consommation est probablement la clé du succès pour le futur du secteur. Dans le même temps, nous sommes confrontés à un réel problème de réchauffement climatique. Il faut donc repenser le commerce pour en faire un modèle plus vertueux, plus intelligent et plus en phase avec son environnement tout en intégrant le numérique de manière durable et responsable. C’est une gageure qui demande beaucoup de compétences et d’investissements qui ne peuvent être intégralement assumés par les seuls commerçants.
Un autre enjeu majeur du modèle concerne la question de la transmission. En effet, nous atteignons aujourd’hui un seuil démographique, et nous allons voir sur les dix prochaines années pratiquement un tiers de chefs d’entreprise partir à la retraite et céder leurs points de vente. Or, si l’on veut préserver la pluralité des modèles économiques en France, et de l’entrepreneuriat surtout, il faut que ces cessions soient facilitées sur les plans légal, administratif et fiscal. Le Pacte Dutreil en est par exemple un outil très facilitant et performant qui mérite d’être garanti et prolongé.
Comment la FCA répond à ces enjeux ?
Olivier Urrutia : On fait de la veille sur tous ces sujets. Quand on arrive à les identifier on s’en empare, on les analyse et on en informe nos adhérents. On produit des sondages auprès d’eux ou on organise des commissions de travail pour faire remonter du terrain la réalité des problématiques qu’ils rencontrent à l’adresse de nos interlocuteurs des pouvoirs publics et de l’administration.
Ensuite, nous essayons d’agir de plusieurs façons : directement auprès des pouvoirs publics ou en synergie avec d’autres fédérations et collectifs représentant les acteurs économiques. Nous sommes adhérents de la CPME, d’Independent Retail Europe et le Conseil du Commerce de France, avec qui nous travaillons très étroitement. Nous travaillons également avec CCI France et Coop FR qui regroupe les familles coopératives et défend le modèle. Nous collaborons régulièrement car certains sujets dépassent les intérêts sectoriels et demandent une coordination et une synergie entre tous les acteurs du commerce en France.
Comment voyez-vous le futur du commerce coopératif et associé ?
Olivier Urrutia : Je le vois de façon assez optimiste ! J’ai envie de croire qu’un modèle qui existe depuis 150 ans et qui continue de se développer, jusqu’à représenter 32% du commerce en France, n’est pas simplement résilient, mais hyper performant.
Il est rendu performant par des éléments concrets qui relèvent de son type d’organisation. Ce sont des entrepreneurs indépendants, propriétaires de leurs points de vente, qui y travaillent tous les jours et y sont totalement impliqués. On a alors affaire à des patrons hyper motivés qui sont non seulement les représentants de l’enseigne, mais aussi ses dirigeants. En effet, comme la coopérative appartient à ses adhérents, ils sont eux-mêmes acteurs de la politique de celle-ci. Cela apporte une forte proximité entre la gouvernance et le terrain qui ne sont pas déconnectés. Le commerce coopératif et associé permet donc une agilité, une réactivité et une mobilisation fortes, ce qui explique une grande partie du succès de ses enseignes.
Nous sommes dans un monde en profonde mutation. Dans ce contexte, ce modèle local qui fait la part belle à l’entrepreneuriat, l’autonomie et l’indépendance, sur la base des valeurs de solidarité, de mutualisation des besoins et de la démocratie d’entreprise avec le principe d’un individu égal une voix, est en phase avec un certain nombre d’attentes exprimées par les citoyens aujourd’hui. Pour ces raisons, le commerce coopératif et associé est autant un modèle du présent que du futur.