Créer son entreprise est une aventure parfois laborieuse qui suscite de nombreuses interrogations. Parmi elles, la question de l’association est fréquente. Mon projet nécessite-t-il que je m’associe ? Comment choisir le bon associé ? Où le rencontrer ?
Pour répondre à ces questions, nous avons rencontré Thierry Dumas, membre du bureau de TIGcRE (Tandem Intergénérationnel de création et reprise d’entreprise). Cette association a pour mission de favoriser des projets de reprise ou de création d’entreprise associant des jeunes et des seniors. Thierry Dumas nous offre quelques clés pour trouver le parfait associé et créer un duo de choc.
Ce qui fait un bon associé
Selon Thierry Dumas, le parfait associé est une personne avec qui l’on est à la fois compatible et complémentaire. Deux associés qui s’entendent très bien, qui pensent et raisonnent de la même manière, sont des personnes très compatibles. C’est important de bien s’entendre et de se comprendre entre associés, mais la compatibilité seule ne suffit pas pour former un duo de choc. En effet, si les dirigeants d’une entreprise ne sont que compatibles, ils se comprendront parfaitement, mais il est fort probable qu’ils soient assez peu complémentaires. Dans ce cas-là, il risque de leur manquer certaines compétences ou savoir-être pour gérer leur entreprise.
À l’inverse, deux associés très complémentaires sont si différents qu’ils couvrent à eux deux un grand nombre de compétences indispensables au bon fonctionnement de l’entreprise. Malheureusement, parce qu’ils sont comme le jour et la nuit, il est possible qu’ils ne s’entendent pas très bien. Dans ce cas-là, le risque est qu’un des deux associés prennent le pas sur l’autre ou qu’ils dépensent toute leur énergie à gérer des conflits entre eux. La clé du succès est alors de trouver une personne avec qui l’on se sent à la fois compatible et complémentaire.
« C’est important de s’associer avec une personne avec qui on s’entend bien. Mais, le biais dans ce cas-là c’est qu’on a tendance à travailler avec quelqu’un qui est un peu notre clone, parce qu’on est câblé de la même manière. Or, on voit bien que l’aventure entrepreneuriale, en franchise ou pas, est une aventure qui demande beaucoup d’énergie. Cette énergie, ce n’est pas quand tout va bien qu’on en a besoin mais dans les moments difficiles. Dans ces moments, il est important de pouvoir s’appuyer sur les compétences de son associé pour pallier à ses propres points faibles. C’est là que les associés ont besoin d’une complémentarité forte non seulement de savoir-faire et d’expérience, mais aussi de savoir-être. » commente Thierry Dumas.
Le tandem intergénérationnel : le duo gagnant ?
Cette complémentarité peut être notamment trouvée dans des duos intergénérationnels composés de seniors et de plus jeunes entrepreneurs. En quoi ces profils sont-ils fait pour s’associer ? Ces deux populations disposent de savoir-faire complémentaires du fait qu’elles évoluent dans des environnements différents. Leur complémentarité vient également du fait qu’ils ont chacun des besoins qui peuvent être comblés par une association intergénérationnelle.
C’est le constat que fait TIGcRE qui a identifié qu’aujourd’hui les seniors et les jeunes étaient les deux populations qui rencontrent le plus de difficultés sur le terrain de l’emploi. D’un côté, il y a les jeunes qui font souvent leur entrée dans le monde de la création d’entreprise de façon fortuite. Quand ils se lancent, ils ont généralement besoin de financement et d’appui. Ce soutien, ils vont le chercher auprès de personnes qui ont des codes générationnels différents : par exemple, un banquier. Or, ces personnes susceptibles d’accompagner financièrement un jeune entrepreneur peuvent se montrer frileux face à son inexpérience. « Aujourd’hui, une société qui se lance avec un jeune à sa tête, maîtrisant les codes de la jeunesse, et disposant de l’enthousiasme et du dynamisme propre à son âge, associé à une personne plus âgée et plus expérimentée, c’est très rassurant. » ajoute Thierry Dumas.
De leur côté, les seniors qui se lancent dans l’entrepreneuriat sont généralement des personnes en reconversion. Il y a ceux qui étaient salariés et qui veulent changer de vie ; ceux qui ont déjà été entrepreneurs et qui ont vécu une expérience d’association qui s’est mal terminée ; et ceux qui approchent des cinquante, soixante ans, qui arrivent en fin de carrière et qui se demandent comment gérer ces dernière années qui les séparent de la retraite. De plus, « du point de vue de la société et de l’économie, le senior devient rapidement quelqu’un qui, si sa santé se dégrade, peut peser sur le système social, au lieu de contribuer, par son activité, à créer de la valeur. Il est donc vertueux d’essayer d’utiliser les compétences des seniors, de les valoriser et de les mettre au service d’un cycle dynamique. » complète Thierry Dumas.
Comment et où trouver le bon associé ?
Il existe donc des besoins des deux côtés du spectre générationnel. Mais cela ne signifie pas qu’une association qui réussit soit nécessairement intergénérationnelle. Ce que nous apprend Thierry Dumas c’est que le plus important est de mûrir suffisamment son projet pour identifier ses besoins et ensuite savoir les exprimer. « Un entrepreneur qui présente son projet parle rarement de son style de management, de sa façon de fonctionner et de son besoin d’associé. En général, il explique qu’il recherche de l’argent, un commercial ou encore un financier. Il va traduire ses besoins en termes de compétences, mais trop rarement en termes de savoir-être. Et c’est là que ça plante. » témoigne Thierry Dumas. Le but de l’association TIGcRE est donc de sensibiliser et guider les entrepreneurs dans leur recherche d’associés afin qu’ils soient capables d’exprimer leur besoin et donc de trouver une personnalité, avant une compétence. « L’associé a un rôle bien à lui, au-delà des compétences, c’est quelqu’un sur qui on va s’appuyer lorsqu’on a un coup de mou et vice-versa. » insiste Thierry Dumas.
Pour les aider à trouver la perle rare, TIGcRE propose aux entrepreneurs des formations et leur donne accès à des outils de dynamique comportementale. Ceci leur permet de dresser leur profil comportemental et de réfléchir à celui qu’ils attendent de leur futur associé. « Cela les amène à formuler leur besoin. C’est important car c’est en formulant qu’on se rend compte si cela sonne juste. » résume Thierry Dumas. Ce travail d’identification et de formulation des besoins fait, il reste une dernière étape pour trouver son super acolyte : partir à sa rencontre. L’entrepreneur et futur associé a donc tout intérêt à augmenter au maximum ses interfaces avec le marché afin de multiplier les occasions de rencontrer de nouvelles personnes.
Pour cela, l’association organise des ApériTIGcRE, des soirées rassemblant des entrepreneurs, toutes générations confondues, au cours desquelles ils présentent leur projet. « Ces soirées leur donnent l’occasion de rencontrer la personne qu’ils cherchent, ou quelqu’un qui la connaît. Elles leur donnent également l’occasion de roder leur pitch, de voir comment il est perçu et les questions qu’il génèrent. C’est aussi le moment idéal pour présenter leur besoin dans un cadre bienveillant. C’est important parce que là ils ont le droit de se rater, c’est moins le cas dans la vie de tous les jours. » conclut Thierry Dumas.