Certains entrepreneurs multiplient les créations d’entreprises les unes après les autres : ce sont les serial-entrepreneurs. D’autres juxtaposent leurs activités les unes aux autres, ajoutant sans cesse une nouvelle étiquette à un quotidien professionnel déjà bien rempli. Ce sont les slasheurs, des multipotentiels effrayés par l’ennui et boostés par les nouveaux challenges.
Parmi la population active française, 6 millions de personnes sont considérées comme des « slasheurs ». Entendez par là, des touche-à-tout, des modèles de polyvalence qui multiplient plusieurs projets en même temps. D’après les données de l’étude Slasher Economy commanditée par le Salon SME en juin 2022 dont est issu ce premier chiffre, 44 % des slasheurs sont aussi des entrepreneurs. Ce qui les pousse à adopter un tel mode de vie professionnel ? La volonté d’augmenter leurs revenus pour 67 % d’entre eux, celle de tirer des revenus d’une passion ou d’un hobby pour 29 % ou encore celle de préparer une reconversion pour 11 %.
« La plupart des études sur le sujet montrent que le modèle du slasheur a explosé, commente Marielle Barbe, auteure de « Profession slashing » (éditions Marabout). Si au début la tendance était de répondre à une nécessité, financière par exemple, désormais les slasheurs se lancent par choix, notamment pour accéder à l’entrepreneuriat tout en restant salariés. C’est une rampe d’envol. » Une prise de risques limitée donc, d’autant plus que tout entrepreneur est avant tout un slasheur dans l’âme.
En jonglant entre la comptabilité, le marketing, les ressources humaines, l’innovation, il multiplie déjà les casquettes. Ce qui correspond bien à l’état d’esprit du slasheur, qui est aussi un multipotentiel. « Contrairement à ceux qui se contentent de rester dans le périmètre des choses qu’ils ont la sensation de maîtriser, les profils multipotentiels ont un esprit de développement ou de croissance qui intègrent que l’échec fait partie de la vie. Ce dernier devient une opportunité d’apprendre », poursuit Marielle Barbe.
Ouvrir une nouvelle boucle
Aussi, les slasheurs font preuve d’agilité et de capacité de rebond. Leur curiosité insatiable les amène à être très créatifs et donc innovants. Ils explorent volontiers d’autres thèmes, ayant sans cesse envie d’ouvrir une nouvelle boucle. Ce sont des parcours en itération, et non linéaires. A l’instar de celui de Cécile Praud. Cette dernière est son propre patron depuis quinze ans et est à la fois : conseillère de vente à domicile, assistante administrative, responsable commerciale, formatrice en bureautique et conseillère municipale. Elle compte aussi reprendre une activité d’organisatrice de salons de bien-être, maintenant que la pandémie est passée.
Pourquoi en est-elle là aujourd’hui ? Par crainte de l’ennui ! « J’ai un tempérament hyperactif. J’ai eu un parcours dans le salariat qui m’a amenée à démissionner de trois CDI car, au bout d’un certain temps, j’ai le sentiment d’avoir fait le tour de mon poste, partage-t-elle. Même après plusieurs années d’indépendante dans la vente à domicile, j’ai commencé à m’ennuyer. Alors, lorsque j’ai eu l’opportunité de devenir formatrice en bureautique, j’ai sauté sur l’occasion, après un réaménagement de mon planning. Ce dernier bouge au gré des propositions. »
Trouver sa raison d’être
Mais comment ne pas se perdre quand on est un entrepreneur multipotentiel ? Pour Marielle Barbe, il faut trouver le lien entre toutes ses activités. « L’écueil, pour certains slasheurs, c’est de se laisser porter par ce qu’ils estiment être de bonnes idées. La clé pour l’éviter, c’est de trouver le fil conducteur entre toutes les activités. Ce lien profond raconte la raison d’être de la personne. Une fois qu’elle l’a trouvée, elle ne peut pas se perdre », explique-t-elle.
Pour Cécile Praud, ce lien est évident : c’est le relationnel. « Dans la vente à domicile, il y a beaucoup de relationnel, que ce soit auprès des clientes ou auprès des neuf contrats VDI (vendeur à domicile indépendant) qui composent mon équipe. Ce relationnel, je le retrouve aussi dans la formation et dans mes fonctions de responsable commerciale », partage celle qui n’hésite pas à imbriquer ses activités les unes aux autres pour arriver à tout caler dans son agenda. Il faut dire aussi que l’amplitude de ses journées sont larges : de 7h30 à 1h du matin, et ceci six jours sur sept. « Je suis devenue une pro de la gestion de planning », glisse Cécile Praud, en riant. Avec un fond de vérité : si jamais une nouvelle opportunité se présentait à elle, elle l’accepterait… à condition que son agenda le permette.