Tel un vieux refrain, une loi génétique, une ritournelle incontournable, chaque génération ne peut s’empêcher, malgré elle, d’établir un constat au fur et à mesure que celle-ci prend de la bouteille : « Eh… C’était mieux avant, non ? » Si le « pourquoi ? » peut sembler évident (de bonnes doses de subjectivité, un zeste d’objectivité), la question aujourd’hui serait plutôt : « Est-ce que c’est bien vrai tout ce tintouin ? »
Oui, quand Tatie Monique me parle de l’insouciance de sa jeunesse à peloter ses crushs dans le ciné du coin entre deux distributions de pop-corn, peu de temps avant d’entamer une vie active vraisemblablement facile d’accès grâce à une époque de pérennité et de Plein Emploi, tout semble plus fluide, plus abordable. Mais la vérité est plus complexe que les bons souvenirs ne veulent l’accorder !
Tatie Monique a sûrement raison, personne ne remet en cause que lorsqu’il lui a fallu trouver un emploi, qui lui assure un salaire, qui lui assure l’achat de sa première Renault 5 dans les années 70, les critères de recrutement étaient moins sélectifs, moins pointus. L’offre était quasi aussi élevée que la demande, bien qu’à la suite du premier choc pétrolier en 1973, le taux de chômage s’est vu exploser… Les Trente Glorieuses (1945-1973), dont le taux de chômage était inférieur à 5%, laissaient doucement place, après moult rebondissements, aux 7,4% de chômage que l’on connait en France en 2022 (16% chez les 15-24 ans).
« Méfie-toi des souvenirs comme d’une montre arrêtée ».
Finalement, il semblerait qu’à bien y regarder, la situation n’était déjà pas des plus idylliques : c’est le syndrome de la madeleine de Proust, le plaisir de se plonger dans sa mémoire tout en l’idéalisant par nostalgie et par réconfort, qui pousserait les individus à occulter certains aspects péjoratifs pourtant déjà présents par le passé.
Si il est indéniable que dans les années 50-60, trouver un emploi semblait aussi abordable que de traverser la rue (j’ai inventé cette expression), d’un point de vue écologique, en terme de diversité, d’épanouissement personnel, était-ce vraiment ça, l’idéal ? Un choix de carrière limité, des postes pas toujours super éthiques, parfois dangereux pour la santé (amiante, effluves toxiques, peu de règles de sécurité, etc), d’importantes inégalités … Rappelons par exemple qu’en France, pour ne citer que ça, les femmes n’ont pas eu le droit de travailler sans l’autorisation de leur mari avant 1965 : cela fait seulement 57 ans !! Le grand rêve tout ça quoi, non ?
De nouvelles ambitions, une vision neuve du travail
Grâce à l’apprentissage et aux « erreurs » de leurs aîné-es, la jeunesse de 2022 est sans équivoque : s’il est possible d’en faire le choix, hors de question de s’entêter à poursuivre une carrière qui ne s’alignerait pas à leurs valeurs morales, alors qu’il y a quelques années encore, la priorité était plutôt à la stabilité d’une carrière durable, des aspirations certes plus sédentaires, mais d’une certaine façon plus sécurisantes, sécurisées. Les conditions du droit du travail n’avaient pas non plus suffisamment évoluées pour se permettre d’être trop tatillonneux, quand bien même les mentalités étaient déjà entrain de se développer (engagement syndical, État Providence avec la création de la sécurité sociale… ).
L’arrivée des Millenials a bousculé ces codes, grâce à une possibilité de mobilité plus importante ainsi qu’à des choix de vie plus variés. Ceux-ci ont cassé la linéarité présente jusqu’alors. En parallèle, les entreprises sont devenues plus innovantes, avec l’émergence de start-up, l’évolution de l’auto-entrepreneuriat (Freelance, etc), offrant des possibilités supplémentaires de se frayer une place en mêlant passions et professions. Pari risqué cependant, quand on sait que le taux d’échec des premiers lancements de start-up s’élèvent à 80%… Yaaay !
Un partout, balle au centre !
Finalement, la petite guéguerre planant entre anciennes et nouvelles générations, « boomers/ génération X» et « millenials/génération Z », a-t-elle vraiment lieu d’être ? S’il devait y avoir l’ombre d’une conclusion, aucune ère n’a jamais été parfaitement meilleure qu’une autre. Passé, présent et avenir offrent tous trois leur lot de bénéfices et de préjudices.
Oui, le constat du chômage est une inquiétude contemporaine, alors que ce n’était pas forcément le cas en 1956, sauf que : non, une époque où le burn-out existait déjà, mais qu’il n’était pas reconnu, n’était pas forcément meilleure. Aujourd’hui, santé mentale et physique sont à juste titre indissociables, d’une importance à parts égales, alors qu’elles eurent l’habitude d’être toutes deux soit tabou soit négligées.
En bref, bien que je porte une grande affection pour mon vieux lecteur cassettes VHS, rappelant ma plus tendre enfance, je ne peux -AUSSI- qu’apprécier les nouvelles plateformes de streaming actuelles, car ne plus avoir à rembobiner constamment le film (en risquant d’abîmer la bande), ou d’avoir à souffler pour retirer la poussière, c’est quand même sacrément sympa. Certains djeun’s diront que je suis vieux, mais le point est marqué : il n’y a pas pire ou mieux, il n’y a que des avantages et des inconvénients. À chaque époque son lot, ses points forts et ses failles dans la matrice. Cela va indiciblement de pair, ainsi s’achèvent donc les paroles d’un philosophe : Moi.