Créer sous enseigne tout en possédant une part du réseau : c’est la proposition entrepreneuriale du commerce associé, forme contractuelle de type coopérative ou assimilé.
Nous vous expliquons les particularités de ce mode de création d’entreprise en réseau, qui représente aujourd’hui 30 % du commerce de détail.
Plus de 130 ans d’existence
Dans la seconde partie du XIXe siècle, l’apparition de coopératives de commerçants, plus ancienne forme de commerce organisé, coïncide avec la première société d’achats en commun, la Société Rémoise de l’épicerie, vins et spiritueux en 1885. Dans la foulée, des joailliers indépendants se regroupent pour faire de la réclame ensemble, ainsi que garantir et maximiser leur développement.
« L’essor se produit à partir des années 60, avec la forte accélération de la consommation et la montée en puissance de la grande distribution. Dans ce contexte, l’enseigne Edouard Leclerc répond au défi des grandes enseignes intégrées, consolidant ainsi le modèle associé coopératif.
Si le terme « coopératif » est connoté positivement, tout en sonnant aujourd’hui comme désuet ou anachronique, les groupements de commerçants sont passées de 10% du commerce de détail au début du XXe siècle, à 30% aujourd’hui. Ce modèle performant reste la forme ayant connu la croissance la plus importante des vingt dernières années. Il reste pourtant le moins connu de tous ! », s’étonne Olivier Urrutia, délégué général de la Fédération du Commerce Coopératif et Associé (FCA).
Principe « un homme, une voix »
L’alternative du commerce coopératif et associé, par rapport à la franchise, se pose pour tout futur chef d’entreprise, désirant allier la réactivité d’un acteur de proximité avec la puissance d’un grand groupe, en bénéficiant de la notoriété d’une marque.
« S’il a envie de s’impliquer, au-delà de l’exploitation de sa propre activité, dans le développement de l’enseigne et du réseau, alors le commerce coopératif et associé s’impose. Comme chaque adhérent possède une part du capital de la société tête de réseau, on dit de ce fonctionnement qu’il est horizontal. Contrairement à celui de la franchise, vertical vis-à-vis d’un franchiseur qui est seul maître des orientations stratégiques.
Dans le système coopératif, en raison du principe « un homme, une voix » – quelle que soit la taille et le nombre de ses exploitations, tout membre du groupement ne possède qu’une seule voix pour voter les décisions en assemblée générale. Chaque adhérent possède les mêmes droits que les autres », détaille Nicolas Nadal, avocat et fondateur du cabinet 17-77.
Une logique de redistribution
Un groupement d’indépendants de type coopérative ou assimilé ne répond pas à un schéma contractuel classique. Il s’agit d’associés qui souscrivent une part du capital d’une même société délivrant des services à tous ses membres, selon un montant et des cotisations fixés par eux-mêmes.
« Ainsi, toute évolution des cotisations doit être par exemple expliquée et justifiée avant d’être proposée au vote durant l’Assemblée Générale pour mise en œuvre. Dans certains groupements d’associés, un droit d’entrée est demandé, comme en franchise, à la différence que cette somme est réinvestie au bénéfice de tous les membres de l’enseigne.
De plus, il existe une logique de redistribution de tout ou partie des excédents, car le groupement n’a pas vocation à réaliser des bénéfices pour lui-même », avance Alain Souilleaux, directeur juridique avance de la Fédération du Commerce Coopératif et Associé.
Des mécanismes d’exonération ou de réduction de cotisations, de plus en plus utilisés, existent pour certains associés, selon une règle d’équité.
Indépendants et interdépendants au sein du réseau
Pour augmenter leurs performances économiques, les groupements d’associés se sont d’abord fédérés autour d’une centrale d’achats. Dans un deuxième temps, ils ont offert, en complément, des services en commun, qui se répartissent selon quatre grandes typologies :
- Achats : négociation avec les fournisseurs, référencement de matériel ou de produits, marques propres…
- Marketing d’enseigne : concept de magasin et opérations commerciales partagées, pour un minimum de cohérence et d’homogénéisation.
- Services supports : ressources humaines, étude de marché, formation, comptabilité, juridique, informatique, achats non stratégiques.
- Développement et animation : prêt garanti à taux préférentiel pour l’achat de point de vente, etc.
« Si les services communs ont ainsi un coût moins important, il reste plus fécond de les construire et les développer ensemble. », assure Olivier Urrutia.
Recrutement : un process proche de celui connu en franchise
« Hors des réunions collectives organisées par la tête de réseau, les adhérents font preuve d’une dynamique vertueuse dans le partage de la solidarité. Tout simplement parce qu’ils sont entrepreneurs indépendants et interdépendants au sein du réseau, notamment à travers les impacts sur la marque, et parce que tout ce qu’ils donnent, ils peuvent le recevoir en retour.
Si la franchise propose un concept « clés en main » en échange de redevances, ce qui demeure sécurisant et confortable, chaque adhérent d’un groupement d’associés demeure libre d’aménager son magasin. Il pèse sur le destin du collectif sur le modèle « 1 homme = 1 voix » et participe à orienter l’enseigne et faire évoluer son concept. Il prend une part au capital du réseau, en tant qu’associé interne », reprend Olivier Urrutia.
Pour intégrer un adhérent au sein d’un groupement d’associés, le Document d’Informations Précontractuel est obligatoire, en raison de la présence de la marque, et en contrepartie d’une quasi-exclusivité.
« Le recrutement s’opère de la même façon qu’en franchise, avec des candidatures étudiées par la tête de réseau, des rencontres avec le candidat entrepreneur, et enfin, l’agrément apporté par le conseil d’administration, qui se prononce sur les admissions de candidats », précise Nicolas Nadal.
Témoignage de Jean-Marc Moreno, adhérent Big Mat
À la tête de trois points de vente
Après vingt ans de carrière dans une entreprise familiale centenaire, de distribution de matériaux de construction, Jean-Marc Moreno a ainsi voulu créer son affaire dans le bâtiment en 2019, et a rejoint Big Mat.
« Devenir indépendant hors réseaux restait un projet trop compliqué, notamment dans la gestion des fournisseurs. Nous nous sommes déterminés pour Big Mat en raison de sa transparence dans la relation avec les points de vente, comme sur les contrats avec les fournisseurs, et de la bienveillance ressentie. On a vraiment senti que l’adhérent Big Mat était associé à toute la chaîne de décisions, dans une gouvernance horizontale.
Après l’implantation sur Béziers, la centrale du groupement nous a notamment accompagnés durant la Covid dans les Ressources Humaines, sur ce que l’on pouvait faire… ou pas, pour traverser cette période, tout en essayant de rester ouverts.
Cette période particulière m’a conduit à reprendre, avec d’autres associés, deux autres points de vente Big Mat près de Perpignan, plus en difficultés suite aux confinements. J’ai su mettre en place un management intermédiaire, et une gestion au travers d’une présence en physique et de la visioconférence, malgré la distance », précise Jean-Marc Moreno, adhérent Big Mat sur l’arc méditerranéen.
Volonté d’apporter sa pierre à l’édifice
Aujourd’hui, avec un business fonctionnant en autonomie sur Béziers et moins exigeant sur Perpignan, Jean-Marc Moreno s’est dégagé 10 % de son temps pour l’enseigne.
« Je suis entré au conseil de surveillance Big Mat, avec lequel le directoire du groupement valide sa stratégie. Dans un groupement, il ne faut pas craindre de prendre son bâton de pèlerin, et chercher à accéder à des organes de décision pour faire bouger les choses ! J’ai voulu apporter ma pierre à l’édifice, en améliorant l’outil informatique et en amenant une vision. », déclare Jean-Marc Moreno.
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