Grandir avec la plurifranchise

Grandir avec la plurifranchise

Plusieurs enseignes à la fois. Nombre d’entrepreneurs optent pour la plurifranchise et multiplient les points de vente ou agences de réseaux différents, par appât financier ou par simple goût du défi. Objectifs, diversifier leur activité, optimiser leurs points de vente en permettant quelques synergies et diluer les risques. 


Après six années passées dans les rouages du groupe Bertrand en tant que directeur du développement régional, Julien Verna s’est lancé dans un double projet en septembre 2022 : la création simultanée de deux restaurants du groupe, Au Bureau et Léon à Mâcon (Bourgogne-Franche-Comté) pour profiter de l’attractivité des deux enseignes. « C’est enrichissant d’avoir deux enfants que l’on aime pareil mais qui sont différents » sourit celui qui a profité de l’opportunité d’un projet de réhabilitation de bâtiment sur 850 m² pour créer deux enseignes très complémentaires côte à côte, l’une plus « sport’s bar » et l’autre plutôt moyen haut de gamme. « Il faut aimer jongler entre deux concepts différents » prévient Julien Verna.

Comme d’autres franchiseurs, le groupe Bertrand regroupe plusieurs enseignes dans son portefeuille, rendant accessible pour les franchisés le passage de l’une à l’autre. Seules conditions, s’orienter vers une enseigne qui n’est pas directement concurrente de celle déjà exploitée par le franchisé et s’assurer que son contrat de franchise lui autorise cette pratique. Le conseil de ce jeune plurifranchisé, « définir quelle est la meilleure enseigne pour compléter son offre » avant de se lancer en plurifranchise.

Franchisé des enseignes SoCoo’c et Gautier à Perpignan, David Vallé a lui aussi opté pour la complémentarité et la proximité géographique de ses points de vente. Ses deux magasins, le premier dédié à l’univers de la cuisine et le second à l’aménagement de la maison, se situent à 400 mètres de distance. « L’intérêt d’avoir ses commerces sur une seule et même ville est d’être présent, pour pouvoir gérer les problématiques du quotidien et être au plus proche de ses équipes. Le fait d’avoir des enseignes différentes sur une même ville ne présente quasiment que des avantages, notamment au niveau de l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle » poursuit David Vallé. En outre, il consent que cela lui assure un certain « confort de vie ». 

S’entourer et savoir déléguer

Le secret de réussite de ces plurifranchisés ? Être organisé et structuré et bien s’entourer dès le départ d’une équipe solide sur laquelle le franchisé pourra compter. Pour y parvenir, cela nécessite quelques pré-requis, notamment d’être prêt à changer de posture et à devenir manager, à faire confiance et à déléguer mais aussi à contrôler. David Vallé peut compter sur sa compagne Sofia, responsable du magasin Gautier pour gérer le quotidien du magasin. « Il faut être bien entouré car on ne peut pas être partout » commente-t-il.

Pour Julien Verna, qui s’est entouré de personnes fortes pour gérer ses restaurants, pas question de faire l’impasse sur le poste de responsable administratif. « C’est une dépense nécessaire car on ne peut pas perdre de temps sur la facturation et la gestion de la paie. On a besoin de pouvoir s’appuyer sur quelqu’un de confiance pour ne pas commettre d’erreurs ». Ce que confirme David Vallé : « Une fois que l’on est libéré de l’opérationnel pur, cela permet de développer ». La principale difficulté pour ces plurifranchisés qui doivent être en permanence au four et au moulin et parfois avoir un comportement qui peut s’apparenter à de la schizophrénie, « être capable de scinder les deux et avoir les idées claires sur les contraintes de chaque enseigne, prévient Julien Verna. C’est l’une des complexités à prendre en compte ». Avec deux enseignes de restauration différentes, le franchisé reconnaît que même les menus et les dressages de table sont différents. À enseignes différentes correspondent des codes, façons de procéder, savoir-faire, des fournisseurs, cycles de vente et des gestions de comptes différents.

David Vallé met de son côté en avant les différences en termes de prise en main des logiciels ou d’organisation d’opérations commerciales. Néanmoins, il reconnaît que cela reste les mêmes fondamentaux du commerce et que cela s’avère « enrichissant. Cela donne plusieurs points de vue marché car exprimés par deux franchiseurs différents et apporte une plus-value aux magasins ». Il constate que les différents retours et projections sur l’activité des deux enseignes sont « autant d’informations qui permettent de mieux sentir le marché, d’avoir des indications plus complètes et de prendre de meilleures décisions sur certains investissements ou développements à faire. L’un peut servir l’autre ».

Créer des synergies sans concurrence

Même s’il faut toutefois créer une dynamique de groupe pour pouvoir bénéficier de synergies. Julien Verna a ainsi structuré ses deux restaurants comme un groupe. Au final, il réalise des synergies à plusieurs niveaux, et notamment sur les achats de matériel de cuisine ou de produits alimentaires. « Je ne suis jamais en manque de matériel ou de stock. J’avais par exemple besoin pour l’enseigne Au bureau de cassolettes Revol qui étaient en rupture auprès du fournisseur de l’enseigne. J’ai pu m’approvisionner en dépannage auprès d’un autre fournisseur de Léon ». Etre multi-marques lui permet de revendre à l’un ou l’autre certains produits. « Malgré les spécificités de chaque enseigne, il y a des passerelles possibles. Je peux ainsi optimiser la gestion des pertes et la marge des restaurants ». Idem pour le personnel, avec la possibilité de faire basculer un collaborateur d’un point de vente à un autre en cas d’absence ou d’événement exceptionnel. « Cela me permet également d’optimiser ma masse salariale ».

Autre avantage, pouvoir les faire monter en compétences et offrir des perspectives d’évolution aux équipes. Ce qui, dans le contexte actuel de difficultés de recrutement aide beaucoup, consent-il. Dernièrement, l’un de ses cuisiniers d’Au Bureau est devenu second de cuisine chez Léon. « Les salariés sont valorisés, c’est enrichissant pour eux » commente-t-il.

David Vallé met quant à lui en avant la possibilité de mutualiser ses fichiers clients : « cela permet des passerelles d’une enseigne à l’autre. On peut pérenniser les affaires en profitant des fichiers clients des enseignes ». Julien Verna conclut sur la nécessité de « créer des synergies entre les enseignes sans les rendre concurrentes. On est dans le participatif. Les équipes d’encadrement travaillent ensemble et font partie d’une même équipe. C’est vital pour éviter la compétition et optimiser l’organisation du travail et les approvisionnements ».

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