Foncières commerciales : outil des politiques publiques locales

Des dossiers pour illustrer une foncière commerciale

La foncière commerciale, qui consiste à racheter des murs, voire des fonds de commerce permet de maîtriser l’implantation des nouveaux commerces et de pérenniser une activité commerciale et artisanale diversifiée et de qualité. De leur côté, commerçants et artisans peuvent bénéficier d’un loyer souvent plus modéré avant, éventuellement, de racheter les murs.


« Pour maîtriser les locaux commerciaux, éviter l’atomicité des bailleurs commerciaux et réduire la vacance commerciale, l’outil le plus adapté semble de monter des foncières commerciales », expose Christophe Noël, délégué général de la Fédération des Acteurs du Commerce dans les Territoires (FACT). La foncière commerciale permet ainsi de maîtriser l’affectation et le suivi des cellules commerciales et d’accompagner et d’orienter les futures mutations. « Elles préemptent ou rachètent les murs de boutiques, ce qui leur permet d’investir dans la modernisation des locaux et d’offrir de bonnes conditions locatives, plus favorables pour les futurs commerçants » poursuit-il. Autrement dit, ces sociétés acquièrent et transforment des locaux dans les cœurs de ville qui ont un plan de redynamisation commerciale pour les remettre sur le marché.

Via la mise en place de loyers modérés, progressifs ou adaptés à l’activité, les foncières commerciales créent les conditions économiques du succès pour les commerçants. L’objectif est bel et bien d’« éviter d’avoir des coûts de loyer qui soient destructeurs et ne permettent pas aux commerçants de vivre » soutient Emmanuel Le Roch, délégué général de Procos, fédération représentative du commerce spécialisé. Plusieurs villes se sont emparées du sujet, ayant à cœur d’accompagner les porteurs de projet.

Depuis de nombreuses années, Châteauroux, via son maire Gil Averous, également président des Villes de France, accompagne les porteurs de projets en cofinançant leurs premières années de loyer, à hauteur de 50 % la première année, 30 % la deuxième et 15 % la troisième. Ces derniers sont sélectionnés par un jury composé des chambres consulaires, des associations de commerçants et d’experts. « Ils ont accompagné ces cinq dernières années une cinquantaine de commerçants et la quasi-totalité est encore vivante », note Thibault Le Carpentier, expert en prospective appliquée au commerce et directeur associé chez Obsand, conseil en prospective et stratégie commerciale.

Soit « un taux de réussite exceptionnel et une forte baisse de la vacance commerciale. Sachant que selon l’Insee, « un commerçant qui ouvre aujourd’hui a une chance sur deux d’être fermé dans les trois à cinq ans », rappelle-t-il. Certaines villes vont ainsi jusqu’à acquérir des murs pour faciliter l’implantation de nouvelles enseignes. C’est ce que fait Hervé Caranobe, manager de centre-ville du Plessis-Robinson et chargé d’opération à la Sempro, société d’économie mixte d’aménagement et de construction de la ville. La filiale de la SEM est propriétaire de boutiques, ce qui lui permet d’avoir le contrôle sur le long terme et de montrer aux commerçants que la ville est investie sur la question.

La France compte ainsi 84 foncières de redynamisation commerciale, dont 70 en activité, montées avec le soutien de la Caisse des dépôts et consignations via la Banque des Territoires. « Nous avons engagé 270 millions d’euros dans ces sociétés et remis sur le marché plus de 350 cellules commerciales en activité. À date, on comptabilise 2 222 commerces et locaux d’activité dans le plan d’affaires des foncières de redynamisation commerciale » chiffre Michel-François Delannoy. Le directeur du département appui aux territoires à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) se félicite que des foncières de villes moyennes comme Belfort, la Roche-sur-Yon ou Vierzon aient permis de réhabiliter les commerçants de la ville. « Les foncières sont indispensables pour requalifier les commerces et les rendre plus appropriés. En outre, elles permettent de veiller à la diversification de l’offre commerciale » indique Michel-François Delannoy.

Mais cela ne suffit pas : en parallèle de leur mise en place, « la ville doit prévoir un plan d’action de revitalisation », prévient-il. Malgré cet outil de taille, demeurent néanmoins plusieurs difficultés qui freinent le bon développement de certains centres-villes. À savoir la vétusté et l’exiguïté des locaux commerciaux. Ainsi, nombre de centres-villes proposent plutôt des petites surfaces qui ne correspondent pas toujours à ce que recherchent les enseignes. « On parle peu de l’état des bâtiments en centre-ville qui est une vraie catastrophe », avec des bâtiments qui sont très abîmés et qui ne sont pas remis aux normes, explique Thibault Le Carpentier. Et, facteur aggravant, la croissance de la vacance commerciale qui engendre un cercle vicieux, « générant moins de flux et de la vétusté dans les locaux » ajoute Christophe Noël.

Pour créer les bonnes conditions de réussite de ces opérations, il est indispensable de mettre autour de la table les élus locaux, les propriétaires ou les bailleurs et les commerçants. Ce que confirme Christophe Noël : « une bonne politique publique passe par un effort de coordination entre tous les services ». Pour Emmanuel Le Roch, ce dialogue s’avère néanmoins compliqué car tous ont des intérêts divergents. Même si, in fine soutient-il, les premiers ont intérêt à favoriser et à accompagner l’implantation de commerces pour faire vivre leur centre-ville et éviter la vacance commerciale qui donne une mauvaise image et fragilise l’ensemble du tissu commercial.

« Le maire et son équipe doivent considérer le commerce comme un sujet important d’attractivité des centres-villes, de qualité de vie et de lien social, au-delà d’être un secteur économique ». Mantes-la-Jolie, qui compte 45 000 habitants en plein cœur de ville, a créé un Office de commerce. Ce guichet unique permet de rentrer en contact avec les porteurs de projet indépendants ou franchisés. Dans d’autres villes, ce sont les managers de centre-ville qui jouent le rôle de facilitateur de contacts entre les porteurs de projet, les bailleurs et les chargés de développement.

En centre-ville, l’offre commerciale doit être diverse, tant en termes de secteurs d’activité – commerces alimentaire et non alimentaire, restaurants, loisirs, culture, patrimoine – que de modèles de commerce. Il faut imaginer un savant équilibre entre « des réseaux de franchise qui sont attractifs et des commerçants indépendants pour apporter de la diversité, explique Emmanuel Le Roch, délégué général de Procos, fédération représentative du commerce spécialisé. C’est dans cette diversité que l’on donne de l’envie et des raisons aux gens de se déplacer et de revenir ».

« L’important est, comme en marketing, d’avoir un bon mix entre indépendants et franchisés, qui ne sont pas incompatibles », insiste Margaux Pemzec, manager de centre-ville de Mantes-la-Jolie. Ce que confirme Hervé Caranobe, manager de centre-ville du Plessis-Robinson : c’est « un savant dosage à faire pour amener une identité à un lieu » et éviter d’avoir les mêmes rues dans chaque centre-ville. S’il faut, selon lui, avoir des enseignes en franchise, il ne faut pas non plus qu’elles soient majoritaires, auquel cas « les centres-villes seraient partout les mêmes et n’auraient plus d’identité propre ».

Même si franchise ne veut pas forcément dire uniformité. « Elles jouent un réel rôle de locomotives. Lorsqu’elles sont placées au bon endroit et de manière cohérente avec le plan marchand, elles renvoient une image positive, rassurante et rayonnent sur tout l’appareil commercial », signale Pierre Creuzet, directeur fondateur de Centre-Ville en Mouvement. Il cite l’exemple de la ville de Pau et de la création du Carreau des producteurs et des Halles gourmandes. « Ces locomotives ne font pas concurrence aux autres commerces et attirent du monde. Tous les commerçants aux alentours y trouvent leur compte et ont rénové leurs boutiques ». Pour lui, « les villes ont besoin de ces enseignes nationales ». Même s’il confirme qu’il faut garder le bon équilibre entre enseignes nationales et locales.

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