Les vacances commerciales prennent de l’ampleur

Un cactus pour illustrer le sujet épineux des vacances commerciales.

Le taux de commerces non exploités a explosé cette année avec la multiplication de fermetures de points de vente et les défaillances de réseaux. Etat des lieux.


« Jamais la mise en place d’une politique publique du commerce n’a été aussi urgente et impérative. Il n’est plus possible d’attendre. Il faut à la fois stopper l’hémorragie, éviter une décommercialisation suite à la multiplication de fermetures de points de vente, les défaillances de réseaux et la vacance commerciale » annonçait le 8 février dernier le délégué général de Procos Emmanuel Le Roch. 

Le terme de vacance commerciale, qui désigne « l’état d’un local commercial non exploité pour une durée indéterminée » peut se définir en unité commerciale, soit en nombre de boutiques fermées –c’est le calcul retenu par la Fédération pour l’urbanisme et le développement du commerce spécialisé (Procos)– ou par le nombre de m2 fermés. Les foncières retiennent quant à elles le différentiel entre loyers attendus et loyers perçus. Reste qu’il faut distinguer la vacance d’opportunité ou vacance stratégique de la vacance structurelle. 

Pour Gilles Hittinger-Roux, avocat au sein du cabinet spécialisé dans les baux commerciaux H.B. & Associés et membre du conseil d’administration de l’IVC (institut ville et commerce), ces vacances commerciales datent d’avant la crise sanitaire. « Le terme ne vient pas d’apparaître subitement. 

Déjà en 2018-2019, le taux avoisinait les 12% dans les centre-ville et les 8,5% dans les centres commerciaux ». L’avocat consent qu’il a progressé, même s’il est difficile d’obtenir le chiffre exact. « On évoque 14% en centre-ville » lâche-t-il. 

Pour Procos, « l’action publique (Action Cœur de Ville, Petite Ville de Demain…) doit se poursuivre plus que jamais ». Ce que confirme David Borgel, fondateur du cabinet conseil Franchise Me Up : « les municipalités doivent réagir sur la désertification de certaines zones ». Et Nicolas Louis-Amédée, directeur du développement de l’Institut d’études de marché et de géomarketing Territoires & Marketing : « Elles doivent mettre de la cohérence dans les zones commerciales, mettre des enseignes affinitaires ou qui fonctionnent en synergie ». 

En ce sens, le manager de centre-ville, recruté par les communes, fait le lien entre la mairie et les commerçants et joue un rôle clé dans l’animation des commerces d’une ville et la vacance commerciale des locaux.

 David Borgel juge certaines vacances inquiétantes car « même après que les bailleurs ou les propriétaires aient baissé leurs loyers, on voit des pas de porte ou des droits au bail baisser drastiquement et ne pas trouver preneur ». Néanmoins, Gilles Hittinger-Roux relève que « C’est un bon point d’avoir une certaine vacance : cela permet de restructurer et de redynamiser des zones commerciales ». 

Un impact principalement parisien

Pour Procos, la vacance commerciale a particulièrement augmenté à Paris, avec un taux de 8,7% en 2022, contre 5,3% avant le covid. A titre de comparaison, le différentiel n’est que de 0,1 point dans les villes moyennes – 10,6% en 2022 contre 10,5% avant le covid*. Certaines rues étant en grande difficulté, comme l’Avenue de l’Opéra, qui connaît un taux de vacance de 18,4%, contre 5,1% avant le covid, ou la rue de Rivoli (12,5% contre 5,5%). « Cette dernière étant devenue piétonne et dédiée à la circulation douce, elle génère globalement moins de flux, donc moins d’activité et donc plus de vacance commerciale » explique Nicolas Louis-Amédée. Pointant « les risques de décommercialisation de certaines rues », Procos demande « un périmètre d’intervention spécifique ». 

Pourtant, il y a cinq ans, « les municipalités avaient réagi à la forte attractivité de la périphérie et des centres commerciaux en revitalisant les centres-villes, explique David Borgel. Mais les zones cotées avant covid ont été moins fréquentées ». Nicolas Louis-Amédée met cependant en garde contre la tentation de tirer des généralités : « la vacance commerciale est très localisée et peut être très différente d’une ville à une autre et au sein d’une même ville entre le centre-ville et sa périphérie ».

Pour le directeur du développement de Territoires & Marketing, ce sont les villes moyennes qui tirent leur épingle du jeu avec un nombre important d’intentions d’ouvertures. « Elles présentent l’avantage d’avoir une zone de chalandise conséquente et une pression concurrentielle moins forte avec une valeur locative moins importante » explique-t-il. C’est d’ailleurs sur ces villes que la vacance commerciale semble « avoir le moins augmenté, voire stagné » observe-t-il. 

Pour la fédération pour l’urbanisme, « à date, la Covid a laissé plus de traces en matière de locaux vacants dans les centres commerciaux que dans les autres lieux de commerce avec une vacance qui est passée de 11,8 % en 2019 à 14 % en 2022, alors que les augmentations sont très légères, en moyenne, dans les centres-villes et encore plus dans les zones commerciales de périphérie ». 

Pour Nicolas Louis-Amédée, cela s’explique en grande partie par le nombre de réseaux qui étaient installés dans ces espaces et qui ont périclité. « C’est éphémère » convient-il. « Il ne faut pas imputer la vacance aux seuls bailleurs. 

C’est également une question d’attractivité d’une marque, reconnaît de son côté David Borgel. Le covid a entraîné des fermetures en masse et une dégringolade des valeurs locatives ».

Taux d’effort

« La vacance en droit a du sens dans la mesure où elle permet de faire baisser des loyers » explique Gilles Hittinger-Roux. Elle peut ainsi permettre aux bailleurs de « revoir leurs conditions à la baisse et offrir l’opportunité à de nouvelles enseignes de s’installer ». 

D’un point de vue juridique, les locataires d’un bail commercial ont la possibilité de renégocier leur loyer s’ils apportent « la preuve d’une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10 % de la valeur locative », poursuit Gilles Hittinger-Roux au titre de l’article 145-38 du code du commerce. 

Ainsi, si des boutiques sont fermées aux alentours, le locataire a la possibilité de renégocier son loyer. Un équilibre qui repose sur le taux d’effort, qui représente le poids du loyer par rapport au chiffre d’affaires réalisé, ne doit pas être trop élevé. « Dans un contexte d’inflation, il faut qu’il soit le plus bas possible pour pouvoir durer » estime Nicolas Louis-Amédée. S’il dépasse les 8, 10, 12 ou 15%, l’entreprise disparaît » avertit Gilles Hittinger-Roux. 

* Procos données Codata. La vacance commerciale s’entend ici en pourcentage du nombre de locaux vides sur le nombre total de locaux de commerciaux dans un périmètre défini.

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