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Reprendre un réseau de franchise (1/5) : Histoire d’une passation de pouvoir en bonne intelligence avec le cédant

Reprendre un réseau de franchise (1/5) : Histoire d’une passation de pouvoir en bonne intelligence avec le cédant

Déjà associés dans plusieurs aventures entrepreneuriales, Patrick Grange et Jacques Bedun ont repris en 2017 le réseau Envia Cuisines (de la conception à l’installation de cuisines).


Changements apportés au concept, gestion (originale) de la relation avec le cédant, développement du réseau depuis l’acquisition (de 7 à une trentaine de points de vente) : ils s’expliquent sur une transition qui s’est effectuée en douceur.

Comment s’est présenté le rachat de l’enseigne Envia Cuisines ?

Patrick Grange : Amis à l’origine, nous nous sommes lancés ensemble dès 2009 dans l’aventure entrepreneuriale. Nous avons créé en quelques années deux magasins dans la literie, Place de la Literie, en licence de marque, un point de vente en propre Cuisines Gusto, spécialisé dans la cuisine aménagée sur-mesure haut-de-gamme avec l’idée de développer le concept en enseigne, et enfin un dernier, en 2015, sous la marque Tousalon.

Nous avons alors rencontré Jean-Pierre Moreau, ancien développeur du réseau Place de la Literie. Il avait lancé le concept Envia Cuisines avec son épouse.

Jacques Bedun : Nous connaissions le système de franchise étant nous-même franchisés à travers nos activités autour du meuble. Nous étions convaincus de devoir être entourés en devenant franchiseurs et ainsi gagner du temps : s’enrichir de l’expérience acquise, éviter de reproduire des erreurs, bénéficier des partenariats commerciaux mis en place… 

Jean-Pierre Moreau possédait une expertise des métiers de cuisiniste et de franchiseur, et nous avions eu un vrai coup de cœur pour le concept Envia Cuisines. Son positionnement sur le marché, la cuisine de qualité à petit prix, répondait au plus grand nombre, tandis que notre concept, Cuisines Gusto, occupait le marché Premium.

Quels changements avez-vous apporté au concept ?

Jacques Bedun : l’ADN initiale du concept a été conservée, nous avons amélioré des éléments de langage et surtout construit des process pour développer rapidement et conquérir le territoire. Nous avons ainsi créé notre propre école de vente, un organisme certifié Qualiopi, pour accompagner les adhérents à notre licence de marque. La tête de réseau est aussi passée d’aucun salarié à 12 collaborateurs.

Patrick Grange : Tous les process – rétroplanning d’ouverture, lancement du magasin, etc. – ont été définis et écrits de manière très précise. Nous voulions que les membres du réseau restent avec nous par choix, et non par obligation contractuelle.

Quelles ont été vos relations avec le cédant, après la transmission de son réseau en 2017 ?

Patrick Grange : Du fait de notre rapport amical avec Jean-Pierre (Moreau), nous souhaitions un accompagnement de sa part. Il est d’abord resté durant un an à nos côtés, tout en demeurant aux manettes du réseau.

Cela nous a permis d’observer, en toute transparence, comment il fonctionnait, quelle relation il établissait avec les adhérents, à la fois pour s’imprégner de sa manière d’agir, pour le questionner sur de potentielles améliorations et pour se préparer à l’étape suivante, la direction effective du réseau.

Jacques Bedun : La première année, nous nous sommes comportés comme si c’était toujours lui le patron, dans une position d’observateur et d’élève, sans nous imposer. Cela exige de partager des valeurs communes avec le vendeur du réseau, et beaucoup d’humilité de part et d’autre. Cette situation en retrait nous a permis de créer une relation de confiance avec les adhérents et d’améliorer le concept sans opérer une totale révolution.

La deuxième année, c’était l’inverse : nous, aux manettes, et lui en observation et conseil. Ce choix nous a permis de monter en compétences en étant accompagné par un coach, d’éviter des erreurs élémentaires, et en parallèle, de développer des outils performants.

Et aujourd’hui ?

Jacques Bedun : Jean-Pierre (Moreau) participe à la vie du réseau, il est notamment membre de la commission Communication. Il reste présent, en observateur. C’est pour le réseau une caution morale. 

Il avait une relation très affective avec la marque Envia Cuisines, et avait reçu d’autres propositions pour le rachat de son réseau. Mais il voulait avant tout préserver la convivialité au sein de l’enseigne, que ce ne soit pas juste une relation contractuelle avec les adhérents, mais une histoire de famille. Son épouse, quant à elle, est toujours gérante du magasin Envia Cuisines d’Orléans. 

De quels experts vous êtes-vous entourés pour cette transaction, et que vous ont-ils apporté ? 

Patrick Grange : Juristes et comptables, mais sans faire appel à un cabinet d’experts spécialisé en franchise.

Il nous a fallu transcrire de manière juridique nos envies et les décisions prises, pour éviter tout imbroglio dans le futur. Nous avons donc abordé tous les sujets avec Jean-Pierre (Moreau), en imaginant tous les scénarii possibles, et en étant précis sur les conditions de son accompagnement durant deux ans.

Un rachat de réseau, c’est comme s’associer dans l’entrepreneuriat : plus on discute avant de s’engager, moins on rencontrera de problèmes à l’avenir, puisqu’ils auront déjà été évoqués et résolus. 

Depuis l’acquisition, comment s’est développé votre réseau ?

Patrick Grange : D’être franchisé pour d’autres enseignes nous a apporté ce regard sur le franchiseur. Et notamment, la volonté de préserver la convivialité au sein du réseau, même après l’industrialisation du développement après le 10e magasin ouvert.

Jacques Bedun : Nous cherchons par exemple à partager les expériences, en particulier à travers le congrès, moment privilégié avec les adhérents, et le séminaire annuel sur deux jours qui réunit toutes les forces vives de l’enseigne de la tête de réseau en passant par les adhérents, managers, concepteurs, jusqu’au staff administratif.

En plus des deux commissions existantes, nous avons ajouté des rencontres intermédiaires afin de lancer les opérations commerciales et cultiver davantage le sentiment d’appartenance au réseau. Nous avons également développé un extranet pour les adhérents, véritable outil d’échange, d’information et de formation continue. Par ailleurs, nous communiquons de manière massive sur les réseaux sociaux. Le réseau compte désormais une trentaine de points de vente.

Quels sont les points à surveiller dans une transaction concernant un réseau de franchise ?

Jacques Bedun : L’acquéreur du réseau ne doit pas seulement se focaliser sur les éléments comptables chiffrés, qui certes déterminent la pérennité de l’entreprise, mais aussi porter attention à la culture du réseau, aux relations humaines et aux partenariats déjà mis en place.

Il ne faut d’ailleurs pas hésiter à questionner les adhérents, pour savoir comment ils vivent leur aventure entrepreneuriale et leur développement, et, en cas d’éléments d’insatisfaction détectés, chercher à les résoudre.

Patrick Grange : Le rapport de confiance avec le vendeur du réseau est très important, car s’il n’existe pas, la vigilance sera requise sur de nombreux sujets. De même, il est impératif de s’imprégner de la culture interne des adhérents, pour réussir à créer un lien avec eux.

Par notre culture professionnelle double, de franchisé et de franchiseur, on a une vision assez précise de notre rôle vis-à-vis des adhérents : leur apporter tous les éléments – fournisseurs, informatique, assurance, etc. – pour leur permettre de se concentrer à 100 % sur leur business.

À lire aussi : >> Reprendre un réseau de franchise (2/5) : en quoi consiste le métier de banque d’affaires, pour faciliter la transmission

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