Premier réseau national d’agences de travail temporaire et de recrutement, le réseau de franchise Temporis accompagne ses clients entreprises au quotidien dans leurs recrutements (intérim, CDI & CDD) et également ses clients intérimaires en considérant leurs attentes. Forte de 200 agences réparties sur l’ensemble du territoire, Temporis est au premières loges pour constater les évolutions du marché de l’emploi et du rapport qu’entretiennent les Français avec le travail.
Laurence Pottier-Caudron a créé il y a 23 ans le réseau Temporis. En avance sur son temps et en phase avec ses valeurs, elle a de suite considéré les intérimaires comme ses clients. Aujourd’hui, elle apporte son regard sur le marché de l’emploi, sur les nouveaux rapports au travail et sur les évolutions du secteur de l’intérim. Interview.
Quelles grandes tendances constatez-vous sur le marché du travail ?
Laurence Pottier-Caudron : Il y a eu deux événements qui ont changé le rapport au travail : les 35 heures et le Covid. Le Covid est venu renforcer les évolutions déjà en marche et introduire un nouveau rapport au travail. Avant, quand on interrogeait des représentants de ma génération sur la place que le travail occupait dans leur vie et l’importance qu’elles y attachaient, la réponse était « très importante » à plus de 70%. Maintenant, on serait plutôt autour des 30%. C’est-à-dire qu’aujourd’hui, réussir dans la vie n’est pas uniquement réussir sa vie professionnelle. Le rapport à la famille et aux amis a pris un importance notable. Quand vous lisez les annonces d’emplois, elles n’ont plus du tout la même teneur. Avant, pour progresser, il fallait être mobile. Maintenant, on vous dit : « Trouvez le poste qui vous convient, près de chez vous. » La façon de communiquer intègre et témoigne de l’évolution des attentes des individus quant à la place de leur travail dans leur vie.
Aujourd’hui, pour que les travailleurs soient engagés, il faut qu’ils trouvent du sens dans le travail qu’ils exécutent, qu’ils sentent que ce qu’ils font est utile. L’aspect sociétal des entreprises a ainsi fortement progressé, les salariés ont besoin d’être fiers de l’organisation dans laquelle ils travaillent. C’est une notion qui est beaucoup plus présente qu’il y a 10 ou 20 ans. Aujourd’hui, toutes les entreprises ont bien compris qu’elles devaient être attractives et rassembler des salariés qui vont bien, qui ont un bon état d’esprit, parce que si les salariés sont épanouis, ils vont bien traiter leurs clients. C’est finalement le client final qui récupère toute la chaîne de valeur d’une entreprise où les personnes se sentent bien. Bien sûr, il reste des groupes où il faut encore faire de la pédagogie, mais globalement, on note une réelle prise de conscience.
Temporis est-elle au premières loges pour constater ces évolutions du monde du travail ?
Laurence Pottier-Caudron : Quand j’ai créé Temporis en 2000, j’ai de suite voulu fonctionner autrement. J’avais constaté que le client intérimaire était souvent le moyen de satisfaire l’entreprise utilisatrice, chez Temporis, j’ai souhaité que ce soit nous qui soyons le moyen de satisfaire nos deux clients : le client entreprise et le client intérimaire. Aujourd’hui, cette façon de penser prend tout son sens, mais quand je l’évoquais en 2000, j’entendais : « C’est la dame qui fait du social. » Mon conseiller en franchise m’a un jour dit : « Vous auriez pu vous contenter d’être la première à faire de la franchise dans le monde de l’intérim, mais vous y avez aussi ajouté des valeurs. C’est pour cela que vous serez difficilement copiable ».
C’est important pour Temporis de parler de ces évolutions du rapport au travail parce que nous avons en face de nous des clients entreprises auprès desquels nous avons un rôle de passeur, pour faire en sorte que ce soit plus simple pour eux de recruter et d’avoir des collaborateurs engagés. Certains de nos franchisés interviennent d’ailleurs sur ces sujets de la marque employeur et des nouveaux rapports au travail.
Ce rapport au travail a-t-il radicalement changé ?
Laurence Pottier-Caudron : Ce qui est assez particulier et complexe, c’est que le rapport au travail varie selon les personnes mais aussi selon les étapes de leur vie. Récemment, une candidate à la franchise m’a dit « Jusqu’à présent, je voulais concilier ma vie professionnelle et ma vie professionnelle, parce que j’étais une maman qui élevait ses enfants seule. J’ai dû composer avec cette contrainte. Aujourd’hui, mes filles sont grandes et j’ai envie de m’occuper de moi, de faire ce que j’ai envie de faire et de devenir chef d’entreprise ! » Cette candidate est donc passée d’un mode « équilibre vie pro/vie perso », à un mode « ascension ».
C’est intéressant, parce que cela signifie qu’une même personne, selon les différents moments de sa vie, peut avoir un rapport tout autre au travail. En ce qui concerne les intérimaires, ils sont 83% à être satisfaits de l’équilibre vie professionnelle et vie personnelle que ce type de contrat leur apporte et 40% d’entre eux trouve que c’est une bonne solution pendant plusieurs années.
Est-ce possible de faire de la géométrie variable dans un grand groupe ?
Laurence Pottier-Caudron : Les entreprises doivent s’adapter à la fois aux attentes de leurs clients, qui vont vers de plus en plus d’immédiateté, mais aussi à celles de leurs salariés, qui ne sont pas toujours en corrélation. La grande difficulté des entreprises est donc de mener une organisation centrée client et, dans ce cadre, réfléchir aux possibilités qui existent pour répondre à certaines attentes de leurs collaborateurs. C’est vraiment difficile, mais aussi hyper intéressant de chercher de nouvelles idées qui puissent satisfaire la majorité des partenaires et des interlocuteurs d’une entreprise.
C’est un sujet complexe, car, même s’il y a une vague de fond, une seule réponse ne me paraît pas adaptée à tous. C’est pour cette raison, par exemple, que je suis contre le principe d’un modèle unique, comme par exemple, la semaine de quatre jours. Cette organisation du travail correspond à une attente particulière d’un certain nombre de salariés, mais pas à celle de la totalité d’entre eux. Il y a des personnes, par exemple, qui vont préférer finir tous les soirs plus tôt pour aller chercher leurs enfants à l’école. L’intérêt dans une entreprise, c’est d’avoir une géométrie variable. Il n’y a pas une réponse valable pour tous, il y en a plusieurs. Evidemment, une fois que l’on a dit ça, on mesure la complexité de la mise en œuvre d’une solution facilement gérable qui convienne au plus grand nombre.
Dans ce contexte, est-ce que l’intérim séduit de nouveaux profils ?
Laurence Pottier-Caudron : Aujourd’hui, on constate que la plupart des salariés auront plusieurs emplois dans leur vie. Or, l’intérim offre une liberté qu’une personne en CDI ne peut pas avoir. D’ailleurs cette notion de liberté est au premier plan des évocations spontanées des intérimaires suivie par le salaire. Cette forme de flexibilité dans l’emploi correspond parfaitement aux attentes des jeunes générations. L’intérim apparaît alors comme le contrat flexible le plus protecteur socialement (dispositifs de formation, mutuelle, régime de prévoyance, aides sociales). Nous sommes donc à une époque où l’intérim est un choix pour un plus grand nombre d’intérimaires.
D’ailleurs, l’emploi intérimaire augmente chez les cadres et les professions intermédiaires. Tous les ans, nous interrogeons nos clients intérimaires pour connaître le rapport qu’ils entretiennent avec l’intérim et 91% d’entre eux jugent que leur passage à l’intérim a été utile pour acquérir une expérience professionnelle. La notion de tremplin vers l’emploi existe toujours et c’est aussi un moyen pour les entreprises de recruter. Certains groupes prennent des collaborateurs en intérim pour ensuite leur proposer un CDI.
Pour 61% de nos clients intérimaires, l’intérim leur a permis d’acquérir une expérience professionnelle ; pour 53 %, d’apprendre différents métiers ; pour 48 % de se former ; pour 45 %, c’est aussi un moyen de financer leurs études ; et pour 40 %, c’est un moyen de trouver un CDI ou un CDD. Le travail intérimaire représente donc un réel levier d’insertion durable dans le monde de l’emploi. C’est aussi pour cela que, chez Temporis, nous célébrons le moment où un client intérimaire obtient son CDI. Cela témoigne de notre qualité de service : nous avons su sélectionner la bonne personne pour la bonne entreprise.
Avec près de 200 agences sur l’ensemble du territoire, vos franchisés ont une connaissance profonde des entreprises et des bassins d’emplois. Constatent-ils que certains métiers attirent moins que d’autres ?
Laurence Pottier-Caudron : Depuis la rentrée, il y a une tension sur le marché de l’emploi, on le sent bien. Il y a notamment le secteur du bâtiment qui commence à se tendre. En agence, on rencontre de nouveaux profils de cette branche d’activité qu’on ne voyait plus. On retrouve un certain nombre de postes pénuriques qui sont un peu toujours les mêmes : l’hôtellerie-restauration par exemple. L’IT est aussi un domaine en tension ainsi que le secteur médical : trouver des aides-soignants et des infirmières n’est pas chose aisée.
Cela est dû à plusieurs éléments, et notamment à la période Covid, durant laquelle certaines personnes ont dû se reconvertir. Elle ont constaté quelquefois que leur nouveau métier leur correspondait mieux que celui qu’elles avaient exercé précédemment. Une grande partie du personnel de l’hôtellerie-restauration, par exemple, s’est tournée vers le secteur de la logistique, et n’y est pas revenue. Donc, oui, il y a des métiers où cela devient plus difficile de recruter. Un autre exemple : chez Temporis, nous rencontrons des candidats qui postulent pour devenir franchisés Temporis Santé. Ces personnes sont issues du milieu médical et ont vécu la période Covid. Aujourd’hui, elles veulent continuer d’exercer dans ce secteur d’activité, qu’elles connaissent bien, mais en l’abordant sous un autre angle.