Diagnostic des flux des centres-villes, mobilisation des élus, recours aux aides gouvernementales… Pêle-mêle, voici quelques ingrédients clés pour redynamiser un centre-ville.
« C’est historiquement autour des commerces que se sont construits les villes », rappelle Christophe Noël, délégué général de la Fédération des Acteurs du Commerce dans les Territoires (FACT). De fait, le lien des Français avec les commerces est très fort. « Le covid et les confinements répétitifs ont permis aux gens de se rendre compte de ce qu’était leur centre-ville et de ce qu’était a contrario un centre-ville mort. Le centre-ville a beaucoup d’avenir », se félicite de son côté Pierre Creuzet de Centre-Ville en Mouvement. Pour le directeur fondateur de l’association qui œuvre pour partager les bonnes pratiques pour redynamiser les centres-villes, « le commerce est déterminant pour l’attractivité des villes. Il répond à la fois à un besoin d’animation et de vivre ensemble des citoyens ».
Pour Christophe Noël, « le signe de vitalité » d’une ville est son offre de commerce. Une dimension qui a été intégrée par les élus, se réjouit-il. Pour l’encourager, certaines communes se sont même dotées de managers de centre-ville. Si elles ne disposent pas d’un tel manager, il revient à un élu local d’impulser une dynamique, avertit Emmanuel Le Roch, délégué général de Procos, fédération représentative du commerce spécialisé. Voire au maire lui-même, insiste Pierre Creuzet. Toutefois, la redynamisation des centres-villes ne passe pas seulement par le commerce. Un commerce de centre-ville qui décline aurait des causes « multifactorielles », liées à la fois à la densité de population, au logement, à l’accessibilité, au stationnement, à la propreté et à la sécurité de la ville. En ce sens, « le commerce n’est pas un sujet indépendant du fonctionnement du centre-ville », explique Emmanuel Le Roch.
Au-delà de la revitalisation commerciale, ce sont ainsi toutes les actions entreprises pour rendre un centre-ville attractif – son accessibilité, le stationnement, la piétonnisation, l’urbanisme de pied d’immeuble… – qui concourent au dynamisme d’un centre-ville. Pour attirer les consommateurs, Pierre Creuzet insiste sur la nécessité de travailler sur « l’alchimie » des centres-villes, en intégrant à la fois des logements, des restaurants, des établissements publics et administratifs, des animations, de la vie culturelle ou encore du tourisme. Car in fine, le prérequis pour avoir un centre-ville dynamique reste d’avoir des habitants et de créer de la vie et de la demande.
Cinq milliards d’euros pour Action Cœur de ville
Considérant la dimension multifactorielle du bon fonctionnement des centres-villes, la filiale de la banque des territoires CDC habitat va financer la construction de 8 000 logements dans des villes moyennes pour 1,2 milliard d’euros. Les pouvoirs publics, pour contrer la sinistrose de certains centres-villes de villes moyennes ont de leur côté mis en place le programme Action Cœur de ville. Un projet qui mobilise plus de cinq milliards d’euros sur cinq ans et travaille sur tous les sujets des 222 villes moyennes sélectionnées : habitat, services et équipements publics, commerce. « On a réalisé 916 millions d’euros de prêts et investi 400 millions d’euros dans des sociétés de projet sur 2017-2022 » détaille Michel-François Delannoy, directeur du département appui aux territoires à la Caisse des dépôts et consignations (CDC).
Pour la saison 2, la Banque des Territoires prévoit une capacité de prêts à hauteur de 700 millions d’euros et d’investissement pour 500 millions d’euros. Ainsi qu’une enveloppe de « 90 millions d’euros pour aider les projets en ingénierie opérationnelle : les villes qui font partie du programme, plus matures sur leurs intentions, veulent surtout concrétiser leurs projets » explique Michel-François Delannoy. Au-delà de signer simplement des chèques, la banque des territoires agit ainsi en accompagnement et en conseil « pour aider les collectivités à aller au bout de leurs projets en leur donnant accès à des experts qui vont fiabiliser et sécuriser leurs opérations » poursuit-il. Ce que fait également l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) en facilitant l’accès des collectivités locales aux ressources nécessaires, notamment en termes d’ingénierie technique et financière, de partenariats ou de subventions.
Des stratégies qui semblent payantes : l’étude de la Fact démontre ainsi que le programme Action cœur de ville a réduit la vacance commerciale. « Depuis 2020 une baisse semble s’amorcer, plus rapide dans les villes concernées par le programme », relève Christophe Noël. « Dans les villes dans lesquelles nous avons investi, comme Vierzon, la vacance a baissé de 6,7 points entre 2018 et 2022 », cite en exemple Michel-François Delannoy.
Flux de clientèle
D’autres villes, comme Saint-Raphaël, qui n’a pas bénéficié du dispositif Action Cœur de ville, s’en sortent autrement. La commune s’est ainsi dotée d’un manager de centre-ville et d’outils digitaux. Les multiples données récoltées lui permettent d’avoir une vraie expertise clientèle et de faire correspondre l’offre à l’attente locale. Son outil de sourcing GPS Mytraffic permet ainsi de connaître la fréquentation précise à 15 mètres d’un local commercial, la durée de visite d’un piéton en centre-ville, la provenance des clients, la répartition par genre, par âge et par revenu fiscal. Elle est ainsi en mesure de répondre à la première question des franchiseurs : « quel est le flux du centre-ville ? », argue Yoann Cousin, son manager de centre-ville.
Poser un diagnostic sur le commerce, mesurer les flux de clientèle – travailleurs, habitants, touristes – et s’interroger sur le périmètre des activités commerciales du centre-ville sont des prérequis indispensables avant de déterminer une stratégie commerciale. Soit « déterminer à combien de rues correspond le potentiel global d’attractivité de la ville », détaille Emmanuel Le Roch.
Autre démarche payante, cette fois pour booster la clientèle et la dynamique commerciale d’un centre-ville, les regroupements de commerçants. Les unions commerciales ou les associations de commerçants font ainsi les beaux jours des centres-villes. Une telle animation permet de créer une ambiance, de générer une satisfaction client et de lui donner envie de revenir. « La Journée nationale du commerce de proximité », qui a lieu chaque année le 2e samedi d’octobre touche par exemple plus de 700 villes aujourd’hui labellisées. Un événement matérialisé par des panneaux en entrée de ville qui engage 16 000 commerçants et artisans et touche quelque 6 millions de clients. Toutes ces actions collectives constituent de belles occasions de rompre les clivages et de fédérer les acteurs économiques.
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