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Créer une franchise (1/5) : histoire d’un franchiseur-né

Laurent Bassi Basilic & Co pour illustrer l'article sur comment créer une franchise.

Quand une trentaine de chargés d’affaires de banques de votre région vous refuse votre premier prêt professionnel permettant de créer une franchise imaginée dès les études, faut-il croire que l’on ne possède pas d’avenir ? Eh bien non !


Ce refus massif des banques, pierres cardinales dans toute aventure entrepreneuriale, est arrivé au début des années 2000 à Laurent Bassi, fondateur de Basilic & Co (pizzas de terroir), qui ne s’est pas pour autant découragé en s’appuyant sur l’essence même d’un chef d’entreprise : prendre le risque et oser.

Toujours dirigeant de l’enseigne aujourd’hui, il nous raconte les débuts, forcément épiques, de son réseau de franchise, lancé en 2014 et comptant aujourd’hui une soixantaine d’implantations.

Pourquoi vous êtes-vous dirigé, dès les études, vers le modèle de la franchise ?

Laurent Bassi : Cela m’a très tôt intéressé de repenser les codes de la restauration à travers le monde rural, dont je suis issu, à l’esprit finalement plus révolutionnaire que les anglo-saxons.

En regardant un reportage de l’émission documentaire Strip-Tease, j’avais eu un aperçu de la méthode de management à l’américaine, très descendante, exigeant discipline et rigueur de la part des salariés.

Plutôt que de les faire évoluer dans la contrainte et des principes fondés sur des mots-clés, j’ai préféré chercher à expliquer à mes collaborateurs le sens et les valeurs dans un métier de la restauration accueillant tout type de profil, notamment en situation d’échec scolaire.

J’ai alors réfléchi à un modèle offrant un équilibre économique et du temps pour une vie de famille à chacun, dans une relation d’entrepreneur à entrepreneur.

Étudiant en école de commerce, j’avais découvert la franchise à travers des études de cas, sur la restauration rapide ou les centres de lavage automobiles.

Ce système de commercialisation permettait d’accéder à ma vision de la restauration, en proposant la complémentarité d’un franchiseur, gérant la croissance du développement du réseau, et d’un franchisé, en charge de développer ses restaurants et sa clientèle sur un territoire donné, en apportant harmonie et équilibre dans ses équipes.

Pourquoi vous êtes-vous lancé dans la restauration ?

Laurent Bassi : En parallèle de mes études, j’étais président d’une association à but caritatif de sports extrêmes – motocross, BMX free stylesnowboard, etc. – organisant des événements à l’occasion du Sidaction ou du Téléthon, financés par le sponsoring et reversant l’intégralité des recettes à ces causes.

La partie « restauration rapide » était vite devenue une importante activité dans nos événement sportifs. Naturellement nous proposions à nos clients une carte à base de produits locaux, en plus des traditionnels : barquettes de frites, hot dogs, etc.

Bien que nous devions élaborer de gros volumes de repas – nous avons alors appris à gérer les rushs ! -, nous composions nos menus avec des produits de terroir ou confectionnés sur place : foie gras, confiture d’oignons, raviole de Romans pochée. Nous nous sommes rendu compte que la restauration rapide de terroir était appréciée et rapidement vendue.

À la fin de mes études, j’ai alors décidé, de proposer, hors événements, des « pizzas de terroir » confectionnées avec des produits locaux français et de m’installer dans un local commercial de mon village d’origine pour tester le concept. Le concept de pizza de terroir est né là. 

De quelle façon êtes-vous passé à l’opérationnel ?

Laurent Bassi : J’ai d’abord établi les recettes, mariant les goûts pour une gastronomie de qualité, à partir de bons produits locaux, une pâte qui plaise aux Français et de la sauce tomate directement préparée sur place.

J’ai voyagé pour m’inspirer des meilleures méthodes artisanales et de celles employées par des champions de France ou du monde de pizza. J’ai aussi étudié le fonctionnement des enseignes de restauration rapide américaine pour comprendre comment une enseigne internationale a procédé pour standardiser ses produits et dupliquer son modèle.

Je monte donc mon business plan à la fin de mes études, pour un food truck dédié à l’événementiel mais également qui puisse être installé sur des emplacements en ville. L’intérieur du camion est même dessiné à l’aide d’un logiciel 3D.

Avez-vous obtenu l’accord d’un établissement bancaire ?

Laurent Bassi : J’ai rencontré une trentaine de chargés d’affaires de banques dans ma région, et tous m’ont dit : Non. J’avais 24 ans et zéro euro d’apport personnel.

Seul le conseiller professionnel d’une Caisse d’Épargne à Grenoble m’avoue : « Le food truck est considéré comme un métier à risques, et sans apport, impossible de financer le projet, même s’il est super. Mais comme client, j’achèterai volontiers de la pizza de terroir. Un conseil : ce serait plus rassurant de monter votre projet dans un local commercial. »

Bien que mon projet soit refusé par plusieurs agences bancaires dans ma région, je ne lâche rien.

Je remanie mon business plan, cette fois autour d’un restaurant de pizzas de terroir à emporter, en considérant comme apport 10 000 € d’avance sur paiement des charges sociales gagnés dans un concours de jeunes créateurs. Auxquels s’ajoutent 4 000 € prêtés par le responsable d’agence de mon village – le maximum qu’il pouvait me prêter. Mon oncle se porte caution pour moi auprès de cette agence. Je lui en suis très reconnaissant !

Et la suite ?

Laurent Bassi : J’ouvre le restaurant « Au coin du feu » en 2004 après 8 mois de travaux, réalisés avec mon associé de l’époque, sans dépasser le budget initial, enseigne comprise.

Ce lieu de 36 m2, dans un vieux local refait de fonds en comble, est monté avec des matériaux de récupération. Nous construisons le four à bois. Le plan de travail et la caisse en bois sont réalisés sur mesure par mon père. L’électricité et le carrelage sont exécutés à l’aide de mes autres oncles. L’investissement le plus cher restera un meuble réfrigéré, où sont disposés les ingrédients de la pizza, pour 1 800 €.

Dans un village de 3 000 habitants, on pouvait confectionner 80 à 90 pizzas en une seule soirée. Gérer l’évènementiel en même temps devient toutefois compliqué…

Qu’avez-vous alors décidé ?

Laurent Bassi : Après deux années d’exploitation, j’ai adopté une autre solution : développer un concept de franchise, offrant moins de contraintes qu’un restaurant classique, limitant les investissements initiaux pour de jeunes créateurs d’entreprise disposant de peu de moyens financiers. Pour eux, si la motivation et l’énergie sont souvent présentes, l’argent reste un frein.

Pour avoir étudié les concepts à l’américaine et refusé de les reproduire, je voulais un développement qui me ressemble et retrouver le défi de la création, face à des enseignes déjà existantes disposant de 50 ans d’avance.

Comment avez-vous procédé pour créer la franchise Basilic & Co ?

Laurent Bassi : Il fallait déjà un matériel fabriqué sur mesure et préservant notre confection artisanale tout en permettant de produire 200 pizzas à l’heure, en respectant ma volonté d’un faible investissement financier et en important, dès 2006, un four rotatif à bois.

Pour financer la création de la marque et mon unité-pilote, j’ai vendu mon premier restaurant, ce qui me permet cette fois-ci de disposer d’un apport personnel de 75 000 €.

Je me suis implanté en 2007 à Romans-sur-Isère, une ville plus importante, pas la plus glamour économiquement parlant, avec très peu de franchises de restauration à cette époque. Si mon concept marche là, il fonctionnera partout ailleurs ! 

J’obtiens un local de 68 m2 en liquidation judiciaire qui, après huit mois de travaux, proposera uniquement de la vente à emporter. Nous utilisons du matériel professionnel pour la première fois, avec un meuble à pizzas sur mesure recyclé à partir d’un meuble de bar réalisé par une entreprise locale.

Et pour le nom de marque ?

Laurent Bassi : Je me suis accordé deux jours de repos pour réfléchir à un nom de marque. Je ne voulais pas qu’il soit uniquement représentatif du produit Pizza, et donc ne comporte pas ce terme. Je souhaitais qu’il évoque la nature en parlant de la pizza, qu’il soit au début de l’alphabet pour des raisons de référencement, comme sur les Pages jaunes, et qu’on puisse imaginer des origines méditerranéennes.

Le basilic, plante provençale aromatique de la pizza Margherita, convenait, d’autant que sa couleur verte correspondait à la nature, au terroir. Sur une pizza de terroir, on peut trouver du basilic, mais pas que… d’où le « and Co » !

J’ai choisi aussi le blanc, couleur de la propreté et de la transparence, en le soutenant par du gris anthracite, apparenté au luxe pour sa proximité avec le noir.

Nous travaillons également un pictogramme qui s’inspire d’une feuille de basilic et de l’univers des produits BIO d’autant que dès le premier restaurant, nous utilisions des produits biologiques. J’ai ajouté comme base line « pizzas de terroir » pour expliciter notre activité, et déposé le logotype, la marque et le nom en 2006.

Quelle a été la préparation au développement en franchise ?

Laurent Bassi : J’ai d’abord écrit le manuel opérationnel, en prenant simultanément des photos et en faisant tester chacune des procédures par mes équipiers en pizzeria.

Ces 700 pages décrivaient dans le détail les procédures, en les argumentant, c’est-à-dire en expliquant pourquoi les exécuter. Notre cabinet de consultants en franchise, Franchise Management, m’a coaché sur ce travail, mais j’en ai écrit chaque ligne. Il fallait rendre accessible un métier complexe, pour des personnes qui n’étaient pas forcément issus de la restauration.

Pour réussir, il faut s’entourer des meilleurs experts en franchise : consultants, avocats spécialisés… Il est important d’éviter les fautes de gestes et de ne pas vouloir aller trop vite, par respect de chacun des chefs d’entreprise impliqués dans l’aventure.

J’ai réalisé un nouveau prêt conséquent pour moi à l’époque, d’environ 40 000 €, pour pouvoir construire les outils de la franchise : contrat, document d’information précontractuel, manuel opérationnel. Durant ces trois ans, j’ai travaillé 90 heures par semaine en moyenne, sans vacances, ni jours de repos

Comment s’est déroulé le déploiement en franchise ?

Laurent Bassi : J’ai ouvert un deuxième format de restaurant Basilic & Co avec places assises et vente à emporter à Grenoble, ville « italienne » et très concurrentielle où toutes les enseignes de franchise sont présentes.

L’emplacement était situé en périphérie de centre-ville, sur un axe fréquenté. Nous avons fait 50 000 € de chiffres d’affaires le premier mois, soit la moitié de notre première année d’ouverture à Romans-sur-Isère. Par la suite, le format a été étendu à la livraison.

Face au succès de nos deux premiers restaurants pilotes, nous pouvions alors lancer en 2014 le développement en franchise du concept « BASILIC & CO pizza de terroir ».

Le premier franchisé, Baptiste Vallée à Nantes, nous a découvert dans un article. Ce fils d’entrepreneur avait compris l’intérêt de l’intelligence collective au sein d’un réseau, il transpirait le commerce et désirait donner du sens au travail de ses équipes. Le feeling est très bien passé avec lui, son profil m’a convaincu. Malgré un business plan prudent, Baptiste a réalisé plus de 550 000 € de chiffres d’affaires hors taxes la première année uniquement en restauration sur place et en vente à emporter.

Baptiste possède aujourd’hui 4 restaurants Basilic & Co à Nantes et il a multiplié par 3 le chiffre d’affaires de son premier restaurant ! Heureusement que nous avions prévu de pouvoir fabriquer 200 pizzas à l’heure…

À lire aussi : >> Créer une franchise (2/5) : une triple partie juridique à anticiper impérativement !

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