Suite à la mort du jeune Nahel abattu par un policier, le pays s’est embrasé. Des centaines de commerces ont été vandalisés. Des milliers de salariés sont traumatisés par ce déchainement de violences soudain.
En plus des dégâts matériels parfois irréversibles, il convient désormais pour les commerçants, franchisés ou pas, de gérer la dimension psychologique de ces évènements. Pour eux, mais aussi pour leurs collaborateurs. Explications.
Dirigeants et salariés, victimes indirectes de cette violence sociale
Même pas blessés physiquement, les dirigeants et salariés des commerces vandalisés, voire détruits, par les violences urbaines de ces derniers jours, sont des victimes de ces évènements. « Ils sont victimes car ils ont été témoins directs ou indirects de violences soudaines, inattendues et avec un impact sur leur propre vie », explique d’emblée Camy Puech, président fondateur de Qualisocial, cabinet spécialisé dans la santé mentale et le bien-être en entreprise.
Les exploitants de point de vente ont vu le fruit de leur travail (souvent d’une vie) s’envoler en quelques minutes et la perspective de relancer leur petite entreprise s’annonce, pour certains, lointaines. Donc comment faire, comment tenir bon et repartir ? Les salariés de ces magasins vandalisés se retrouvent pour leur part au chômage partiel. Quelle que soit la situation, elle est injuste et violente d’un point de vue psychologique.
De la sidération et des émotions en pagaille
Dans ce type de situation violente, on va retrouver tous les symptômes d’un traumatisme. Dans un premier temps, de la sidération. À savoir une incapacité à agir et à réagir. Puis, les émotions vont prendre le dessus. Cela peut être de l’énervement, des crises de larmes, de la colère, de l’agressivité, etc.
« Lors de la crise des gilets jaunes, j’ai par exemple vu un gérant de fast food continuer à casser son restaurant déjà passablement anéanti par les manifestants. Il se disait, à quoi bon faire autant d’efforts pour que tout soit balayé en quelques minutes. En continuant de casser, il a cassé sa vie. Il avait travaillé pendant 15 ans pour sortir de son milieu d’origine et il venait de tout perdre », illustre Camy Puech.
Mettre ses salariés à l’écart des points de vente dévastés
Le premier réflexe d’un franchisé et de ses salariés confrontés à la destruction d’un point de vente est souvent de vouloir nettoyer et déblayer les dégâts. Erreur ! « Cela ne fera que renforcer le traumatisme. Ça va créer de l’espoir qui ne sera pas répondu de suite. Il convient au contraire, de protéger les personnes de ce qu’elles vivent, en les isolant. Il faut acter le caractère horrible de la situation et quitter les lieux le plus vite possible », recommande notre expert.
En fonction de la configuration du réseau, les franchisés et leurs salariés peuvent trouver refuge dans les locaux de la tête de réseau, au siège régional, voire, auprès d’autres franchisés de l’enseigne. « Un hôtelier du coin m’a appelé pour me proposer des locaux afin de nous réunir et d’essayer de poursuivre notre activité. Cette solidarité fait chaud au cœur », illustre Yohann Berthe, fondateur du réseau d’auto-écoles Drive Innov.
Laisser les gens s’exprimer librement
Une fois en « lieu sûr », il faut veiller à ce que chaque personne puisse exprimer, avec ses propres mots, l’injustice qu’elle vit dans cette situation. Ses peurs, ses doutes, ses appréhensions, ses blocages, sa vision pour demain, etc. « Ces échanges vont permettre à tous de comprendre les émotions des autres.
Autour d’un café, les émotions vont changer. Les sourires vont peu à peu revenir et les gens vont se reconnecter à la réalité et au vivre ensemble », décrypte le fondateur de Qualisocial.
Restaurer un collectif de travail pour le nouveau point de vente
Si le magasin est complètement détruit, cette crise peut être une opportunité pour reconstruire un projet plus collectif. « C’est l’occasion pour le collectif de travail de réfléchir à la boutique dont il rêve. D’améliorer ce qui dysfonctionnait avant sur le site. Le dirigeant doit identifier les points communs du collectif. Cela peut être un sentiment d’utilité, d’efficacité… et tous ensemble, ils vont œuvrer pour le suite », explique Camy Puech.
Toutefois, inutile de se voiler la face, ce processus n’est pas évident et va prendre du temps. D’autant que les salariés vont sans doute se retrouver en chômage partiel pour quelques semaines, voire quelques mois. Et c’est donc sur leur temps de travail qu’il va falloir miser et cultiver ce collectif. Et envisager l’avenir.