Cette Coupe du monde rugby organisée en France jusqu’à fin octobre est l’occasion pour nous de tirer des enseignements forts de ce sport collectif et de les transposer au monde du travail. Et ce, que la XV de France sorte victorieux ou pas de cette compétition.
Au rugby, rassemblement autour d’un projet commun
Pour Fabien Galthié, l’entraîneur du XV de France, faire (une) équipe c’est d’abord rassembler des individus autour d’un objectif commun, clairement défini. Au rugby, comme en entreprise, on se fédère donc « pour » quelque chose. Et dans le cadre de cette coupe du monde, pour l’équipe de France, l’ambition est claire et assumée : gagner des matchs, et surtout « gagner la Coupe du monde ». «
Comme en entreprise, si le staff et l’entraîneur créent les conditions de la réussite, en apportant et en communiquant la vision, en étant à l’écoute des besoins des joueurs, en organisant la progression, ce sont bien les joueurs qui finiront de porter le projet sur le terrain pour atteindre les objectifs. Il est donc essentiel de prendre en compte les compétences et les apports de chaque joueur. S’ils sont sélectionnés, c’est qu’ils ont une compétence forte qui leur est propre et que l’entraîneur doit pouvoir mobiliser. À chacun d’apporter et de démontrer sa « pépite » ! », analyse Charlotte Ringrave Manager sénior, spécialiste des sujets, management, coopération et inclusion au sein du Cabinet AlterNego.
Au rugby, on interroge le leadership et partage les responsabilités
Le capitaine endosse le rôle de leader principal, sur et en dehors du terrain, pour guider l’équipe vers la victoire. Il est généralement choisi pour son expérience, ses compétences en communication et sa capacité à inspirer et à motiver ses coéquipiers. Il est garant de l’application de la stratégie de jeu définie avec l’entraîneur : il assure la coordination sur le terrain, encourage la cohésion entre les joueurs et prend les décisions en temps réel sur les choix tactiques lors des matchs. Néanmoins, le rugby enseigne surtout l’humilité et le leadership est souvent partagé. D’abord, parce que la victoire ne va pas de soi mais surtout parce qu’elle ne peut être le résultat de la contribution que d’une seule personne.
Ainsi, d’autres joueurs peuvent incarner un leadership complémentaire et ponctuel. Par exemple, les avants peuvent avoir leur propre leader pour guider la tactique dans les phases de conquête. « Les joueurs expérimentés et chevronnés qui ont passé de nombreuses saisons au sein de l’équipe peuvent également jouer un rôle de leadership en apportant leur sagesse, leur connaissance du jeu et leur expérience pour guider les joueurs moins expérimentés. De jeunes joueurs prometteurs peuvent également montrer des signes de leadership émergent, et les entraîneurs et les coéquipiers peuvent les encourager à développer davantage ces qualités en les poussant à s’exprimer pour prendre une place plus importante à un moment donné », souligne Charlotte Ringrave.
Partagé et bien coordonné, ce leadership évite toute forme de confusion ou de conflit, augmente l’efficacité globale de l’équipe et permet, par exemple, de répartir la pression et prise de risque et les responsabilités entre les joueurs pendant les matchs importants. « Au travail, le leadership aussi est de plus en plus contextuel, dynamique et partagé. Pour un temps donné, dans une situation donnée, chacun en fonction de ses capacités peut prendre la place de leader, être reconnu comme tel par les autres et mettre en mouvement le collectif », ajoute-t-elle. Un cercle vertueux en somme !
Au rugby, pas de place pour les lâches
« Au rugby, il n’y a pas de place pour les lâches mais pour les joueurs qui sont moins bons. Si on a un gars avec un handicap, on joue avec lui. S’il commet une erreur, on ne va pas lui hurler dessus mais au contraire l’aider. En revanche, s’il fait semblant, qu’il est uniquement là pour briller, il n’a pas sa place dans l’équipe. De lui-même, il va s’exclure », explique Jérémy Teyssier, entrepreneur dans l’assurance, joueur de rugby mais surtout organisateur bénévole du Mondial Rugby amateur qui se déroule à Digne-les-Bains du 22 septembre au 1er octobre 2023.
« La loyauté par rapport au groupe est fondamentale. Sur le terrain, on ne peut pas mentir. Si on ne s’engage pas ou si on triche, on amplifie le risque de blessure. Ce qui pénalise tout le groupe », ajoute Florian Grill, président de la Fédération Française de rugby. « Dans mon entreprise, si un collaborateur engagé et loyal commet une erreur, je l’assume et je le soutiens. En revanche, s’il ne fait que tirer la couverture à lui, il partira car le collectif va écraser son individualisme », compare Jérémy Teyssier.
Au rugby, la défaite on l’accepte
« Dans notre sport, pas de place pour les mauvais joueurs. A la fin du match, on se retrouve au club house. Que l’on ait perdu ou gagné, on fait preuve d’humilité. Au boulot, ça doit être pareil. On se bat pour aller chercher de nouveaux clients, si on l’emporte c’est top, sinon ce n’est pas grave car on aura tout donné mais cela n’aura juste pas fonctionné cette fois-là. On est hyper transparent avec le client sur le sujet. Et peut-être reviendra-t-il vers nous plus tard », illustre-t-il.
Et Florian Grill, également PDG de l’agence de conseil en marketing CoSpirit Groupe de renchérir : « les rugbymen ont cette capacité à se remettre en question en cas de défaite. Un sportif sait que la défaite nourrit davantage que la victoire ».
Au rugby, place à la polyvalence et à l’agilité
« N’importe quel joueur peut se retrouver n’importe où sur le terrain. Autrement dit, même si chacun a, à la base, une position, il n’y a finalement pas d’hyper spécialisation des postes. Un second de ligne doit être capable de faire une passe à la ligne des trois-quarts. En entreprise, la réussite d’une équipe passe également par la polyvalence de ses membres », assure Florian Grill.
Ce besoin d’agilité trouve un écho tout particulier dans le monde du travail. « En effet, chaque organisation évolue dans un écosystème en mutation, traversé par des transformations économiques, numériques, légales, culturelles et sociétales, nécessitant une adaptation continue et la prise en compte systématique de contraintes internes et externes dans les réflexions stratégiques. Ainsi, tout projet est une somme de « petites » aventures dans lesquelles il est nécessaire de prédire ce qui peut l’être mais surtout de savoir réagir face aux complications. En effet, pour répondre aux nouvelles attentes des marchés, de plus en plus concurrentielles, les entreprises redéfinissent constamment leur positionnement et ajustent leur stratégie, avec l’obligation, à chaque fois, de mobiliser ou remobiliser l’ensemble des collaborateurs », soutient Charlotte Ringrave.